Ce n’est pas la première fois que l’ancien footballeur David Beckham – en couple avec notre ancienne Spice Girl préférée : Victoria Beckham – embrasse sa petite dernière Harper sur la bouche.
Cela avait déjà fait polémique en 2017 alors que la petite avait 6 ans. Il avait alors fait face à des commentaires de gêne et de réprobation auxquels il avait répondu :
« J’ai été critiqué pour avoir embrassé ma fille sur la bouche l’autre jour. J’embrasse tous mes enfants sur la bouche. Brooklyn, peut-être pas. Brooklyn a 18 ans, il pourrait trouver ça un peu étrange. Mais je suis très affectueux avec les enfants. C’est comme ça que j’ai été élevé et Victoria aussi, et c’est comme ça que nous sommes avec nos enfants. »
Qu’importent les critiques, l’ancien footballeur a donc persisté et signé en postant sur son compte Instagram deux photos vendredi 14 janvier avec sa fille Harper Beckham, désormais âgée de 11 ans. La deuxième qui comporte un bisou a fait couler de l’encre.
Les réactions ont été diverses et variées, allant de trouver ça extrêmement mignon à très gênant. Car en Angleterre, comme en France, ce n’est pas la norme d’embrasser son enfant sur la bouche : ces baisers sont réservés aux relations amoureuses.
Pourquoi cela a t-il été déterminé ainsi ? Est-ce naturel ou une construction sociale et culturelle ?
Salutations et marques d’affection selon les pays
Ces façons de faire sont surtout culturelles. On ne se dit pas bonjour et l’on ne marque pas son affection par les mêmes signes dans tous les pays.
Dans l’ouvrage Ce qu’embrasser veut dire, Jean-Claude Kaufmann cite un médecin du 19e siècle, Henry Havelock Ellis :
« Chez les Jekris de la Nigérie, les mères frottent leur bébé de leur joue ou de leur bouche, mais sans baiser.
Il semble que chez une grande partie des Amérindiens, on ne donne pas de baisers aux enfants. […]
Au Japon, le baiser est tout à fait inconnu comme marque d’affection. Après la première enfance, il n’y a plus d’embrassement et de baiser ; ces actions sont considérées comme inconvenantes, sauf dans le cas de bébés. »
Il s’agit d’un journal de voyage et non d’un travail d’historien mais cela montre à quel point ces signes d’affection peuvent être culturels, propres à chaque région du monde.
Encore actuellement, les façons de se saluer diffèrent selon les pays. En Russie, on se dit bonjour en s’embrassant sur la bouche entre adultes. C’est un acte plutôt banal.
Comme l’exprime également cette personne en commentaire de la photo de David Beckham :
« En République tchèque, c’est normal d’embrasser les parents de cette manière. Il n’y a rien de romantique là-dedans. J’embrasse mon père et ma mère comme ça chaque fois que je les vois. Je ne vois pas où est le problème là-dedans.
Je comprends que chaque culture soit différente mais on ne va pas lui déverser de la haine à chaque fois qu’il [David Beckham] embrasse sa fille ! »
C’est donc une question de point de vue ! Quand les enfants sont tout petits, ils ont envie d’embrasser et de mordre, et toutes les parties du visage y passent.
Des tout-petits qui mordent et embrassent
Les bébés embrassent sur la bouche, sur le nez, avec beaucoup d’instinct, leurs parents et parfois d’autres adultes qu’ils côtoient, notamment car ils ont un lien fort avec l’oralité.
Ils apprennent peu à peu ce que ces marques signifient et comment les distribuer ou non. Les enfants de maternelle parlent ensuite de « bisous d’amoureux ».
Certaines familles se créent alors leurs propres codes, faisant fi de ce qui se déroule dans le reste de la société. Chloé, 28 ans, explique être de culture méditerranéenne, et a toujours trouvé cela naturel et normal d’embrasser les membres de sa famille :
« J’ai toujours trouvé ça naturel. Je ne saurais même pas dire comment ça a commencé vu que c’était une habitude depuis que je suis très très petite. Je suis très famille. Être très famille, c’est très méditerranéen. On passe énormément de temps ensemble. On grandit entourés de nos grands-parents, de nos oncles et tantes.
Du coup, c’était quelque chose qui s’était instauré et qui n’a jamais été un truc bizarre selon moi, ni selon ma famille d’ailleurs. Simplement un geste naturel. Après on ne s’embrassait pas sans arrêt, juste pour se dire bonjour et au revoir ! […] Pour moi : il n’y a rien de malsain là-dedans. »
Comme pour la famille Beckham et beaucoup d’autres ! Grand bien leur fasse d’avoir leurs propres marques d’affection. Qui sommes-nous pour juger de la manière dont ils se montrent leur amour…
Cela peut-il néanmoins poser quelques problèmes ? C’est en tout cas ce qu’ont énoncé certains professionnels, allant de pédiatres à des psychanalystes.
Apprentissage du consentement et complexe d’Œdipe
Le fait de faire des distinctions permet aux enfants, selon Marie Chetrit, docteure en sciences qui vient de publier Éducation positive : une question d’équilibre ? Démêler le vrai du faux de la parentalité bienveillante, de comprendre quelles sont les marques d’affection adaptées avec les adultes :
« Comment est-ce qu’un enfant peut comprendre qu’un autre adulte n’a pas le droit de l’embrasser sur la bouche ? »
Marie Chetrit pense à la manière dont on éduque les enfants pour refuser des gestes inappropriés, même s’ils sont capables de faire la distinction très tôt entre leurs parents et les autres adultes.
Plusieurs spécialistes de la petite enfance — Françoise Dolto, Edwige Antier et Claude Hamos — étaient réfractaires au baiser sur la bouche entre parents et enfants, comme le rappelle Le Monde. Le complexe d’Œdipe (dont l’installation et la résolution serait dans notre cas entravées) n’est jamais très loin, mais ces théories sont à prendre avec des pincettes : elles émanent de la psychanalyse, controversée et largement sexiste.
Selon Marie Chetrit, sans frémir à l’idée d’un complexe d’Œdipe éternel, il est tout de même intéressant d’anticiper la future vie amoureuse des enfants :
« Segmenter les gestes en fonction du degré d’intimité est une bonne chose. »
Y a t-il un rapport entre les baisers de salutation, d’affection et d’amour ?
Affection et premier baiser
Marie Chetrit décrit à Madmoizelle une gradation qu’elle estime nécessaire dans les marques d’affection :
« Les personnes que l’on ne connaît pas, on les salue juste ou on leur serse la main. Les connaissances, on peut les embrasser sur la joue ; plus on est dans une relation proche, plus on prend dans les bras, plus on caresse les cheveux. Embrasser sur la bouche, c’est dans le registre de l’amour ou au minimum de la séduction. »
Elle se demande pourquoi embrasser ses enfants sur la bouche :
« Dans notre culture, ce serait incongru qu’un adulte embrasse ses parents sur la bouche. On percevrait quelque chose d’incestueux alors qu’en fin de compte, c’est la même relation parentale.
Alors je ne dis pas du tout que c’est incestueux mais il peut y avoir quelque chose de brouillé dans les codes des marques affectives. »
David Beckham avait par ailleurs précisé qu’il n’embrassait plus son enfant de 18 ans sur la bouche, Brooklyn, car le jeune adulte aurait « trouvé ça un peu étrange ».
Pour Chloé, de la même manière que cela avait commencé naturellement, ça s’est arrêté tout aussi naturellement :
« On a arrêté très naturellement quand j’ai grandi, vers 14-15 ans. Sans s’en parler. […] Mais par contre, ça peut m’arriver encore aujourd’hui dans ma vie d’adulte de faire un bisou sur la bouche de ma mère pour lui dire bonjour ou au revoir. »
Marie Chetrit s’interroge aussi sur le premier baiser, souvent à l’adolescence :
« Comment l’adolescent peut vivre l’érotisme d’un premier baiser ? C’est un événement dans la vie ; si on a été habitué à embrasser sur la bouche, est-ce qu’on garde cette charge émotionnelle, cette découverte ? »
Il est en effet intéressant de se questionner sur les impacts que cela peut avoir dans la vie intime et amoureuse ensuite. Pour Chloé, ça n’a rien à voir, comme elle nous l’explique :
« Embrasser pour la première fois quelqu’un et embrasser un membre de sa famille, ça n’a rien à voir mais alors rien du tout ! Faire un bisou à ma famille est simplement le geste habituel d’un enfant. Chez moi ça se faisait et voilà on réfléchissait pas au-delà.
Il n’y avait aucune signification mise à part témoigner son affection et encore. Pour moi, c’était une habitude qu’on avait mise en place. Quand tu embrasse ton mec, c’est totalement différent et incomparable. »
Pour résumer, chaque famille peut créer ses codes et choisir ses marques d’affection : c’est en quelque sorte une micro-société. Mais il est possible que cela créer une petite confusion chez l’enfant par rapport à ce qui se passe dans le reste de notre société et que le regard des autres soit un peu perturbant.
C’est bien de le savoir pour faire ses choix en toute conscience !
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Image en une : © Instagram/David Beckham
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