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Lishia Rabinina / Pexels
Travail

Savez-vous ce qu’est une paludière ? Eh bien c’est mon métier !

Vous aussi, rêvez de grand air et d’un rythme de vie plus naturel ? C’est le quotidien de Miléna. À 23 ans, elle produit du sel dans les bassins de Guérande, et nous raconte son quotidien de paludière !

J’ai 23 ans et je suis paludière, c’est-à-dire productrice de sel artisanal dans le bassin de Guérande, en Loire-Atlantique. Mon métier consiste à travailler la terre et l’eau de mer pour en extraire du sel, grâce au soleil et au vent !

La production de sel, une histoire de famille

L’histoire d’amour entre ma famille et ce métier remonte au moins à 1620, et a duré jusqu’en 1966. Mes ancêtres ont été paludiers pendant trois siècles, voire plus — je n’ai pas réussi à remonter plus loin dans mes recherches généalogiques.

Mais dans les années 60, le milieu du « marais » a connu un déclin énorme. Malgré une charge de travail élevée, la récolte et la vente du sel ne suffisaient plus à subvenir aux besoins des paludiers, qui s’appauvrissaient énormément.

Leurs enfants quittaient dès que possible les exploitations pour faire des études et pouvoir survivre. C’est le choix qu’a fait mon grand-père, lequel a perdu ainsi les salines familiales qui se transmettaient jusqu’alors de génération en génération.

Comment je suis devenue paludière

Malgré cet héritage chargé en sel, j’ai donc découvert le quotidien de paludière en faisant des saisons !

L’été, les producteurs recrutent des « cueilleurs-porteurs » qui les aident à cueillir les fleurs de sel et à porter le gros sel. Dès ma première expérience, j’ai su que c’était ce que je voulais faire de ma vie : être au grand air, vivre au rythme des saisons et de la météo…

Mais à ce moment-là, je faisais un autre métier que j’aimais beaucoup, et qui demandait énormément d’investissement. Il n’était pas simple d’en changer comme ça.

En 2017, j’ai fini par prendre la décision de quitter mon travail et de commencer à travailler exclusivement comme paludière. J’ai continué à faire des saisons, rencontré des producteurs, approfondi mes connaissances de la région… Tout s’est fait assez naturellement, et sur la durée.

Je ne suis pas arrivée sur les marais pour m’y installer directement, j’ai pris le temps de connaître les autres producteurs et de comprendre en profondeur le fonctionnement de cette culture. En 2020, après de longues recherches, je me suis installée sur ma propre exploitation, en étant très fière de renouer avec cette tradition familiale.

La solidarité dans les salines

En tant que femme autiste, j’ai du mal à m’intégrer socialement, ou à communiquer facilement avec les autres. J’ai donc dû penser mon exploitation en prenant mon handicap en compte

: elle est plus petite que celle des autres paludiers, car je ne peux pas gérer l’embauche et le contact de trop de saisonniers, et j’ai un rythme de travail un peu différent, qui me permet plus de repos.

Tout ça aurait pu être très difficile à mettre en œuvre si je n’avais pas été accueillie très chaleureusement par les autres paludiers de ma région. Ici, les salines sont organisées en coopératives, pour permettre aux agriculteurs de mieux vivre de leur travail. Et dans le salines, le maître mot est l’entraide, il y a même des équipes dédiées à ça !

C’est grâce à la solidarité de mes pairs et à toute leur aide que j’ai pu m’installer, que je peux être aussi à l’aise aujourd’hui.

À lire aussi : Trois trucs qui deviennent tristement monotones quand on quitte la vie rurale

Mon quotidien de paludière est rythmé par les saisons

Mon métier est basé à 100% sur la météo et la salinité de l’eau. Du coup, mon quotidien est très différent en fonction des saisons !

À l’automne, ma journée type commence au lever du soleil, donc vers 9h, et je passe mes journées à remplir des brouettes de terre puis à l’évacuer de ma saline (pour faire simple). Je finis avant le crépuscule, vers 17h. Les journées sont assez courtes.

En hiver, je commence à préparer mes bassins de sel pour la saison qui arrive : je débroussaille la végétation, j’enlève la vase qui s’est accumulée sur les fonds, et je l’utilise pour nourrir les ponts entre les bassins afin de les consolider pour qu’ils soient résistants au fil des mois.

Petit à petit, le printemps arrive alors mes journées s’allongent ! Je continue de préparer les salines, en contrôlant les taux de salinité de l’eau, en vérifiant aussi qu’il n’y a pas d’impuretés. Plus les journées sont chaudes, plus l’eau se concentre en sel.

L’été, le sel arrive en fonction du temps. S’il est chaud et ensoleillé, la saison peut commencer au mois de mai, ou à la mi-juillet — voire jamais pour les années très pluvieuses. On nettoie les bassins de production, qu’on appelle des œillets, afin d’avoir un sel le plus pur possible.

L’été, saison de la récolte du sel

Ensuite, la saison est lancée ! C’est à ce moment-là que mes journées sont les plus longues. Je me lève à 6h30 pour récolter le gros sel sur quasiment toute mon exploitation. Je règle mon eau, vérifie le travail des saisonniers qui récoltent la fleur de sel, prépare des mulons (des petits tas de sels qui permettent de le conserver), transporte des sacs…

A midi, je rentre chez moi, je mange, je fais une sieste, et je repars à 15h30 pour aller trier et cueillir ma fleur de sel, puis prendre sur les œillets le gros sel que je n’ai pas emporté le matin.

Quand je termine, il est environ 21h30. Je règle mon eau, et rentre chez moi, manger et dormir.

L’été les journées sont très longues et fatigantes, mais ce sont celles que je préfère : on récolte le fruit des efforts de l’année, et le sel tant attendu. Cette période dure tant qu’il n’y a pas de pluie ; certaines années, on peut travailler jusqu’à 30 jours d’affilée… Ou pas du tout, si il fait un sale temps.

Un mode de vie calme, au contact de la nature

La plupart des gens voient le fait de vivre dans une région rurale, un peu isolée comme une chose difficile. D’ailleurs, on me demande souvent si cette obligation, du fait de mon métier, n’est pas une contrainte et cette question me fait rire : moi, j’adore être paludière et vivre ici !

Quand j’avais 6 ans, mes parents ont quitté la région parisienne pour revenir près de nos racines et nous élever au grand air. C’est l’endroit où j’ai grandi, et il fait partie de moi. Étant très casanière, je vois le fait de vivre ici comme un énorme avantage : je suis mon rythme et celui du soleil, et je profite !

Si ce métier vous fait rêver autant que nous, sachez qu’il existe un Brevet Professionnel en Saliculture unique en France, situé en Loire Atlantique, où vous pourrez apprendre les secrets de la profession !

À lire aussi : Elles ont quitté la grande ville pour s’installer à la campagne

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Les Commentaires

6
Avatar de domb17
11 janvier 2021 à 10h01
domb17
Super témoignage ! Je connais bien le coin, je m'y balade souvent et c'est très beau Il y a beaucoup à faire et à voir dans la région... C'est super chouette cette transmission et cette réappropriation personnelle d'un savoir-faire ancestral !
2
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