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Parentalité

« On naît en assumant d’avoir deux mères » : des enfants élevés par des couples lesbiens se racontent

Rencontre avec Kolia Hiffler-Wittkowsky, autrice de Gosses d’homos, un recueil de témoignages d’enfants élevés dans des couples lesbiens.

« Ça m’a montré que c’était sérieux et j’ai eu envie d’en faire plus. »

C’est un déclic loin d’être anodin qui a poussé Kolia Hiffler-Wittkowsky à écrire Gosses d’homos, sorti en mars dernier chez Max Milo. Fin 2019, elle et sa sœur ont pu être adoptées par une de leurs mères. Conçues toutes les deux par PMA à l’étranger et élevées par deux mamans, elles n’avaient jusque-là que le nom de leur mère biologique sur leur état civil.

C’est ce symbole qui a fait prendre conscience à Kolia Hiffler-Wittkowsky, 21 ans et étudiante en philosophie à Lyon, de l’importance de la reconnaissance légale de la filiation.

L’idée de se lancer dans l’écriture d’un recueil de témoignages pour donner la parole à ceux et celles qui, comme elle et sa sœur, ont grandi dans une famille composée de deux mères a rapidement jailli :

« J’ai toujours été très attachée au principe de laisser la parole aux concernées, en l’occurrence aux enfants et ça m’a souvent affligée de voir à quel point on parle à la place des personnes nées de PMA. C’est ce principe-là qui s’est articulé autour de ma propre expérience. J’ai donc contacté des enfants via des associations comme les Enfants d’arc en ciel, l’APGL pour recueillir des témoignages. »

gosses dhomos kolia hiffler wittkowsky – max milo
Gosses d’homos, d’ores et déjà disponible à la vente

Des enfances entre normes et différences

« Un enfant arc-en-ciel a toujours besoin de prouver qu’il est conforme à la norme », résume Kolia Hiffler-Wittkowsky auprès de Madmoizelle. Ce constat que dresse l’autrice ressort dans une grande partie des témoignages du livre.

Récits à la première personne, entretiens, ou encore dialogues entre membres d’une même famille, permettent de voir la diversité des vécus dont le trait commun est d’être celui d’enfants qui grandissent ou qui ont grandi avec deux mères.

« Souvent, on naît en assumant d’avoir deux mères », explique Kolia Hiffler-Wittkowsky. C’est plus tard, notamment à l’école, que surgit le sentiment de ne pas être comme les autres et que la honte peut s’installer.

« Dans mon cas, c’est arrivé à la fin de la primaire et au collège. »

L’autrice estime aussi que la famille elle-même peut être une source de lesbophobie :

« Les grands-parents ont parfois aussi du mal, s’adaptent plus ou moins vite, parfois les parentes ont aussi intégré beaucoup de lesbophobie, on habitue alors l’enfant à ne pas le dire, à dissimuler. C’est une question de structure sociale, fondamentalement queerphobe. »

Taire la réalité de sa famille, mentir par omission devient un réflexe de protection.

Montrer patte blanche

C’est aussi une pression à l’exemplarité qui s’exerce plus ou moins insidieusement sur les enfants :

« Ça apparaît très bien à travers le témoignage d’Anne-Lise : il faut constamment montrer patte blanche, prouver que le fait d’avoir deux mères n’a aucun effet sur notre développement, sur notre vie. »

Anne-Lise, que Madmoizelle a rencontrée, explique justement à quel point les enfants des familles homoparentales sont scrutés

, comme l’étaient il n’y a encore pas si longtemps d’autres enfants qui sortaient de la norme familiale, ceux issus de couples divorcés :

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par Madmoizelle (@madmoizelledotcom)

Montrer qu’on est aussi bon à l’école que les autres, que l’on est équilibré, que l’on vit dans un environnement sain, que l’on n’est pas perturbé par le fait de grandir dans une famille différente, cela va finalement rassurer ceux et celles qui veulent que l’ordre hétéronormatif de la société ne soit pas trop bousculé.

« L’un des aspects centraux sur lesquels ça se cristallise, c’est l’orientation sexuelle », souligne Kolia Hiffler-Wittkowsky. Ce qui pose évidemment problème : il faudrait encore une fois rassurer la société, se justifier de ne pas être gay, lesbienne ou bisexuelle comme ses mères pour prouver que les familles homoparentales ne fabriquent pas des enfants homos…

Mais en faisant cela, on laisse aussi entendre que ce serait un problème d’être une personne homo, bisexuelle ou trans et d’avoir grandi dans une famille homoparentale. « Le problème que ça pose, c’est que ça risque d’alimenter les discours réactionnaires », analyse Kolia Hiffler-Wittkowsky.

La situation est inextricable. D’autant que statistiquement, on sait qu’il n’y a pas plus d’enfants homos dans les familles homoparentales que dans les familles hétéroparentales !

« Le fait de grandir dans un cadre homoparental peut ouvrir des questionnements sur l’orientation sexuelle ou romantique, mais ça ne diverge pas selon qu’on est dans une famille homo ou hétéro. C’est même obscène de mesurer ce genre de choses, on ne devrait pas avoir à se justifier. »

Même si elle précise que la démarche n’est pas du tout la même, Kolia Hiffler-Wittkowsky fait le lien avec l’acte du coming-out :

« Être élevée par une famille homoparentale, c’est un vécu indirect, ce n’est pas un coming-out, mais on doit quand même dire “oui, mais mes mères le sont”. Finalement c’est presque encore plus compliqué. »

Une normalisation de l’homoparentalité pas encore acquise

Peut-on malgré tout dire que la société est largement plus tolérante à l’égard des familles homoparentales qu’il y a quelques décennies ? Qu’elles font désormais partie du paysage et rencontrent de moins en moins de rejet et d’hostilité ?

« Il est vrai qu’il y a eu un très grand progrès dans l’Europe occidentale », reconnaît Kolia Hiffler-Wittkowsky, avant de nuancer : 

« Mais je pense que c’est quand même en décalage avec le vécu des gens. L’expérience que j’ai d’avoir deux mères n’est pas une donnée sociologique, mais je vois que ça pose toujours un problème. Il y a toujours des microréactions, des questions. »

Tant que, dans les fiches de rentrée à remplir à l’école, il sera toujours inscrit « profession du père » / « profession de la mère », les choses n’auront pas réellement progressé, estime l’autrice, qui se souvient très bien que c’est là une des raisons, d’apparence anodine, qui l’empêchait de dire qu’elle avait deux mères.

Impossible quand elle était enfant de rayer la mention inutile du père pour la remplacer : le risque de s’exposer était trop grand, insurmontable.

« Tant que papa-maman sera plus normal que d’avoir deux mamans, deux papas, ou trois parents, ce sera nécessaire d’avoir ce genre de témoignages. »

Alors que la loi de bioéthique revient à l’Assemblée nationale pour la troisième lecture avec l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, et que certains argumentaires réactionnaires sont encore assénés, il semble toujours aussi nécessaire de donner de la place à ces témoignages, à ces familles, dans une société en apparence plus tolérante, mais qui reste encore pétrie de normes et de préjugés.

À lire aussi : Pourquoi je brise le tabou de la PMA sur Instagram


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