« Mais c’est déjà passé, la loi sur la PMA, non ? »
Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai entendu cette phrase ni le nombre de fois où j’ai patiemment expliqué que non, la procréation médicalement assistée n’est pas encore possible pour les couples de lesbiennes ni pour les femmes célibataires : « non, on en est à telle étape, non, ce n’est pas passé, pas encore, et puis c’est incomplet, les personnes trans vont être exclues… »
C’est un peu déprimant de voir qu’une avancée a tellement traîné que pour la plupart des gens, c’est comme si c’était déjà acté. Pour vous donner une idée, le projet de loi de bioéthique, qui contient donc l’extension de la PMA, a été déposé le 24 juillet 2019 à l’Assemblée nationale… Il y a presque deux ans !
Si la loi n’est pas encore votée, si on persiste depuis des années à nous dire qu’il faut un débat serein et apaisé pour cette question ô combien complexe et clivante, l’opinion publique, elle, a déjà validé l’idée que la PMA doit être accessible, quelle que soit l’orientation sexuelle ou la situation de couple des gens : dans un récent sondage de l’Ifop pour l’ADFH, on voit que deux tiers des personnes interrogées y sont favorables.
Ce lundi 7 juin, le projet de loi de bioéthique revient donc à l’Assemblée nationale pour la troisième lecture. Plus de 1.800 amendements ont été déposés. Où en est-on concernant la PMA ? À quoi s’attendre avec ce nouveau texte ? On fait le point sur ce que nous réserve la loi.
L’extension de l’accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires
Jusqu’ici, et depuis 1994, la PMA était essentiellement autorisée aux couples composés d’un homme et d’une femme, pour pallier une infertilité ou une stérilité, ou éviter la transmission d’une maladie grave.
Après l’examen en commission qui s’est tenu début juin, la nouvelle loi prévoit d’étendre ces techniques aux couples de femmes et aux femmes célibataires. « Cet accès ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs », précise le texte.
Les personnes trans, exclues de la PMA
Les différents amendements déposés par les députés Raphaël Gérard (LREM) ou Bastien Lachaud (LFI) afin de permettre aux personnes trans d’être elles aussi autorisées au parcours de PMA ont tous été rejetés en commission.
Il s’agissait de permettre aux hommes trans de pouvoir avoir accès aux techniques de PMA, et ce même après leur changement d’état civil, ainsi que de permettre aux femmes trans de faire conserver leurs spermatozoïdes en vue de les utiliser dans le cadre d’un projet d’enfant.
Remboursée pour les uns, par pour les autres ?
Durant tout l’examen du texte, l’enjeu du remboursement de la PMA a été utilisé par l’opposition pour tenter de créer des conditions d’accès différentes à la médecine procréative : en somme, un couple hétérosexuel aurait continué à être remboursé, tandis qu’une femme célibataire ou un couple de femmes auraient dû payer de leur poche.
L’objectif d’une telle disposition ? Établir une distinction entre une PMA dite médicale et une PMA dite sociale, entre un désir d’enfant légitime (celui des couples hétérosexuels infertiles), et un caprice (celui des femmes qui ne sont pas en couple avec un homme). Ces amendements ont été retoqués à chaque fois, fort heureusement. La PMA sera donc bien remboursée sans distinction.
Enfin la possibilité de faire conserver ses ovocytes
C’est une des avancées qui avait été rejetée par le Sénat en février dernier, lors d’une séance rocambolesque. Qu’on ne s’affole pas, elle sera rétablie : l’autoconservation des ovocytes — la possibilité de les faire congeler afin de préserver sa fertilité pour envisager un projet d’enfant plus tard — sera bien dans la révision de la loi de bioéthique.
La question de l’accès aux origines
C’est un enjeu de taille, qui ne concernera donc pas que les femmes célibataires et les couples de femmes, mais l’ensemble des futurs parents qui s’engageront en parcours de PMA.
Les futurs donneurs et donneuses de gamètes devront désormais consentir à ce que leur identité soit accessible aux enfants nés grâce à leur don. À leur majorité, ces jeunes adultes pourront ainsi, s’ils le désirent, connaître la personne qui a fait don de son sperme ou de ses ovocytes grâce auxquelles ils ont été conçus.
Quid des enfants nés d’une PMA avant cette révision de la loi ? Ils pourront, s’ils le souhaitent, faire une demande qui sera examinée en commission afin de savoir si le donneur ou la donneuse souhaite que l’anonymat soit levé.
Réformer la filiation
Depuis 2013 et la possibilité pour les couples de même sexe d’adopter, les femmes qui ont un enfant par PMA ensemble peuvent enfin être reconnues toutes les deux comme parents. À cela près qu’elles ne sont pas toutes les deux automatiquement reconnues à l’état civil : seule la mère biologique l’est.
Pour la mère sociale, celle qui n’a pas porté l’enfant, elle doit encore, pour être reconnue, faire une demande d’adoption. Des démarches qui sont coûteuses en temps et en argent, qui imposent aux deux mères d’être mariées.
Avec la révision de la loi de bioéthique, et l’extension de la PMA, les parlementaires vont aussi enfin faciliter la reconnaissance de la filiation. Le choix s’est porté sur la reconnaissance conjointe anticipée, une déclaration que les deux mères devront remplir chez un notaire et qui permettra d’inscrire la mère sociale à l’état civil à la naissance de l’enfant.
Selon certaines associations homoparentales, le choix de cette disposition n’est pas le plus pertinent. « Cette déclaration apparaîtra sur l’acte de naissance de l’enfant, mais la mention PMA n’y figurera pas. Cependant, comme la “reconnaissance conjointe de l’enfant à naître” sera réservée aux enfants conçus par PMA au sein des couples de lesbiennes, on pourra aussi en déduire la conception par PMA », rappelle l’association Les Enfants d’Arc en Ciel.
La ROPA retoquée en commission
La méthode de Réception des ovules de la partenaire, appelée communément ROPA, est une technique de PMA accessible notamment en Espagne qui permet à un couple de femmes de partager la grossesse : un embryon va être conçu in vitro à partir des ovocytes de l’une d’elles et du sperme d’un donneur, puis sera implanté dans l’utérus de l’autre.
La ROPA peut être recommandée d’un point de vue médical, en cas d’insuffisance ovarienne chez l’une des mères par exemple, ou bien par choix, afin que les deux futures mères soient physiquement investies dans le processus de PMA. Mais, ce ne sera pas possible tout de suite en France : les amendements déposés en faveur de l’ouverture de la ROPA ont été rejetés en commission.
PMA : la troisième lecture commence… mais ce n’est pas fini
Le processus n’est pas fini : après cet examen, il faudra attendre un retour du texte au Sénat, puis un vote final à l’Assemblée nationale, qui aura donc le dernier mot. C’est seulement ensuite que le texte pourra être promulgué et que la loi sera enfin applicable.
Selon Olivier Véran, cela ne saurait tarder, cela sera fait courant juillet. Plein d’optimisme, le ministre de la Santé a affirmé début mai que les premiers bébés PMA issus de cette loi pourraient naître au printemps 2022 ! Une perspective qui nous a fait sourire autant qu’elle nous a fait grincer des dents, tant elle est détachée du réel… Même si la loi est appliquée, le manque actuel de dons de gamètes ne va pas jouer en faveur des nouvelles patientes en parcours de PMA.
Ce serait aussi oublier qu’on n’obtient pas une grossesse en un claquement de doigts, ce serait trop simple : il faut souvent plusieurs tentatives d’inséminations ou de fécondations in vitro. Enfin, PMA ou pas, une grossesse dure toujours neuf mois.
Cette annonce, aussi pleine d’espoir soit-elle, semble donc surtout faite pour que la majorité présidentielle puisse s’enorgueillir d’une mesure sociétale dans son bilan à l’approche de l’élection présidentielle de 2022.
La dernière ligne droite pour la PMA ?
Enfin la lumière au bout d’un long tunnel de renoncements et de reculs ? La question de la PMA est sur la table depuis presque 10 ans.
Depuis l’adoption de la loi sur le mariage pour tous en mai 2013, elle n’a eu de cesse d’être repoussée : d’abord par le gouvernement de François Hollande, échaudé par la vague réactionnaire qui a déferlé en France, puis par celui d’Emmanuel Macron, qui s’en est emparé seulement à mi-quinquennat et en traînant des pieds.
Ces différentes étapes auront été autant de montagnes russes pour celles qui attendent depuis bien longtemps l’adoption de la loi, mais aussi pour celles pour qui il est trop tard, ou qui ont dû se tourner vers l’étranger pour pouvoir fonder une famille.
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