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Parentalité

« Mon monde s’est agrandi et c’est précieux » : comment les parents de LGBT changent grâce à leur enfant

Les parents peuvent-ils grandir grâce à leur enfant ? Oui, notamment si celui-ci est une personne queer. Parce qu’elles ont des expériences et des savoirs spécifiques, les enfants LGBT peuvent faire évoluer leurs daron·nes, voici comment. 

« Ma mère a énormément changé, elle s’est ouverte à un nouveau monde et c’est incroyable. » constate avec plaisir Keeran, 25 ans. Si cette personne non-binaire a aujourd’hui une relation complice avec sa maman, il a fallu plusieurs années de conversations entre son coming-out gay à l’adolescence et maintenant. Bien que le coming-out ne soit pas une expérience universelle, il est la plupart du temps évoqué sous l’angle de la peur du rejet. On ne parle que rarement du processus de remise en question positive qui peut s’ouvrir chez des parents de LGBT. Au-delà d’une nécessaire mise à jour en culture queer, de vraies transformations intimes peuvent se produire. 

Accepter la confusion et la transformation 

Pour Nicolas 53 ans, le CO gay de son enfant Julou a été « un vrai chamboulement ». Il poursuit : « Même si l’homosexualité n’a jamais été un problème pour moi, à aucun moment je n’avais imaginé que mes enfants pourraient l’être. » Sur le moment, Isabelle, la maman, relativise et dit à son enfant qu’« à son âge, rien n’est figé ». « Je n’avais pas conscience de la violence de ce type de réponse, pour Julou. C’est une méconnaissance qui conduit à cela, de l’inquiétude face à l’inconnu. » analyse-t-elle aujourd’hui.

Même des parents a priori « LGBT-friendly », comme Nicolas et Isabelle, peuvent être déstabilisés par le coming out de leur enfant. Ils et elles doivent en effet revoir leur vision du genre ou de la sexualité, et parfois les attentes nourries plus ou moins consciemment pour la vie de leur enfant, comme le montre les premières analyses de la sociologue Camille Masclet qui mène actuellement une enquête sur les parents de LGBT.

« L’acceptation se situe dans l’abandon d’une toute puissance parentale sur la destinée de l’enfant. »

Morgan Noam

Certain·es choisissent alors de consulter un·e psychologue, comme Morgan Noam qui accompagne de nombreux parents de LGBT. Ce jeune praticien trans est très actif sur Instagram, et c’est par là qu’une partie de sa patientèle de parents arrive à lui, admettant « qu’iels ne savent pas faire et ne connaissent pas le monde LGBT. » On parle souvent d’ « acceptation » pour décrire l’accueil que des parents font à un CO, un terme imparfait qui laisse penser qu’il est possible de négocier la vérité d’autrui. « [Pour moi], l’acceptation se situe dans l’abandon d’une toute puissance parentale sur la destinée de l’enfant. » précise Morgan Noam. « Les parents qui viennent me voir ne sont pas là pour faire un travail d’acceptation de leur enfant, mais d’acceptation de leur propre confusion. »

Les parents de LGBT peuvent aussi avoir recours à des associations médiatrices comme Contact, qui aide les familles à dialoguer via des cercles de parole. « Parfois des parents arrivent dévastés, et de voir d’autres personnes qui sont apaisées, ça leur permet de reprendre confiance, de voir que les choses peuvent évoluer positivement. » relève Antony Debard, porte-parole de l’asso. Contact a été fondée il y a 30 ans, en pleine épidémie du sida et reçoit de plus en plus de familles pour des CO trans, un sujet « encore mal compris »

Remettre en question ses croyances… et son entourage

La transidentité de Léo, 22 ans, a longtemps été un tabou pour sa mère. « C’était une conversation par an » se remémore-t-il. Après quelques déclics, mère et fils s’entendent très bien aujourd’hui. Leo constate que sa maman « a d’une certaine manière, remis en question des choses du schéma patriarcal, comme l’importance du couple. » Il s’en réjouit : « Elle met vraiment l’accent sur ses amitiés. Je pense que ça vient des discussions qu’on a ensemble, et pas forcément autour de ma transition. Ma sensibilité féministe la touche aussi. » Même son de cloche pour Keeran qui relève avec fierté : « [Ma mère] m’a bien fait comprendre que ses enfants passaient avant tout, et qu’elle ne sortirait plus jamais avec une personne aussi étroite d’esprit que [mon géniteur] » Les mamans seraient-elles plus soutenantes ? Selon les grandes études sur l’acceptation de l’homosexualité, le genre est un facteur déterminant rappelle Camille Masclet. La sociologue ajoute : « Il y a une plus grande disposition des femmes à travailler sur elles-mêmes selon leur propre distance avec l’hétéronormativité, par exemple par le fait d’avoir subi des violences ou être divorcée. » Comme le dit Keeran à sa manière : « C’est bien d’avoir des enfants queers pour mieux comprendre c’est quoi être hétéro. »

Une thérapie individuelle pour le parents

Dans son cabinet, Morgan Noam constate un type de parcours intéressant : quand un parent vient solo pour gérer le coming out de son enfant, l’accompagnement familial se transforme souvent en une thérapie individuelle, où refont surface des brimades vécues petit. « Le fait que son enfant s’autorise [à être libre] alors que soi-même on n’a pas pu, c’est à la limite du supportable pour certains parents. Ça met face à des “années perdues”. » Le processus de thérapie engagé peut alors venir « réparer un enfant intérieur chez le parent ». Mais les évolutions liées à un coming out ne concernent pas que nos papas et mamans : certain·es consultent Morgan Noam bien spécifiquement pour faire face aux questions ou difficultés posées par la famille proche. Le coming out d’un enfant peut alors précipiter des ruptures qui étaient déjà en germe : « Il y a une émancipation des liens du sang nécessaire depuis longtemps qui se fait à cette occasion. L’enfant est presque une excuse pour s’extraire de liens qui ne servaient plus. » raconte le psychologue. Et ce nouveau positionnement va aussi se traduire par une responsabilisation en-dehors de la famille. 

Devient-on un·e « allié·e » dès qu’on a un enfant LGBT ?

Pas si simple. « Ce que j’observe c’est que [ce terme d’allié] est une catégorie mobilisée par les parents proches – via leurs enfants – des milieux les plus politisés. » explique Camille Masclet, qui rappelle qu’il existe plusieurs manières d’agir au quotidien : « Ne pas laisser passer des choses, on peut considérer que c’est déjà un engagement. C’est voir ce qu’on ne voyait pas avant. » Diffuser des informations sur la réalité des personnes LGBT est le premier niveau sur lequel les parents peuvent devenir des soutiens de la communauté. « Travaillant avec des collégiens, je suis persuadée que l’information et le dialogue sont essentiels sur tous ces sujets. » pose Isabelle, la maman de Julou. Son conjoint, Nicolas abonde et se dit, « pas peu fier de savoir un peu de quoi je parle » Même si quelques maladresses arrivent encore, Leo constate avec joie le soutien de sa mère : « Elle m’a dit qu’elle s’était engueulée avec des proches qui partageaient des conneries TERFS sur les réseaux sociaux ! Elle a déjà supprimé des contacts sur Facebook sans que je lui demande rien ! » Un soutien précieux dans un contexte de transphobie exacerbée relève-t-il.  

Chez Contact, Anthony rapporte un cercle d’engagement vertueux : « 70% des personnes qui s’investissent dans l’asso sont des personnes qui ont bénéficié de son travail. » Les effets de la conscience parentale peuvent aussi se reporter sur d’autres espaces : « Il y a des parents qui ensuite s’investissent dans les assos LGBT de leurs boîtes. » Pour les parents croyant·es, un engagement en faveur des personnes queers peut aussi s’organiser au sein des espaces religieux. Mais avant d’en arriver à de l’action publique, Morgan Noam invite les parents qui accueillent un coming-out à prendre soin d’eux et rappelle : « Vos enfants n’ont pas besoin que vous compreniez tout mais iels ont besoin de votre amour inconditionnel. » Il conclut : « C’est peut-être un des plus beaux cadeaux qui soit d’avoir un enfant queer dans la famille. » 


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Les Commentaires

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Avatar de KtyKoneko
21 mars 2024 à 11h03
KtyKoneko
Quand mon fils m'a dit qu'il est bi, lors d'une discussion banale alors que nous allions je-ne-sais-plus-où en voiture, je me suis entendue lui répondre de façon réflexe « Ah bah du coup ça te fais 2 fois plus de chances de rencontrer quelqu'un»
Il est célibataire, et je sais à quel point il souhaite trouver l'amour.
Pour moi, c'est un non-sujet, il est comme il est, et je l'aime comme il est.
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