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Société

Malgré l’ouverture de la PMA, des mères sociales continuent de devoir se battre pour leurs droits

Avec Le cri des cœurs, des mères sociales témoignent de leur absence de droits parentaux après une séparation. Des situations dramatiques qui montrent un vide juridique, malgré les avancées en matière de reconnaissance des familles homoparentales.

Elles sont la « deuxième maman », la « mère sociale », celle qui n’a pas porté l’enfant. Et si pour elles, elles sont mères à part entière, la loi française les a oubliées. En couple avec une autre femme, elles ont souvent du lutter pour fonder une famille, aller à l’étranger pour faire une PMA, ou bien avoir recours à un donneur connu pour une insémination artisanale. Mais après une séparation, certaines doivent aussi se battre pour ne pas être effacées de la vie de leur enfant.

Une loi incomplète et des familles fracturées

C’est le cas d’Alexandra, 45 ans. Avec son ex-compagne, dont elle est séparée depuis trois ans, elle a eu trois enfants, âgés de 13, 11 et 10 ans, conçus par PMA à l’étranger. Elle a porté l’aîné et la benjamine, et sa compagne, la cadette, Eva*. Les deux femmes partagent l’autorité parentale sur les trois enfants. Vivant toutes deux à Neuville sur Saône, près de Lyon, une garde partagée a été possible après la séparation. Mais la situation a viré au cauchemar après une dispute.

« Ça a été le début de l’enfer », nous raconte Alexandra. « Elle a récupéré Eva, en me disant que je n’avais pas de droits sur elle. Elle ne voulait plus accueillir nos deux autres enfants. Elle nous a fermé la porte pendant huit mois. » Alexandra entame alors une procédure juridique. Son ex l’informe qu’elle part s’installer dans une autre ville, à plusieurs heures de son domicile. « Elle sépare une fratrie et elle abandonne nos deux autres enfants. Ça a été très compliqué pour tout le monde ».

Alexandra finit par obtenir d’avoir Eva un week-end sur deux et fait une demande de reconnaissance conjointe a posteriori, démarche qui nécessite l’accord de la mère qui a accouché. Entretemps, elle dépose aussi huit plaintes contre son ex-conjointe parce que leur fille n’est pas toujours déposée dans le train les week-ends où Alexandra devrait l’avoir. Ces plaintes n’aboutiront qu’à un rappel à la loi. « Depuis mai, j’ai lancé une procédure d’adoption sans son consentement, mais mon avocate peine à avoir des informations. Je suis optimiste, je rentre dans toutes les cases de la loi. Une fois que je pourrai adopter Eva, je redemanderai sa garde. Pour moi, nos enfants sont frère et sœurs. »

Ce n’est que depuis la loi de 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe qu’un couple de femmes peut obtenir la reconnaissance légale de leur statut de parents. Pour cela, elles devaient entamer une procédure d’adoption pour que la mère sociale, celle qui n’a donc pas accouché, puisse être à son tour considérée comme mère de l’enfant. De longues démarches fastidieuses, coûteuses aussi, qui nécessitaient de passer par la case mariage, et soumises à une décision de justice. Depuis 2021, avec l’extension de l’accès à la PMA obtenu en 2021 via la révision de la loi de bioéthique, la filiation se fait désormais par une reconnaissance conjointe anticipée (RCA). Reste que la loi est loin de couvrir toutes les situations, à commencer par celles des couples séparés avant d’avoir obtenu l’adoption, où celle qui a porté l’enfant a tous les droits et peut priver son ex de voir leur enfant.

Malgré l’ouverture de la PMA, des mères sociales continuent de devoir se battre pour leurs droits

Un combat pour revoir son enfant

Ces mères privées de droits et de reconnaissance témoignent aujourd’hui pour lever ce tabou et montrer leur combat. Pour mettre en lumière leurs vécus, l’association homoparentale Les Enfants d’arc en ciel publie une série de témoignages de ces mères oubliées, à travers un recueil, Le Cri des cœurs. Certaines n’ont plus été en contact avec leur enfant depuis des mois, voire des années.

Angélique, 39 ans, vit à Gujan Mestras, en Aquitaine. Avec son ex, elles ont eu deux enfants en 2012 et 2013. Chacune a porté un enfant. Mariées en 2015, elles ont entamé la procédure d’adoption, mais n’ont pas pu aller au bout du parcours pour des raisons financières. En 2017, elles finissent par se séparer. « Comme je n’avais pas de droit sur notre fille aînée, mon ex a décidé de me priver d’elle. Je la voyais quand elle avait envie. Elle m’a fait du chantage, si je ne t’étais pas d’accord avec quelque chose, c’était “tu ne verras pas la petite”. » Un compromis est d’abord trouvé pour terminer les démarches d’adoption, mais le couple finit malgré tout par divorcer sans être allé au bout.

Commence alors le combat d’Angélique : sa demande de garde alternée lui est refusée, elle n’obtient qu’un droit de visite chez les parents de son ex-compagne, d’abord d’une heure et demie, puis de trois heures sans la présence de sa nouvelle compagne, et finit par gagner un week-end sur deux. La situation est difficile à vivre, pour elle, pour les deux enfants, dont l’une est tiraillée entre ses deux mères dans un conflit de loyauté, et l’autre a été abandonnée par l’une des deux.

« J’ai vraiment eu une période avec énormément de colère », confie Angélique. « Aujourd’hui c’est beaucoup de tristesse pour ma fille aînée. Je lui dis qu’elle n’est pas le pantin de maman. » Au bout de cinq ans de combat pour essayer de faire partie de la vie de sa fille, Angélique reste déterminée et peut compter sur le soutien de sa femme, grâce à qui elle est « encore debout » : « Quand ma fille sera plus grande, ma porte lui sera toujours ouverte. Je ne fais pas de différences entre mes deux filles. »

« Comme je n’avais pas de droit sur notre fille aînée, mon ex a décidé de me priver d’elle »

Des injustices qui perdurent pour les mères sociales

Si Alexandra témoigne aujourd’hui, c’est aussi parce qu’elle estime que sa souffrance et celle d’autres mères sociales n’est pas toujours considérée : « Les proches n’ont pas envie de voir, ils vous soutiennent quelques mois, mais à la longue, ils disent “t’inquiète pas, ta fille elle sait que tu l’aimes, elle saura toujours”… mais encore heureux ! Je me bats pour elle, j’ai envie de la voir, et aujourd’hui je n’ai que des miettes. » Une situation intolérable, d’autant que si elle compare avec celle d’un couple hétérosexuel séparé, Alexandra constate que le deuxième parent ne peut pas déménager du jour au lendemain. Son cas tombe dans un vide juridique que l’entourage ne veut pas toujours voir. Elle espère ainsi faire prendre conscience que la loi n’est pas complète : « Pourquoi on ne pourrait pas être considérée comme une maman quel que soit le mode de conception ? »

Angélique aussi dénonce un système injuste : « Je me sens à l’écart, comme je n’ai pas choisi la “bonne” méthode de conception de mes enfants, je suis un peu oubliée, je n’ai pas les mêmes droits. Mais un couple hétéro, on ne lui demande pas comment il a fait pour avoir son enfant ! »

L’une et l’autre trouvent soutien et solidarité dans les groupes de soutien des Enfants d’arc en ciel avec d’autres adhérentes qui comme elles, sont confrontées à l’absence de droits parentaux après une séparation. Elles s’estiment presque chanceuses face à des situations familiales autrement plus dramatiques que les leurs, où des mères n’ont pas vu leur enfant depuis parfois plusieurs années.

Livre Le Cri des cœurs, de l’association Les Enfants d’Arc en Ciel

Livre Le Cri des cœurs, de l’association Les Enfants d’Arc en Ciel

À lire aussi : S’il suffisait qu’on s’aime, une puissante BD pour se replonger dans le combat pour la PMA

Crédit photo : Bethany Beck via Unsplash

* Le prénom a été changé.

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