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Star des réseaux anarchistes, outil d’eugénisme… l’histoire méconnue de la vasectomie

En France, moins d’1% des hommes sont stérilisés. Pourtant, cette pratique légalisée dans l’hexagone le 4 juillet 2001 ne date pas d’hier. Dans Opération Vasectomie (paru aux éditions Libertalia), la docteure en histoire contemporaine Élodie Serna se penche sur cette pratique, de ses origines à ses liens complexes avec la virilité et la méconnaissance qu’ont les hommes de leur propre corps.

En tournant les pages du livre d’Élodie Serna sur la vasectomie, il est fort probable que vous fassiez un simple constat : nous ignorons tout ou presque de cette pratique médicale.

De son fonctionnement biologique, qui consiste à ligaturer les canaux déférents pour que les spermatozoïdes ne puissent plus rejoindre le liquide spermatique, à son histoire : son premier usage clinique remonte à 1885 ! La chercheuse raconte :

« J’ai commencé une thèse sur les stérilisations masculines volontaires en Europe dans l’entre-deux guerre en partant d’un procès qui a eu lieu à Bordeaux au milieu des années 30.

J’avais trouvé cette information en faisant des recherches personnelles sur la contraception. Cela me semblait intriguant que des hommes aient pu se stériliser en France au milieu des années 30 alors que l’opération restait rare et méconnue au début des années 2010. Aujourd’hui encore le nombre de personnes opérées reste faible [9240 en 2018]. »

Les débuts de la vasectomie dans l’Histoire

Élodie Serna découvre alors que, s’il y a eu des livres sur Eugen Steinach, l’un des premiers endocrinologues à pratiquer la vasectomie dans les années 20 en Autriche, il n’existe aucun ouvrage sur la riche histoire de cette opération, ni en France ni à l’étranger.

« Derrière la glorieuse place octroyée au phallus dans la culture occidentale se cache une certaine inculture quant aux réalités prosaïques du sexe masculin. »

Même si le docteur Steinach promet aux hommes vasectomisés de devenir « plus vigoureux » et même de « rajeunir », l’opération est dès le début de son histoire plongée dans l’illégalité. Elle se développe majoritairement dans les réseaux anarchistes et libertaires.

« Dès les années 1870, les univers politiques qui défendent l’accès à la contraception et à la limitation des naissances sont très liés aux réseaux libertaires. Si dans l’entre-deux guerres ces derniers ont pu fournir cette possibilité d’opération à des ouvriers, c’est parce que les milieux anarchistes étaient plus à l’aise avec l’illégalité et la mise en place de réseaux de solidarité confidentiels. »

La vasectomie, grande oubliée des moyens de contraception

Pour sortir la vasectomie de l’illégalité et la faire connaître, des brochures et des livres sont écrits : Essai sur la vasectomie de Hardy, dès 1913, La stérilisation sexuelle de Norbert Bartosek en 1936, Mieux que la pilule de Christophe Baroni en 1972…

Mais la vasectomie n’est jamais prioritaire dans les débats autour de la contraception. L’historienne livre son analyse :

« La contraception est évidemment au cœur des revendications féministes des années 70, mais quand les femmes parlent de stérilisation ce n’est pas pour en revendiquer l’accès, c’est pour dénoncer les stérilisations forcées dont elles sont victimes dans de nombreux pays du monde. Aux États-Unis, par exemple, les féministes dénoncent la stérilisation forcée des femmes afro-américaines. »

L’autrice analyse longuement dans son livre la manière dont l’Inde, aidée par les États-Unis et l’Europe, est devenue « le laboratoire d’expérimentation de la vasectomie de masse » via des incitations financières. Avec à la clé, comme le mettaient déjà en avant les théories néomalthusianistes et eugénistes des années 20, le contrôle du corps des classes ouvrières et pauvres.

L’urgence réside donc plutôt dans la défense du corps des femmes. « La question du partage de la contraception se pose beaucoup plus tard » résume Elodie Serna.

D’autant que la méconnaissance qu’ont les personnes pourvues d’un pénis de leur propre corps et le culte de la virilité restent très prégnants dans une société patriarcale. Pourtant, Élodie Serna nous apprend que la vasectomie n’a pas toujours été considérée comme dévirilisante.

Steinach présentait déjà l’opération comme un moyen d’être plus vigoureux dans les années 20 alors qu’en 75 le « manifeste des vasectomisés » réaffirmait que l’opération ne nuisait « en rien à la virilité de l’individu ».

Les Américains ont même inventé la « brosectomy », un week-end entre amis pour se faire vasectomiser, au terme duquel ils reçoivent un « certificat de bravoure hors du commun ». La célébration du courage viril n’est jamais loin dans un pays où l’opération est volontiers montrée dans des films et des séries.

Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas stigmatisée, rappelle Élodie Serna :

Dès les années 20, les hommes encore jeunes qui se stérilisent de manière clandestine sont pointés du doigt comme étant lâches, égoïstes, comme ne voulant pas remplir leur rôle social de père. En cela, la vasectomie est vue comme une négation de la virilité.

Et en France, on en est où ?

Loin des brosectomy, la France est en retard sur le sujet et l’opération n’est y est autorisée que depuis 2001. Dans son livre, Elodie Serna cite de nombreux facteurs pour expliquer cette législation tardive : l’esprit conservateur du corps médical, une tradition nataliste et des crispations liées à de mauvaises connaissances de l’acte en lui-même.

Pourtant, à l’heure où l’on parle de la charge sexuelle et du partage de la contraception entre les hommes et les femmes, la question de la vasectomie revient sur le tapis. Le nombre d’opérations a été multiplié par cinq entre 2010 et 2018.

« Dans les années 70, les hommes qui s’investissaient sur la question de la contraception le faisaient avec un bagage très pro-féministe. Aujourd’hui, certains y ont recours sans avoir forcément d’opinion politique sur le sujet, simplement parce que leur partenaire sexuelle est arrivée au bout de toutes les contraceptions sans en trouver aucune qui lui convient. Le scandale de la contraception hormonale dans les années 2010 a beaucoup joué aussi. »

Ceux qui sont investis sur la question aujourd’hui, qui témoignent notamment dans des articles ou des podcasts, « envisagent la stérilisation et la contraception masculine comme faisant partie d’un travail de déconstruction du masculin et du virilisme. »

Elodie Serna nous met en garde dans son livre :

La contraception masculine ne peut avoir de bénéfice social que si et seulement si elle a pour objectif l’émancipation des femmes.

Il faut aussi l’envisager dans le cadre d’une société capitaliste et patriarcale.

« Ce n’est pas possible de simplement se féliciter du fait que le nombre de vasectomies augmente comme si cela allait fondamentalement changer l’ensemble des rapports sociaux. On peut imaginer que beaucoup d’hommes se contraceptent ou se vasectomisent sans que cela améliore pour autant la condition des femmes. Cela peut simplement vouloir dire qu’ils ont un pouvoir supplémentaire entre leurs mains. »

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« Opération vasectomie » d’Élodie Serna – Fnac – 10€

À lire aussi : Contraception masculine : « Combien d’hommes se débrouillent avec ce qu’ils trouvent ? »


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