Je m’appelle Clarisse, j’ai 21 ans, et je suis étudiante en école de commerce. Dans la vie, je suis passionnée par l’agriculture : à l’origine de cet intérêt, il y a mon amour pour la nourriture, mais aussi une culture familiale où bien manger a toujours été important.
Quand j’ai vu, il y a quelques années, le documentaire Demain de Cyril Dion, j’ai eu un déclic. Il y parle de permaculture, et j’ai commencé à me renseigner, à lire des livres à ce sujet. L’agriculture, c’est tellement de choses ! Dans un pays, c’est l’alimentation, la culture, le paysage… C’est aussi important d’un point de vue physiologique que sociologique.
En parallèle, je suis aussi engagée pour l’environnement et je fais partie du collectif Ambitions Transitions, un groupe d’alumni qui essaient de faire bouger les écoles de commerces et les entreprises qui s’y construisent pour un monde plus respectueux des écosystèmes. On pense souvent qu’il y a une incohérence entre mes valeurs et mon choix d’études, mais je ne suis pas d’accord : l’agriculture, l’alimentation et les échanges sont intimement liés. Le commerce, c’est ce qui est supposé assurer que les personnes puissent avoir accès aux biens et aux services. Vivre sur une planète saine qui ne va pas se détruire, ça en fait partie !
Après trois ans d’études, j’ai décidé de prendre une année de césure pour aller voir des fermes biologiques en France et à l’étranger qui innovent et qui permettent de faire à manger autrement, dans le respect de l’environnement. Ce voyage, j’ai décidé de le faire sans prendre l’avion.
L’avion et son empreinte carbone
Comme une grande partie des gens, j’aime voyager. J’ai même vécu à l’étranger avec ma famille en tant qu’expatriés : trois ans au Japon et trois ans en Chine. J’ai donc été amenée à aimer découvrir d’autres pays, d’autres cultures, mais aussi à prendre énormément l’avion.
Un jour, j’ai appris qu’un vol en avion avait l’impact sur l’environnement le plus élevé de tous nos actes individuels. À l’échelle d’une personne, ça fait exploser un bilan carbone : ça ne peut pas être compensé par le zéro déchet, par le fait d’arrêter de manger de la viande, ou de se déplacer à vélo.
J’ai pris mon dernier avion en 2018. À partir de là, j’ai commencé à faire de très, très longs voyages en bus ! Quand on ne prend plus l’avion, on réalise vite que le périmètre des pays où l’on peut se rendre est restreint, et que même quand on va dans un pays proche, les choses vont être un peu plus compliquées. Aujourd’hui, on manque encore d’infrastructures pour voyager sans avion avec facilité.
Quand on fait du slow travel, le déplacement fait partie du voyage
Me déplacer de cette manière, ce n’est pas vraiment une contrainte pour moi, plutôt un challenge. Je reste libre de faire ce que je veux, mais différemment. Quand on part en avion, on va sur un site, avec un départ, une arrivée, et un trajet dans une machine au milieu. Alors qu’avec le combo bus / train / ferry, il y a un vrai goût de l’aventure qu’on développe !
Ça change même la manière dont on pense le voyage : il ne commence plus au moment où l’on atteint sa destination, mais dès le moment du déplacement — qui est même la partie la plus intéressante du trajet. C’est là que j’apprends le plus.
Je sais qu’aujourd’hui, tout le monde ne peut pas voyager comme ça. Avec des enfants, ça peut être compliqué par exemple. C’est la raison pour laquelle je documente mon périple sur les réseaux sociaux : j’ai envie que les choses deviennent plus faciles, donc je partage mes astuces !
Mon voyage jusqu’en Grèce sans avion
J’ai commencé mon voyage en octobre, depuis Reims. Ensuite, j’ai pris le train jusqu’à Paris, puis un Paris-Milan qui m’a coûté 20 €. J’étais très fière de ce bon plan !
Après une nuit Milan, dont j’ai profité pour voir la ville, j’ai pris le train en direction de Naples, puis de Salerno. Mon point de chute était un village voisin, où j’ai passé un mois en woofing dans une ferme incroyable.
Pendant un mois, j’ai vécu avec une famille. J’ai mangé ultra-local, appris à cuisiner les choses qui poussaient dans le jardin, y compris les mauvaises herbes comestibles… Cette expérience a été très enrichissante : avoir le temps de découvrir un mode de vie et une région en profondeur, aux côtés d’une famille qui a accepté de partager sa culture et d’échanger avec moi, c’est une manière de voyager très différente de celle que j’avais expérimentée jusqu’ici et qui m’a nourrie bien plus intensément.
Après un mois dans cette ferme, j’ai traversé l’Italie jusqu’à Bari pour retrouver une amie qui étudiait en Italie. J’y ai passé quelques jours avant de sauter dans un ferry. Cette fois-ci, pour passer de l’Adriatique à la mer Ionienne et rejoindre Patras en Grèce.
J’y ai pris le train pour Athènes, où j’ai passé une semaine, avant de rejoindre la ville de Chania, en Crète. Là-bas, j’étais logée dans le cadre d’un autre woofing où je récoltais des olives.
Quand j’en ai eu assez des oliviers et que j’ai eu envie de découvrir d’autres formes d’agricultures, j’ai décidé de rentrer en France. Pour cela, j’ai d’abord pris un Ferry pour repasser par l’Italie, cette fois-ci par Brindisi. J’ai pris le train jusqu’à Rome, que je n’avais pas vue à l’aller, et après avoir visité la ville, j’ai fait 15 heures de bus jusqu’à Lyon pour voir mon frère. Ma prochaine étape, c’est de rejoindre ma grand-mère dans le Béarn !
Voyager seule quand on est une femme
À chaque étape, j’ai documenté mon périple sur les réseaux sociaux. C’est une manière d’informer les gens sur les possibilités de voyage sans avion, mais aussi de donner envie et de montrer les joies du slow travel. Souvent, on me répond en me conseillant de faire du stop, en précisant que c’est une manière géniale de rencontrer des gens. Mais moi, en tant que fille seule, je fais très attention à toujours prendre les transports publics, dans lesquels il y a du monde. C’est important pour moi, et pour mes parents.
Je n’ai pas eu de problème au cours de ce voyage. Parfois, il y a eu des moments de stress, où j’ai dû vérifier que je n’étais pas suivie. C’est important de le savoir, et de ne pas être naïve : quand j’étais seule à Athènes par exemple, un homme a essayé de me convaincre de l’accompagner dans une rue à l’écart. J’ai refusé, je n’ai pas cédé, et heureusement ! Peut-être que si j’avais été plus jeune, je l’aurais suivi sans trop savoir ce qui se passait. J’ai aussi rencontré des femmes plus âgées qui s’étonnaient que je voyage seule, et qui veillaient sur moi dans les endroits clos comme les ferrys de nuit, par exemple. C’est important et touchant, cette sororité.
Voir la richesse autour de soi
Je suis consciente d’avoir eu la chance immense de faire beaucoup de voyages quand j’étais plus jeune, avec ma famille. Les vacances, pour nous, c’était prendre l’avion pour aller dans un autre pays, et repartir une semaine plus tard en ayant vu tous les sites touristiques.
C’est génial d’avoir le privilège de le faire, mais j’ai le sentiment qu’on en ressort parfois sans rien. Ça me fait penser à ces cartes du monde sur lesquelles on gratte les pays qu’on a visités : on est allé dans une ville ou une région, et puis on gratte tout le pays, comme si on avait tout vu là-bas. J’aimerais promouvoir une autre manière de voyager.
Pour moi, l’écologie, c’est un prétexte pour repenser ce que c’est que de découvrir une culture, des personnes. Refuser l’avion pour préserver la planète, ça m’a amenée à comprendre qu’il y avait plein de choses à découvrir dans mon pays et à voir la valeur et la richesse de tout ce qu’il y avait autour de moi. La preuve, je viens de passer un mois en Italie, mais je ne connais toujours pas l’Italie : je connais le village, et éventuellement la région où j’ai passé du temps.
Ce genre de voyage, ça me fait grandir mille fois plus que ce que j’ai vécu plus jeune, quand on partait pour une semaine aux Philippines. Alors, je ne vois pas le fait de ne plus prendre l’avion comme un sacrifice ! Je ne perds rien à ne pas pouvoir aller passer une semaine à New York, je saisis plutôt la chance d’aller découvrir ce qu’il y a à côté de moi.
Mon but, en partageant tout ça sur les réseaux sociaux, ce n’est pas de culpabiliser les gens mais simplement de montrer qu’on peut faire les choses différemment, et de mettre en valeur les possibilités du slow travel et des modes de transport doux.
Ça ne veut pas dire que je suis contre le fait de partir loin, ou de s’exposer à des cultures différentes des nôtres. J’aimerais bien que l’avion continue à être une possibilité, mais qu’on la considère comme ce que c’est — quelque chose de spécial, un immense privilège. Et si on fait ça, peut-être qu’on pourra continuer à le prendre dans le futur.
Pour moi, l’écologie a été un prétexte pour devenir quelqu’un de moins passif : je fais de mon mieux, de manière pragmatique, sur ce que je peux changer. Là, je vais prendre un mois chez ma grand-mère pour étudier l’agriculture biologique, et rencontrer ceux qui la pratiquent autour de chez elle. Et ensuite, j’aimerais bien finir mon année de césure par un tour de France à vélo, et j’ai hâte de découvrir les régions de France de cette manière. Et toujours en communiquant là-dessus, parce que ça me rend heureuse ! J’espère que ça convaincra d’autres personnes d’en faire autant.
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Crédit image de Une : photographie fournie par Clarisse Amouroux
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Les Commentaires
Après, mon pays de prédilection, c'est le Japon, j'y suis déjà allée 2 fois (les 2 seules fois où j'ai pris l'avion), j'aimerais y aller une 3ème fois avec mon mari qui, lui, n'y est jamais allé et adorerait ça.