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Pourquoi j’ai choisi l’accouchement à domicile pour mon premier enfant

Cette lectrice a choisi l’accouchement accompagné à domicile : avec deux sages-femmes et son conjoint à ses côtés, elle a donné naissance à son premier enfant dans son salon. Elle nous raconte les raisons de son choix, et les particularités de l’AAD.

Article initialement publié le 12 février 2021

J’ai 26 ans, je suis étudiante en Master 2, et fin 2020, j’ai accouché de mon premier enfant… à domicile.

J’ai souvent lu que la mouvance du « tout naturel » (accouchement physiologique, allaitement, portage physiologique, couches lavables, etc.) n’était pas féministe. Mais moi, c’est par féminisme que j’ai choisi l‘Accouchement Accompagné à Domicile (AAD).

L’omniprésence de la péridurale

Au départ, c’était mal barré. Je suis issue d’une fratrie de trois enfants et ma maman, dont je suis très proche, nous a eu par voie basse, avec péridurale. Elle m’a transmis une vision très positive de la grossesse et de l’accouchement, mais m’a toujours dit « Je ne sais pas accoucher sans péri ! ».

Quant à mon père, il a toujours été très vocal sur ce qu’il pensait des femmes qui accouchent sans anti-douleur : il ne comprend pas l’intérêt. Il disait souvent : « Si je vais me faire retirer une dent cariée chez le dentiste, je ne vais pas lui demander de le faire sans anesthésie ! ».

Avec de tels retours, j’étais plutôt partie sur l’idée qu’il faut être « folle » pour accoucher sans péridurale.

Mais à 17 ans, j’ai été diagnostiquée d’une maladie rare impliquant, entre autres choses, des douleurs chroniques et une résistance accrue aux antidouleurs. Le professeur spécialiste de ma maladie m’a annoncé que le jour où je souhaiterais des enfants, il fallait que je sache que la péridurale ne fonctionnerait sûrement pas. BAM.

J’avais toujours souhaité avoir des enfants, et même une famille « nombreuse ». Soudain, on m’annonçait que l’accouchement sous péridurale, que je prenais pour acquis et comme une évidence, ne serait sûrement pas possible.

La remise en question de l’accouchement à l’hôpital

En 2012, l’année de mes 18 ans, j’ai écrit un article (à destination de mes proches et de quelques profs) sur les violences gynécologiques et obstétricales en France en prenant trois exemples : l’épisiotomie, le « point du mari » et la position gynécologique (le décubitus dorsal).

Ce sujet, choisi car j’étais déjà féministe, a marqué le début d’une passion : aujourd’hui, je suis en master d’éthique du soin et de la recherche, et mon mémoire concerne la prise en soin éthique en gynécologie et obstétrique !

J’ai donc été amenée à me renseigner de plus en plus sur des sujets tels que la grossesse, l’accouchement et sa physiologie, et les violences gynécologiques et obstétricales.

Au fil de ces recherches, j’ai réalisé que l’accouchement était un évènement lors duquel je ne souhaitais surtout pas perdre mon autonomie. Je voulais éviter la médication, les actes médicaux non indispensables, et surtout éviter toute violence gynécologique ou obstétricale.

Pourquoi j’ai choisi l’accouchement à domicile

Pour répondre à mes envies et mes besoins, l’accouchement accompagné à domicile m’a semblé être le meilleur choix. Par définition, celui-ci se fait sans péridurale et cela tombe bien : je ne souhaitais pas être « silenciée » par une anesthésie qui me rendrait docile et silencieuse dans un service surchargé, avec des sages-femmes en sous effectif et qui, même si elles font de leur mieux, ne seraient pas assez disponibles.

Je souhaitais connaître les personnes qui seraient là pour m’assister durant mon enfantement. Je ne voulais pas avoir à être sur mes gardes et devoir défendre mes choix : pas d’auscultation gynécologique, pas d’épisiotomie, pas de péridurale, pas de perfusion d’ocytocine de synthèse. Je n’avais aucune envie de donner la vie dans un environnement étranger, aseptisé, avec des lumières crues.

Je souhaitais avant tout rester dans ma bulle, sans le stress du départ à la maternité… Donner naissance de manière libre et sereine, chez moi, dans notre cocon, avec des visages connus, des personnes avec qui je serais en confiance.

La contrainte s’est transformée en choix

C’est ainsi que mon choix s’est fait. Quand j’ai rencontré celui qui est aujourd’hui mon partenaire de PACS, mon fiancé, et le père de mon enfant, je lui ai très vite parlé de tout ça, alors même que nous n’étions qu’amis.

Dès que je suis tombée enceinte, la question du lieu et du type d’accouchement ne s’est même pas posée, il était clair pour nous deux, que nous partions sur un accouchement accompagné à domicile.

Une fois la grossesse confirmée par un test urinaire et un test sanguin, la première chose que nous avons faite, à six semaines d’aménorrhée, a été de contacter les sages femmes pratiquant les AAD dans notre ville. Vous pourrez trouvez un registre qui les recense sur le site de l’Association des Professionnels de l’Accouchement Accompagné à Domicile (APAAD).

Nous avons donc rencontré une de ces sages femmes, qui nous a informé des conditions nécessaires au suivi et au coût de l’accouchement à domicile. En effet, cette pratique n’est possible en France que lors d’une grossesse qui ne comporte ni pathologie (diabète gestationnel, trouble de croissance in utero, pathologie de la mère ou du fœtus, pré-éclampsie, etc.) ni facteur de risques (macrosomie fœtale, placenta prævia, grossesse multiple, utérus cicatriciel, accouchement prématuré ou en grand dépassement de terme, etc.).

Nous avons la chance d’être dans une zone du pays où les sages femmes qui pratiquent les AAD sont nombreuses, et trois d’entre elles ont accepté de nous suivre, tout au long de ma grossesse.

Comment préparer un accouchement accompagné à domicile ?

Un AAD, ça se prépare ! Certes c’est une pratique très marginale (1% des naissances) mais il ne faut pas croire que c’est une pratique de « hippie » , ou un refus de toute médicalisation.

Tout au long de ma grossesse, j’ai bénéficié d’un suivi. Pour la grossesse, la préparation à l’accouchement, l’accouchement, et le suivi post-partum à domicile. Et tout au long, j’ai eu la sensation d’être chouchoutée ! Avoir toujours les même interlocutrices, les appeler par leur prénom, les tutoyer, savoir qu’elles connaissent parfaitement notre projet et mes limites, savoir qui sera là le jour J… quel luxe !

Dans ce suivi global, j’ai adoré le côté très humain : à chaque rendez-vous, nous buvions un thé ensemble. Pour écouter le cœur du bébé et prendre ma tension, je m’allongeais sur un matelas au sol, la tête sur les genoux de mon chéri.

Je n’ai eu aucune auscultation gynécologique (toucher vaginal) de toute ma grossesse et de tout l’accouchement. Pour moi, c’était un point très important car premièrement, il n’y avait aucun intérêt médical à cette pratique tant que tout se passait bien, et deuxièmement, ayant été victime de viol par le passé, cela me convenait mieux pour rester sereine.

Parallèlement, je me suis inscrite en maternité en cas de pépin dans le plan A. Je m’y suis rendue deux fois, lors desquelles j’ai pu présenter mon projet et discuter avec les équipes. Ainsi, dans le cas d’un bébé en siège, d’une prématurité ou d’un dépassement de terme ou tout autre souci, nous nous serions rendus sur place.

Quand les sages femmes viennent à domicile pour un AAD, elles ont avec elles de quoi réanimer la mère et l’enfant, de l’oxygène, des ampoules d’ocytocine, du matériel de suture, et surtout, au moindre pépin, on fait un transfert vers l’hôpital. D’ailleurs, les chiffres d’analyse de l’apaad sur l’accouchement à domicile sont très bons : je n’étais pas inquiète.

Pourquoi j’ai choisi l’accouchement à domicile pour mon premier enfant
Mustafa Omar / Unsplash

L’accouchement à domicile, le jour J

Ma grossesse s’est bien passée et tous les voyants sont restés au vert. Au début du dernier mois de grossesse, nous nous sommes procuré le matériel nécessaire à l’accouchement : des alèses jetables, des bâches, des compresses stériles, des serviettes douces, des gants de toilette, deux bassines…

Nous devions louer une piscine d’accouchement à nos sages femmes mais au final j’ai accouché quelques jours avant qu’elles nous l’amènent. Tant pis, cela ne m’a pas manqué !

Un beau jour, à 22h, je suis entrée tout doucement en travail. J’ai géré seule les contractions jusqu’à 2h du matin, puis avec l’aide de mon conjoint que je suis allée réveiller. À 6h45 le lendemain, il a appelé les sages femmes. La première est arrivée à 7h30 et la seconde à 8h30. À 9h02, notre bébé naissait dans notre salon, au pied du sapin de Noël et nous découvrions son sexe (nous avions gardé la surprise). Notre bébé est né dans sa poche des eaux qui est sortie en 1er et s’est rompue au moment où il est sorti en entier.

Mon accouchement a été une expérience puissante

J’ai accouché entièrement nue, dans notre salon plongé dans une semi pénombre, avec des bougies allumées et des huiles essentielles en diffusion.

J’ai donné naissance en position accroupie, après un travail réalisé essentiellement à quatre pattes avec le buste sur le ballon. C’est moi qui ai attrapé notre enfant, ce qui me tenait particulièrement à cœur (les sages-femmes savaient que notre souhait était que l’un de nous deux attrape le bébé, car nous souhaitions être le premier contact humain que notre enfant sentirait en arrivant sur Terre).

Et je n’ai eu aucune auscultation gynécologique (j’ai moi même introduit mes doigts dans mon vagin pour suivre la progression de la poche des eaux). Les sages femmes ont contrôlé le rythme cardiaque fœtal à plusieurs reprises durant le travail pendant que je restais à quatre pattes.

Mon enfantement s’est déroulé de la plus belle des manières, bien sûr, c’était douloureux, on ne va pas se mentir. Mais cette expérience était magnifique et je la renouvellerai sans hésiter pour mes autres enfants.

Je suis restée confiante tout le long. Cela a comblé toutes mes attentes relatives à mon suivi de grossesse et à mon accouchement. Cela m’a également rapprochée de mon conjoint qui a été très actif durant tout le travail.

J’ai le sentiment d’avoir vécu quelque chose de très intense, un dépassement de soi qui relève de l’exploit sportif !

Combien coûte un accouchement à domicile ?

Le coût d’un accouchement accompagné à domicile est très variable d’une région à l’autre et d’une sage femme à l’autre.

Il faut savoir qu’un AAD coûte moins cher qu’un accouchement en structure (pas de séjour en chambre, pas d’anesthésiste, pas de gynécologue…), mais est moins pris en charge par la sécurité sociale. Son coût se fait donc bien ressentir sur le budget familial.

Pour l’acte d’accouchement, le tarif est de 376€. Ensuite les sages femmes peuvent demander des dépassement d’honoraires, selon leur choix personnel. Ces surcoûts, qui peuvent aller de 100 à plus de 1 000 €, sont pris en charge par certaines mutuelles… mais pas toutes.

Dans notre région, les sages-femmes qui pratiquent l’accouchement à domicile font partie des plus chères de France. Cela s’explique en partie parce qu’elles sont trois à être d’astreinte et deux à se déplacer pour l’accouchement, ce qui multiplie les frais.

Nous avons donc eu 1 200€ de dépassement d’honoraires. Trois fois 200€ pour les trois sages-femmes d’astreinte, que nous avons payés nous même, et deux fois 300€ pour les deux sages-femmes présentes lors de l’acte d’accouchement, pris en charge par notre mutuelle. J’ai conscience de notre chance d’avoir pu sortir cette somme, mais pour moi cet accouchement était si important que je serais allée jusqu’à faire un emprunt si nécessaire.

Pouvoir accoucher chez soi est à la fois une chance et un luxe : pour des raisons médicales comme financières, tout le monde n’a pas les ressources permettant d’y accéder

Quel cadre légal pour L’AAD ?

En France, accoucher chez soi est possible. Cela fait partie des  libertés et droits fondamentaux, notamment celui au respect de la vie privée et à l’autonomie personnelle. N’oublions pas que légalement, toute personne prend ses propres décisions concernant sa santé.

Il n’est donc pas illégal d’accompagner un accouchement à domicile pour les sages-femmes. Cependant, selon le code de la santé publique, tous les professionnels de santé sont tenus d’être assurés, et aucune assurance de responsabilité civile professionnelle n’accepte d’assurer les sages-femmes spécialisées dans les accouchements accompagnés à domicile.

Si l’AAD est légal, l’État entrave assez fortement cette pratique, quitte à ce que les sages-femmes se retrouvent dans une situation très précaire…

Pour aller plus loin, cette lectrice recommande…

À lire aussi : Cette vidéo d’accouchement dans une voiture va changer votre vision de la naissance

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Les Commentaires

7
Avatar de Penny65
3 septembre 2022 à 18h09
Penny65
Je respecte également ce choix, et il est vrai qu'une grande partie des femmes pourrait accoucher à la maison ... sauf que je suis d'une autre génération, et que j'ai vu et entendu trop de choses (je sais, je fais ma vieille schnoque) : des histoires de bébés morts nés, d'hémorragies, de cordon autour du cou ...
Alors, oui, une grand partie des femmes pourrait accoucher à la maison sans problème, mais on ne sait pas à l'avance. Les accouchements à l'hôpital, ce n'est pas pour nous déshumaniser ou nous enlever ce moment unique, c'est parce qu'accoucher en milieu médical a permis de sauver des vies, de mères comme de bébés.
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