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Il ne fout rien à la maison pendant 30 ans et doit dédommager son ex-compagne

Un tribunal portugais a condamné un homme à dédommager son ex pour avoir géré 100% des tâches ménagères pendant trente ans. Un tel jugement pourrait-il être rendu en France ? On a demandé à des avocates leur avis.

En janvier, la Cour Suprême du Portugal a rendu une décision historique d’un point de vue féministe. Elle a considéré qu’il n’était ni naturel ni juste, qu’un seul des membres du couple — en l’occurrence, la femme — assume l’intégralité des tâches ménagères et parentales.

L’histoire commence au Portugal donc, avec un couple qui se sépare en 2010 après quasiment 30 ans de vie commune en concubinage. Après la rupture, la femme demande à son ex-compagnon de lui verser une compensation financière pour le travail domestique et parental qu’elle a effectué. Ménage, repas, soins et suivi des devoirs de leur fils, c’est elle qui s’est occupée de tout pendant plusieurs décennies, tout en travaillant dans le magasin de meubles familial.

Le cas remonte jusqu’à la Cour Suprême portugaise qui demande à l’homme de verser 60.782€ à son ex.

Une décision de justice qui valorise le travail domestique et parental

Pour motiver sa décision, elle dit la chose suivante :

« Il n’est pas possible de considérer que la réalisation de la totalité ou quasi-totalité des tâches ménagères par un seul des membres du couple, marié ou non, correspond à l’accomplissement d’une obligation naturelle, fondée sur un devoir de justice. Au contraire, un tel devoir appelle à une répartition des tâches aussi égalitaire que possible. »

Une très bonne nouvelle pour l’Association portugaise des femmes juristes qui y voit une « valorisation du travail domestique » et une « innovation dans le système juridique portugais ». En effet, si une réforme du Code civil portugais datant de 2008 prévoit qu’il est possible de valoriser le travail effectué en matière de soins à la famille et au domicile en cas de séparation, c’est la première fois qu’elle a des conséquences concrètes.

On a tout de suite voulu savoir si un tel jugement pourrait être prononcé en France, alors on a demandé à des avocates si les femmes pourraient bientôt demander à leurs branleurs d’ex de « rendre l’argent ». Spoiler : ça va être compliqué…

« Si vous avez accepté de faire le ménage, c’est votre problème »

Laurence Mauger-Vielpeau, avocate spécialisée en droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine, explique pourquoi :

« En France aussi il y a une évolution de la société qui pense de plus en plus qu’il faut une juste répartition des tâches ménagères au sein d’un couple, mais ce n’est écrit nulle part sur le plan juridique.

Le concubinage est une situation qui n’impose rien dans le Code civil. Si une femme voulait mener une telle action en France, on pourrait lui répondre : si vous avez accepté de faire le ménage, c’est votre problème. »

Le seul cas pour lequel une personne pourrait espérer obtenir une indemnisation après une rupture de concubinage en droit français, c’est si la rupture a été particulièrement pourrie, m’explique celle qui est aussi professeure à l’université de Caen Normandie.

« Il peut y avoir une indemnisation si les circonstances entourant la rupture ont causé un préjudice à la personne, matériel ou moral. »

Par exemple, si on lui demande de quitter du jour au lendemain l’appart dont on est proprio en la laissant sans domicile.

La prestation compensatoire pour les couples qui divorcent

Dans le cas des couples mariés, il existe tout de même un système qui s’appelle la prestation compensatoire en cas de divorce. Le membre du couple qui voit son niveau de vie chuter à cause du divorce peut obtenir le versement d’un capital pour compenser. Pour fixer le montant, le tribunal s’appuie sur plusieurs critères : la durée du mariage, l’âge et l’état de santé des époux, le patrimoine, les conséquences des choix professionnels faits par les époux, etc.

La prestation compensatoire est ainsi souvent un moyen d’indemniser les femmes qui ont sacrifié leur carrière pour élever leurs enfants. Mais le fait de s’être tapée tout le sale boulot à la maison tout en continuant à travailler ne rentre malheureusement pas en ligne de compte pour l’instant, comme l’explique Anne-Marion de Cayeux, avocate spécialisée en droit de la famille et médiatrice familiale : 

« En général, on ne tient pas compte des prestations en nature dans le droit français pour calculer la prestation compensatoire en cas de divorce. C’est déjà très compliqué de regarder les apports financiers de chacun et de vérifier que les dépenses ont été faites au prorata des revenus, alors on ne s’aventure pas là-dedans. »

Un constat aussi fait par Laurence Mauger-Vielpeau :

« On pourrait dire que les tâches ménagères sont une forme de participation aux charges du ménage, mais elles ne sont en réalité même pas invoqués dans les jugements de divorce. Ce n’est pas abordé dans les dossiers et on n’y pense pas forcément.

Est-ce que demain on pourrait avoir un arrêt dans le cadre d’un divorce pour faute disant que Madame faisait toutes les tâches ménagères alors que Monsieur ne faisait rien ? Je pense qu’on en est loin en France. »

La conclusion est donc sans appel pour les Françaises : il vaut mieux batailler dès maintenant avec son conjoint pour répartir équitablement les tâches ménagères, car en cas de séparation ou de divorce, personne ne vous remboursera pour tous les caleçons étendus sur le fil à linge.

À lire aussi : « Ça n’est pas dans mes priorités » : Mcfly et Carlito en roue libre sur la charge mentale


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Les Commentaires

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Avatar de Pelleas
7 avril 2021 à 11h04
Pelleas
J'ai du mal à comprendre pourquoi il serait souhaitable en France d'avoir une décision similaire. Dans un couple, chacun est libre de faire ce qu'il veut dans les tâches ménagères et chacun est libre de mettre fin ou non à la relation si la répartition des tâches ménagères ne lui convient pas. Concrètement, une telle décision signifierait qu'un des deux conjoints peut accepter, pendant plusieurs années, d'assumer la plus grande partie des tâches ménagères pour finalement demander réparation au juge d'un acte pourtant consenti. Il ne faut pas beaucoup d'imagination pour imaginer les (très) nombreuses dérives possibles.

Des dérives potentielles il y en aura toujours. Et pour tout sujets. Par contre ce qui ne relève pas du "potentiel" c'est la répartitions actuelles des taches ménagères et de la charge mentale qui pèsent plus sur les femmes que sur les hommes. Donc pourquoi se focaliser sur les dérives possibles d'une mesure qui viendrait rééquilibrer une situation déjà problématique ?

Et autant je suis généralement d'accord sur l'argument "suffit de partir si cela ne nous convient pas", autant il trouve en pratique rapidement ses limites. Notamment dans les cas de violences/menaces physiques.

Apres sur le coté du consentement oui cela sera probablement délicat à trancher. Mais pas nécessairement plus que ce n'est déjà le cas lors des divorces. Donc pourquoi ne pas reconnaitre officiellement que le temps alloué aux taches ménagères et aux enfants mérite de peser dans la balance en cas de divorces et de partage des biens ?
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