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Féminisme

Le vélo est devenu mon allié contre le harcèlement de rue

Après un séjour à Copenhague qui l’a grandie d’expériences, Anne, 26 ans, a trouvé l’allié parfait pour ne plus être victime du harcèlement de rue quotidien à Paris : le vélo.

Le 3 juin 2020, c’est la journée mondiale pour le vélo !

L’occasion parfaite pour repartager et redécouvrir ce témoignage sur le vélo et la harcèlement de rue.

Publié le 18 mai 2020

Nous avons toutes nos petites techniques personnelles pour résister au harcèlement de rue : porter des écouteurs et marcher vite en évitant les regards, avoir l’air sûre de soi et dissimuler sa peur, ou encore être intransigeante et répondre fermement à tous ceux qui osent perturber nos trajets quotidiens.

Moi, l’année dernière, j’ai opté pour une technique bien plus radicale : m’enfuir au Danemark pendant un an. Et c’est là-bas que j’ai découvert un outil redoutable pour lutter contre les rencontres indésirables : le vélo.

Mon déménagement à Copenhague et le harcèlement de rue

Bien sûr, je ne suis pas partie vivre à l’étranger uniquement pour échapper au harcèlement de rue. Pourtant, ce serait mentir de dire que la question n’a pas influencé mon choix de destination.

Pendant mes dernières années à Paris, le comportement désobligeant des hommes dans la rue avait fini par largement compliquer mes allées et venues dans la ville, et l’idée de croiser un énième inconnu mal intentionné avait fini par se loger de manière permanente dans un coin de ma tête.

À lire aussi : Harcèlement de rue ou compliment ? — Je veux comprendre

En comparaison, la vie des danoises me paraissait tellement plus simple : je les imaginais insouciantes, dans un pays connu dans toute l’Europe pour ses politiques progressistes en termes d’égalité hommes-femmes et au sein duquel le harcèlement de rue était quasi-inexistant d’après les dires de mes amies qui y avaient séjourné.

En arrivant à Copenhague à la fin de l’été, j’étais émerveillée de pouvoir me promener jambes découvertes et sans soutien-gorge dans les rues et de constater que les regards des hommes ne s’attardaient pas de manière décomplexée sur mon corps comme c’était souvent le cas à Paris.

Les jours les plus chauds, je nageais même dans les canaux qui traversent la ville comme le font les danoises ; à Paris, me prélasser en bikini en plein centre aurait été complètement impensable.

Mais à Copenhague, toutes les femmes le faisaient sans que personne n’y prête attention.

Le fait d’être toujours à vélo ajoutait encore à cette sensation de liberté inédite : en enfourchant ma bicyclette, je pouvais aller partout en toute quiétude, loin des sourires insistants des inconnus qui avaient si longtemps perturbé mes trajets de métro parisiens.

Déménager à Copenhague a été pour moi un grand bol d’oxygène. Pourtant, il a bien fallu se résoudre à rentrer à Paris où j’avais laissé toute ma vie en pause.

Je dois avouer qu’au début, la perspective du retour était très difficile, même pour des séjours de quelques semaines : comment peut-on, après avoir découvert le privilège de déambuler librement dans l’espace public, décider d’y renoncer consciemment ?

S’habituer à faire du vélo dans Paris

J’ai eu la « chance » de rentrer à Paris pour la première fois pendant la folie des grèves de janvier 2020.

Coincée tout au nord de la ville sans possibilité de prendre les transports, j’ai vite été encouragée par mon copain, qui se déplace à bicyclette depuis plusieurs années déjà, à exploiter mes nouvelles habitudes danoises et à me trouver mon propre vélo pour survivre à ce mois de crise.

En temps normal, j’aurais gentiment décliné sa proposition : les expériences que j’avais faites à Vélib’ quelques années auparavant m’avaient permis de décréter que faire du vélo dans Paris était stressant, voire un peu dangereux.

Mais, forte de ma nouvelle habileté à vélo et confrontée à des circonstances exceptionnelles, j’ai décidé de retenter l’expérience. Il s’avère que faire du vélo dans Paris est toujours stressant, voire un peu dangereux.

Après avoir vécu à Copenhague où le cyclisme fait partie intégrante de la culture et du paysage urbain, j’étais complètement déboussolée de voir les pistes cyclables envahies par les motards et les automobilistes impatients, les camions de livraison et les piétons distraits.

J’étais anxieuse à l’idée de me mêler aux voitures sur les grands ronds-points parisiens et de me frayer un passage dans les embouteillages des heures de pointe.

Pourtant, je m’y suis rapidement accommodée et en partie parce que le nombre de pistes cyclables a explosé depuis mes dernières expériences à vélo dans la capitale.

Aujourd’hui, elles longent la Seine des deux côtés, suivent les axes principaux de la ville, et, avec quelques petites sessions sur Maps, j’ai fini par me créer une image mentale du Paris des cyclistes qui me permettait d’aller partout facilement, et à ma grande surprise, bien plus rapidement qu’en métro.

Le vélo, mon allié contre le harcèlement de rue à Paris

La deuxième surprise est arrivée peu de temps après.

Au bout de plusieurs semaines, j’ai réalisé qu’absolument personne ne m’avait abordée dans la rue depuis mon arrivée, ce qui n’avait jamais été le cas quand je vivais à Paris.

En même temps, dans la rue, j’y étais surtout à deux roues, maintenant. Et la différence était là : j’étais devenue un véhicule comme tous les autres.

Personne n’a le temps d’observer ou d’approcher une femme lorsqu’elle passe à vélo, à moins d’être prêt à la poursuivre en courant, ce qui demanderait une énergie et une détermination rare même pour un harceleur.

Quand je l’ai compris, j’ai rapidement pris mes aises et je me suis surprise à pédaler sans aucune crainte dans des coins de la ville que j’avais toujours évités en tant que femme.

Je me suis aussi rendu compte que je n’étais pas seule : en regardant autour de moi, j’ai réalisé que de nombreuses autres femmes étaient à vélo à mes côtés, même le soir et dans les quartiers où les hommes sont habituellement les seuls dans la rue.

À lire aussi : Je pensais ne plus avoir peur du harcèlement de rue, j’avais tort

Cette prise de conscience avait quelque chose de jouissif : j’avais soudainement l’impression de faire partie d’un club secret de femmes qui avaient trouvé la faille dans le système. J’ai même décroché quelques petits sourires de solidarité complice.

À vélo, nous ne sommes pas intouchables, mais presque.

Nous pouvons aller et venir plus librement, reprendre courage et récupérer un peu de la dignité qui nous est enlevée lorsque nous sommes contraintes de nous faire discrètes pour pouvoir exister dans l’espace public.

Nous pouvons toucher du doigt une vie où être une femme dans la rue n’aurait pas d’implications particulières.

Bien sûr, la situation n’est pas parfaite. Au feu rouge, j’ai parfois droit aux regards appuyés de quelques irréductibles, et j’ai développé un talent particulier dans l’art d’ouvrir mon antivol en moins de trois secondes pour les soirs où je rentre tard.

Même à Copenhague, dans une ville où le harcèlement de rue relève de l’exceptionnel, les souvenirs de mes mauvaises expériences me poussent à presser le pas dès que je pose ma bicyclette.

Tant que le problème du harcèlement ne sera pas résolu, la situation ne sera donc pas parfaite. Mais, maintenant que je me déplace à vélo, je ne redoute plus de rentrer à Paris.

Au contraire, j’ai hâte de redécouvrir la ville sans les inquiétudes qui avaient jusqu’alors entravé mes pas.

Le vélo, un allié pour l’écologie, le bien-être et les femmes

Aujourd’hui, à l’heure de la prise de conscience écologique, la question du cyclisme urbain est plus brûlante que jamais.

Elle est même devenue un enjeu central des élections municipales 2020 à Paris, dont les candidats ont participé à un Grand oral sur le vélo à l’initiative des associations Paris en selle et Mieux se déplacer à bicyclette.

Le vélo est un moyen de transport non-polluant, silencieux, qui a des effets bénéfiques sur la santé et sur le moral ; nous aurions beaucoup à gagner à nous inspirer de la culture cycliste danoise.

Mais je propose d’ajouter à la liste un autre avantage dont nous n’entendons que trop peu parler : le vélo est, pour les femmes, un allié contre le harcèlement de rue.

Bien sûr, il ne permet pas de traiter le problème à sa source. Mais pour celles qui le subissent au quotidien, il offre un billet de sortie précieux.

Je sais à quel point le harcèlement peut peser sur nos vies quotidiennes et c’est pourquoi je ne peux que t’encourager à essayer le vélo à ton tour.

Je pense que tu pourras y trouver, comme moi, une liberté à laquelle tu avais peut-être renoncé.

Alors bien sûr, fais attention à toi. Commence par des trajets simples pour prendre tes aises, roule à ton rythme et passe autant de temps qu’il le faut sur Street View avant de te lancer pour t’assurer de gérer une fois sur la piste.

J’ai appris à Copenhague qu’on ne devient bonne cycliste qu’en faisant du vélo, et c’est parce que nous serons nombreuses à vélo que les villes s’adapteront à nous.

Le futur pointe déjà dans cette direction, parce qu’en 2020, se déplacer à vélo a beaucoup de sens. Pour prendre soin de l’avenir de la planète, évidemment ; mais aussi, lorsqu’on est une femme, pour pouvoir mieux profiter de son présent.

À lire aussi : Je voyage pendant un an seule au Japon… À vélo !

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Les Commentaires

10
Avatar de luciole-chan
3 juin 2020 à 18h06
luciole-chan
Pour nuancer, je suis une utilisatrice récente du vélo - merci l'anxiété covid de prendre les transports - et alors que je me suis rarement fait harceler à Paris (voir jamais), je me suis plusieurs fois pris des remarques en rentrant en vélo de nuit par des mecs en voiture avec la fenêtre ouverte/ dans une décapotable. Après, je nuance car la nuit j'avais l'habitude de rentrer en uber et là je commence à rentrer en vélo, je suis donc visible.
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