C’était une soirée comme il y en a régulièrement. Des parents absents, une quarantaine d’ados dans la maison, de l’alcool, des joints…
L’étage est interdit aux invité·es, qui se sont installé·es au rez-de-chaussée et dans le jardin.
Moi, je suis musulmane, je ne bois pas. Certaines de mes amies non plus. Mais nous n’étions qu’une poignée à rester sobres ; très vite, tout le monde était sous l’influence d’une substance ou d’une autre, y compris l’organisatrice.
L’arrivée de Sarah, déjà ivre
Vers 1h du matin, Sarah est arrivée. C’est une fille que je connais de loin, je ne dirais pas qu’on est proches, mais dans mon petit bled du Sud-Ouest, les inconnu·es sont rares.
Sarah venait d’une autre soirée. Elle était déjà déchirée, sentait fort la vodka, jusque dans ses cheveux. Quelqu’un a carrément été la chercher pour qu’elle ne se trompe pas de maison !
Dès l’arrivée de Sarah, Mickaël s’est mis à orbiter autour d’elle. Tout le monde a remarqué qu’elle l’intéressait. Apparemment, il l’avait repérée sur Internet, la suivait déjà sur Snap et Insta.
Oh, et aussi, Mickaël est totalement bourré. Je pense qu’à lui tout seul, il a tombé au moins deux bouteilles de blanc, plus les bang qu’il fumait depuis le début de la soirée…
Je deviens la « maman » de la soirée
Il faut savoir que Sarah, c’est une meuf costaud, une sportive très douée en gymnastique. Embrumée par l’alcool, elle commence à vouloir faire des figures !
On se met à plusieurs pour la retenir, elle risque de tomber et se faire mal.
Mais dès que je tourne la tête, qui je vois ? Sarah debout sur les épaules de Mickaël, qui se marre en tanguant comme pas permis…
Je décide d’intervenir, je monte sur une chaise pour la faire descendre en lui disant de faire gaffe.
En fait, je deviens un peu la maman de la soirée, avec mes potes qui ne boivent pas. On amène des verres d’eau aux gens qui commencent à vomir, à s’assoupir un peu partout…
« Elle est où, Sarah ? »
Sarah continue à enchaîner les verres. Et Mickaël ne la quitte pas d’une semelle.
À un moment, je sais pas, j’ai un mauvais pressentiment, je ne la vois plus. On me dit qu’elle est dans le jardin avec lui, derrière un buisson. Je jette un œil par une fenêtre.
Mickaël touche Sarah, la saisit… je commence à stresser mais elle est encore lucide. Je l’entends lui dire « Laisse-moi tranquille ! », avant de le repousser et de revenir dans la maison.
Quand la soirée prend un sale tour
Le reste de la soirée a un drôle de goût.
Des abrutis ont glissé de l’alcool dans les verres de Loubna, qui ne peut pas boire à cause d’un souci de santé. C’est à moi et mes potes de la prévenir, de nous occuper d’elle quand elle panique…
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L’organisatrice de la fête ne nous aide pas vraiment. Elle est ivre, déjà, et en plus, quand je lui dis que Mickaël est relou avec Sarah, elle ne réagit pas.
Je la soupçonne de le « protéger » parce que c’est le meilleur ami de son frère, mais bon. Ça me gave.
Franchement, je ne suis pas sereine, mais dans ma campagne, je ne peux pas vraiment rentrer à pieds. Donc Vers 5h du mat, on s’installe comme on peut pour dormir, en partageant les quelques couchages du rez-de-chaussée.
« Laisse-moi tranquille »
Et là qui je vois, en m’allongeant ? Sarah qui tente de monter l’escalier (alors que c’est interdit) et commence à se casser la gueule !
J’arrive in extremis à la rattraper pour limiter la casse, et la voilà qui s’endort. Sur les marches. La tête sur un pack de jus d’orange. Clairement, son corps a lâché prise.
Ma meilleure amie et moi, on décide d’aller voir Loubna pour lui demander de faire un peu de place à Sarah. On va pas la laisser sur l’escalier quand même !
Je vais chercher un oreiller… et là encore, le temps que je me retourne, catastrophe. Sarah a disparu.
J’entends sa voix venant d’une chambre à l’étage, là où Mickaël, en sa qualité de « meilleur ami de », a le droit de dormir. Je distingue :
« Non mais laisse-moi, laisse-moi tranquille… »
« T’allais violer Sarah ? »
Je fonce chercher l’organisatrice de la fête et je lui demande de les séparer. J’ai peur de m’interposer : je connais pas ce mec, il est ivre, j’ai peur qu’il s’en prenne à moi.
Elle est dure à convaincre, je pète un plomb.
« Là, il va la violer. Je te jure. Elle est pas en état. »
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Elle finit par y aller en traînant des pieds, sous la pression de mes amies et moi. Elle redescend, suivie de Mickaël. Je suis hors de moi, je lui chope et je lui dis :
« Tu comptais faire quoi là ? T’allais violer Sarah ? »
Il me répond « non, tu mens ». Mais il a un petit sourire. Et d’un coup, j’ai très peur. Très peur de lui.
On récupère Sarah, on l’installe près de Loubna. Ce n’est que lorsqu’elle sombre que je m’autorise à dormir, persuadée que ça ira : Mickaël est remonté, on est plusieurs, on se protège.
Après la soirée… pas de conséquences
Le lendemain (enfin, quelques heures plus tard), Sarah ne se rappelle de rien. Pas juste de rien à l’étage : toute la soirée lui a échappé. L’alcool a effacé sa mémoire.
J’essaie de lui parler, mais elle ne me croit pas vraiment. Surtout face à l’organisatrice de la soirée, qui continue à dire qu’« il s’est rien passé ça va ». En insistant un peu trop fort.
J’explique que j’ai pas de raison de mentir, mais je ne sais pas quoi faire de plus.
Voilà. J’en suis là. Je n’irai plus à ce genre de soirées, c’est sûr. J’ai peut-être empêché un drame, un crime. Pour une nuit, au moins.
Maintenant j’ai repris ma vie, je me concentre sur le bac et mes résultats Parcoursup… Mais j’ai eu très peur. Et j’espère qu’il y aura des gens comme moi dans toutes les soirées.
Ce témoignage est d’utilité publique. Voici quelques ressources pour ne pas s’arrêter en si bon chemin :
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