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Déclic

Elia, 26 ans : « J’ai fait une croix sur beaucoup de milieux dont je sais qu’ils sont remplis de personnes oppressives »

Dans Déclic, des personnes nous racontent leur prise de conscience féministe et ce que cela a changé pour elles. Aujourd’hui, Élia nous explique pourquoi elle refuse de concevoir le féminisme comme un dogme et rappelle qu’il ne peut être dissociable des autres luttes.
  • Prénom : Elia
  • Âge : 26
  • Occupation : Journaliste
  • Lieu de vie : Paris

Comment décririez-vous votre rapport au féminisme ?

Le féminisme est central dans ma vie. Je ne le considère pas comme un dogme mais comme un rapport au monde qui fait se questionner en permanence sur tout, à commencer par le féminisme lui même ! Partout, dans chaque situation sociale, politique, intime, dans l’art j’essaie de décryptes les mécanismes de rapport de pouvoir et d’agir en fonction de ce qui semble le plus juste, le moins oppressif, le plus féministe.

Avez-vous grandi dans un milieu féministe ?

Mon milieu ne se revendique pas féministe mais il l’est. Je suis franco-algérienne mais mes parents sont algériens. Chez eux, les inégalités entre les femmes et les hommes, notamment salariales, les hommes qui trompent et battent leurs femmes, les violences faites aux enfants, sont une hérésie. Mes proches sont donc très fiers que je sois féministe et je pose parfois des mots sur des choix , des convictions, des modes de vie qu’ils font naturellement. Intellectuellement et émotionnellement, c’est très stimulant et réconfortant. On se serre les coudes dans une société française qui est d’une violence, notamment sexiste, aberrante. 

À quand remonte votre déclic féministe ?

Ma prise de conscience féministe remonte à l’âge de 21, 22 ans. Cette prise de conscience n’a jamais été seulement féministe mais intersectionnelle. Le féminisme n’est selon moi qu’un aspect d’une lutte décoloniale, écologique, anticapitaliste. Le féminisme qui ne pense pas le racisme, l’homophobie, la lutte de classe, n’est pas un féminisme. L’enjeu n’est pas que les femmes deviennent aussi violentes et puissante que les hommes au dépend de tous les autres. L’enjeu est une révolution profonde pour plus d’harmonie entre les humains et avec la nature.

C’est pourquoi j’ai découvert le féminisme en L3, avec des théoriciennes queer ou racisées. Je n’ai jamais lu de livre féministe qui ne parle que de féminisme, que des femmes (blanches) VS les hommes. Mon ouvrage déclic, c’est Un féminisme décolonial de Françoise Vergès. Je ne peux pas conseiller de meilleur livre pour comprendre pourquoi le féminisme n’est pas qu’un aspect de la vie mais la structure. La découverte de ces textes a été une ébullition émotionnelle, philosophique et intellectuelle, qui m’a permis d’enfin comprendre le monde, les rapports de pouvoir inégalitaires et violents, ainsi que mon rapport au monde et aux autres en tant que femme franco-algérienne.

La boîte à outils féministes d’Élia

Livres :

  •  Un féminisme décolonial de Françoise Vergès
  • La prophétie des soeurs-serpents d’Isis Labeau-Caberia

Films :

  • Atlantique de Mati Diop
  • La bataille d’Alger de Gile Pontecorvo
  • Tu mérites un amour de Hafzia Herzi
  • Jungle Fever de Spike Lee
  • Titane de Julia Ducournau
  • Challengers de Luca Guadagnino

Comment le féminisme infuse-t-il votre vie aujourd’hui ?

Le féminisme infuse absolument tous les aspects de ma vie. J’aime et ai une sexualité heureuse parce que mon amoureux est féministe. Je suis critique de cinéma et travaille dans un média féministe, parce qu’un média incapable de penser ce que le féminisme intersectionnel fait au cinéma, passe à côté du cinéma. S’il se contente de parler de scénario intéressant, d’acteurs qui jouent bien et de jolis costumes, ce n’est pas de la critique.

Je suis également militante pour le seul parti politique qui soit vraiment féministe, décolonial et anticapitaliste. Pendant les présidentielles, j’ai consacré toutes mes journées à tracter dans les maisons, les écoles et les marchés, faire des portes à portes, organisé des conférences. Aussi, dans ma vie quotidienne, j’ai fait une croix sur beaucoup de milieux dont je sais qu’ils sont remplis de personnes oppressives. Le revers le plus triste est que j’ai perdu des amis. Nous nous y sommes mutuellement habitués, comme si le féminisme était un mode de vie, une identité qui peut rendre certaines personnes incompatibles alors qu’elles se sont aimées.

Avez-vous l’impression d’être arrivée au bout de votre éveil féministe ?

Mon féminisme est en évolution parce que je le déconstruis. J’ai par exemple essayé d’être coûte que coûte en relation libre mais finalement je reviens au modèle monogame car j’ai compris que c’était ce qui me convenait, me rendait heureuse. C’est aussi pour ça que le féminisme n’est pas un dogme. Il a des principes, mais leur application doit dépendre de la sensibilité de chacun. C’est absurde de faire du féminisme des règles qui, si on ne les respecte pas, font de nous une « fausse féministe ».


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