- Prénom : Augustine
- Âge : 25 ans
- Occupation : Chargée de communication dans un média
- Lieu de vie : Montreuil
Comment décririez-vous votre rapport au féminisme ?
Je dirais que mon rapport au féminisme est quotidien. J’y suis confrontée tous les jours à travers mon métier, par ce que je consomme sur les réseaux sociaux et par mes lectures. C’est au cœur de mes conversations avec mes ami•e•s mais aussi avec les personnes que je croise. Et je réfléchis aux choses par un prisme féministe parce que je suis une femme, lesbienne de surcroît.
Avez-vous grandi dans un milieu féministe ?
Pas du tout. Le couple de mes parents est un couple des années 50 : ma mère est femme au foyer, mon père rentre du travail à 22h, met les pieds sous la table et ne repasse jamais une chemise.
Une chose positive dont je me souviens, malgré le schéma dans lequel j’ai grandi, est le rapport de ma mère à son corps. Elle n’a jamais mis un point d’honneur à être épilée ou parfaitement maquillée, me répétant quand j’étais ado que la féminité ne se résume pas à cela. Je pense qu’avec mes sœurs nous l’avons intégré, très tôt. Aucune de nous ne s’épile, et nous avons un rapport décomplexé à notre corps, malgré toutes les remarques déplacées que notre père a pu formuler à notre égard.
À quand remonte votre déclic féministe ?
J’étais au collège. Ma petite sœur, d’un an ma cadette, avait acheté un numéro de Causette, sur la liberté de ne pas s’épiler. Ç’a été notre première confrontation avec le féminisme. À partir de là, j’ai commencé à regarder les vidéos de Madmoizelle et mon déclic a été quasi instantané. Il ne s’agit pas tant d’un cheminement, mais plutôt d’une évidence.
Tout cela mettait des mots sur des choses que je ne savais pas formuler. Je dirais cependant, que si j’y adhérais en théorie, il m’a fallu un temps pour y adhérer en pratique. Par exemple, remettre des garçons à leur place, arrêter de porter des soutiens-gorge ou de me maquiller… sont des choses que j’ai mises en place trois-quatre ans plus tard.
Pendant plusieurs années, j’ai pensé être hétéro. Je consommais mes relations avec les hommes de manière compulsive. Je me mettais en danger, et ce, dès l’âge de 15 ans. Quand j’ai fait mon coming in, j’ai réalisé à quel point les hommes avaient été maltraitants avec moi. Même si je pensais sur le moment avoir un pouvoir de décision, je couchais avec des hommes majeurs, qui avaient conscience de ma vulnérabilité. Cela m’a mise très en colère, et j’ai arrêté d’un jour à l’autre de relationner avec des hommes. Aujourd’hui, je me considère comme misandre.
- La chaîne Youtube de margorito, qui parle littérature avec un prisme féministe intersectionnel.
- L’essai Faire justice: Moralisme progressiste et pratiques punitives dans la lutte contre les violences sexistes de Elsa Deck Marsault
- Le podcast « Les pieds sur Terre » de France Culture pour se décentrer.
Comment le féminisme infuse-t-il votre vie aujourd’hui ?
Toutes les existences sont politiques, la mienne y compris. Le féminisme infuse toutes mes réflexions, influence les livres que je lis, les films que je vois, les personnes pour qui je vote, et mes relations amoureuses comme amicales.
J’ai suivi des études de lettres modernes dans une fac réputée pour être très progressiste. Cela m’a donné des outils d’analyse écoféministes, décoloniaux, intersectionnels, que j’applique à tous les contenus culturels que je consomme.
Relationnellement, le féminisme a bouleversé mon rapport aux autres. J’essaie d’être empathique, de ne jamais penser pour l’autre, mais de lui poser des questions, d’être à l’écoute. J’ai aussi appris à parler pour moi, à me positionner. Enfant, j’étais profondément timide, j’avais beaucoup de mal à parler aux gens, et peinais à exprimer mes besoins ou à poser mes limites. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Avez-vous laissé de côté certaines habitudes, défait certaines croyances, ou posé de nouvelles limites ?
Je ne m’oblige plus à finir les livres, les films… Si quelque chose m’agace, j’arrête de regarder ou de lire. Je ne dis pas que tout doit aller dans mon sens, j’accepte le débat, mais je ne veux plus m’infliger des choses que j’estime violentes pour moi.
Mon féminisme m’a aussi amené à remettre en question la notion de foyer et le modèle qu’on m’avait toujours inculqué : le fait de se marier, d’avoir des enfants, de vivre ensemble en concubinage… Plus jeune, je n’arrivais déjà pas à me projeter dans ces schémas. Je n’ai aucun souvenir de moi, petite, rêvant d’un avenir à deux. Mon éveil féministe est venu confirmer cela.
Comment vos proches ont-ils accueilli votre déclic ? Votre féminisme est-il source de friction autour de vous ?
Du côté de mes ami•e•s, aucun problème. Les hommes de ma famille, en revanche, expriment régulièrement leur mépris à l’égard de mes idées. Selon mon oncle, par exemple, s’il subsiste des inégalités entre hommes et femmes, c’est parce que cela arrange bien les femmes. Après tout, si leur charge mentale est trop lourde, et leur salaire trop bas, elles n’ont qu’à déléguer et changer de travail.
J’ai donc pris mes distances avec certains d’entre eux.
Avez-vous l’impression d’être arrivée au bout de votre éveil féministe ?
Non, pas du tout. Cela dure toute la vie, j’ai plein de choses à apprendre. Le propre de l’intersectionnalité, c’est de n’avoir jamais fini, et de se battre aussi pour les autres.
Les Commentaires
J'aime bien la vision des choses d'Augustine et notamment cette phrase :