Jeudi 19 avril, nous avons partagé sur le compte Facebook de madmoiZelle une affiche réalisée par le Collectif Féministe contre le Viol, que voici :
Ses messages ont suscité de nombreuses réactions, l’occasion pour moi de revenir sur l’intention d’une telle affiche et les méthodes qu’elle utilise pour parvenir à ses objectifs.
Une affiche qui replace la responsabilité du viol sur… les violeurs
Nous avons décidé de la mettre en avant, parce qu’elle prend précisément le contrepied de nombreuses campagnes, articles, listant des « conseils pour éviter le viol » adressés aux femmes, comme si elles étaient responsables des agressions qu’elles subissent.
Il y avait eu par exemple, cette tribune parue sur Slate US qui enjoignait les femmes à « ne pas se saouler, car cela augmente le risque d’être violée ».
Même le ministère de l’Intérieur avait brèvement cru pouvoir donner des « conseils aux femmes » pour éviter les risques d’agressions.
Or, le problème avec ce type de campagne, est qu’elles placent la responsabilité de l’agression sur les victimes, plutôt que sur les coupables. Plutôt fucked up non ?
L’affiche renverse donc la situation, dans une démarche pédagogique mobilisant l’humour absurde.
Cette affiche n’est pas de l’humour de mauvais goût, c’est de la prévention
Certain·es ont trouvé qu’il s’agissait d’humour de mauvais goût, que l’on ne pouvait pas rire au sujet du viol.
Mais l’affiche ne vise pas à faire rire, c’est précisément une affiche de prévention ! Qui, certes, utilise l’humour absurde pour parvenir à ses fins.
Elle est à la fois pédagogique dans le sens où elle rappelle des faits importants :
« 9. SOYEZ TRÈS PREMIER DEGRÉ Si vous payez un verre à une femme, elle comprend que vous lui payez un verre. C’est tout. Ne violez pas. »
À lire aussi : Quand est-ce qu’une femme doit du sexe à quelqu’un ?
Et pour illustrer à quel point les « conseils aux femmes pour ne pas être violée » sont absurdes, l’affiche les renverse :
« 8. PORTEZ UN SIFFLET ! Si vous craignez d’agresser quelqu’un « par accident », donnez-le à la personne qui vous accompagne, pour qu’elle puisse appeler à l’aide ».
Porter un sifflet pour pouvoir appeler à l’aide est en effet l’un des conseils qui revient parfois…
Tout le but est de replacer la responsabilité là où elle devrait toujours être, c’est-à-dire sur les agresseurs, tout en éduquant réellement ceux-ci au sujet du viol, faisant prendre conscience de leurs comportements aux potentiels agresseurs.
Tout le monde peut être un violeur
C’est là qu’est apparue une seconde incompréhension :
Ces remarques partent du postulat que les « potentiels coupables » correspondent au stéréotype du violeur en série, du psychopathe qui t’attendrait dans un parking souterrain à la nuit tombée…
Or, les « potentiels coupables » ne sont pas seulement des « mecs qui ont envie de violer ».
Pense aux statistiques sur le viol : plus d’une femme sur dix victime de violences sexuelles au cours de sa vie.
Une femme sur dix, même si on considère que certains individus peuvent faire plusieurs victimes, ça veut dire que les hommes qui se rendent coupables d’agressions sexuelles ou de viols sont NOMBREUX.
À lire aussi : Toutes les 9 minutes, en France, une femme subit un viol (ou une tentative de viol)
Ça veut dire que tu connais un violeur. Ça veut dire que ces coupables, ils se trouvent aussi parmi tes amis, tes frères, tes collègues de bureau, tes exs, tes camarades de promo, tes grands-pères, tes plans culs. Ton père, ton mec. Ça veut dire que quand tu rencontres un groupe de cinq hommes, statistiquement, l’un d’eux a agressé ou agressera sexuellement quelqu’un.
Et si tu n’es toujours pas convaincu·e, voici une deuxième statistique : 91% des viols sont commis par un proche de la victime, par quelqu’un qu’elle connaissait.
Tes amis, tes frères, tes collègues de bureau, tes exs, tes camarades de promo, tes grands-pères, tes plans culs. Ton père, ton mec.
Le déni est normal, mais il faut s’en débarrasser
Tous ces hommes qui agressent, qui violent, n’ont parfois même pas conscience de le faire comme l’évoquait le documentaire Sexe sans consentement.
Car on ne les a pas éduqués au consentement. On ne leur a pas dit qu’une femme ne leur doit rien. On ne leur a pas appris à poser la question pour s’assurer que leur partenaire a envie, également.
D’où l’utilité de conseils comme celui-ci :
« 7. FAITES AU PLUS SIMPLE. Pour savoir si une personne désire une relation sexuelle, demandez-lui. Ne violez pas. »
Cette affiche s’adresse donc à n’importe quel mec, car n’importe quel mec pourrait être un violeur. Et elles le font avec pédagogie, un brin de sarcasme et d’absurde.
C’est normal de ne pas vraiment vouloir accepter ces chiffres, ces faits, car ça fait peur. Où est la sécurité, si tu ne peux plus te convaincre que le viol est l’affaire d’une poignée de psychopathes qui hantent les ruelles sombres et les parkings souterrains ?
Si tu dois accepter qu’une femme sur dix est ou sera violée, par tes amis, tes frères, tes collègues de bureau, tes exs, tes camarades de promo, tes grands-pères, tes plans culs. Ton père, ton mec ?
D’où l’importance d’éduquer tout le monde, par divers moyens, dont cette affiche qui a – en plus – le mérite de pouvoir faire rire (jaune) celles et ceux qui sont déjà sensibilisés.
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Les Commentaires
Je peux comprendre que tu trouves ça lourd. De mon point de vue c'est lourd, répétitif, chiant, mais nécessaire d'insister dessus et d'interpeller directement a la deuxième personne car comme on sait très bien très peu de violeur sont de grands psychopathes sadique, la plus part sont des gars lambdas qui ne se définissent peut-être même pas comme violeur. Insister plusieurs fois sur le "ne violez pas" ça montre bien que le violeur fait un choix, le choix de violer. Ce n'est pas un accident, ce n'est pas demandé, ce n'est pas un problème de circonstances ou un malentendu ( : oui mais on été bourrés, oui mais c'est ma copine/femme, oui mais elle m'a chauffé, oui mais elle voulait au début) mais bien un choix.
Donc ce sentiment de mal à l'aise que beaucoup de personnes peuvent avoir en le lisant et totalement normal car un viol c'est tabou, et on a pas envie d'y être confronter en général (ni moi ni personne), mais c'est à mon sens nécessaire.