— Publié le 22 mars 2016
Ce vendredi-là, comme très souvent, je me suis retrouvée à la gare. L’idée, c’était de me rendre à Paris depuis ma ville d’étude. Merci la SNCF : les retards m’ont permis de squatter l’endroit un peu plus longtemps que prévu et je m’étais installée, prête pour une attente interminable (toi-même tu connais les bails).
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J’étais assise depuis une trentaine de minutes quand le piano a commencé à se faire entendre. Je sais pas toi, mais moi, les gens qui jouent super bien du piano dans les gares, c’est environ mes gens préférés au monde, ça donne une ambiance complètement magique.
Je me suis donc laissée porter par les notes, et quinze minutes avant que mon train n’arrive, j’ai décidé de me lever et de rejoindre la cinquantaine de personnes amassée autour de l’instrument pour voir qui m’avait fait kiffer pendant tout ce temps.
La pianiste et le harceleur
C’était une gamine qui avait treize, quatorze ans maximum. Elle était avec une pote qui chantait de temps en temps et qui avait à peu près son âge, tous les regards étaient braqués sur elles. Surtout un. Un mec, chauve, assis au pied du piano, juste à côté du siège de la pianiste.
Sauf que chauve.
Il semblait passablement alcoolisé, mais pas foncièrement méchant, et comme tout le monde, il kiffait la vibe : yeux fermés, grands mouvements de mains genre chef d’orchestre, je me suis même surprise à trouver ça beau que la musique soit capable d’emporter tout le monde à ce point-là (c’est mon côté lyrique, déso).
C’était flagrant, c’était du harcèlement, et personne n’a bougé.
Et puis, dans ses grands gestes, il a commencé à se rapprocher de la jeune fille qui jouait. À laisser traîner sa main, par intermittence. Sur sa cuisse, sur son genou ; elle, elle se décalait. Une fois arrivée au bout de son tabouret, elle s’est levée pour le déplacer plus loin.
C’était flagrant, c’était du harcèlement, il y avait cinquante personnes. Et personne n’a bougé. Alors je me suis décidée à agir.
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Agir pour ne plus se taire
Je ne fais pas cet article pour dire que je vaux mieux que les quarante-neuf autres, non.
Je ne fais pas cet article pour dire que je vaux mieux que les quarante-neuf autres, non. Ça n’est pas une leçon de morale, ni un jugement envers ceux qui n’ont rien fait. C’est juste un constat : tout le monde avait les yeux rivés sur elles, tout le monde a vu le manège qui se passait.
Il y avait des gens sûrement plus grands que mon mètre cinquante-deux, plus forts, plus courageux. Mais non, c’est moi qui ai dû aller voir le type pour lui dire que c’était sympa d’apprécier les talents de la pianiste, mais qu’il pouvait aussi l’apprécier sans les mains, qu’il pouvait simplement écouter sans l’importuner, et que clairement, même si elle n’osait rien dire, ça la gênait.
« Pardon, pardon, c’est vrai, c’est déplacé, pardon. »
Alors j’ai reculé pour reprendre ma place dans la foule anonyme. Et là, ce type pourtant si désolé quelque secondes auparavant s’est carrément posé à ses pieds. Il s’est collé à elle. Toujours sans la moindre réaction de l’assistance (qui porte particulièrement mal son nom pour le coup).
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Que font les autorités ?
J’ai décidé de chercher quelqu’un qui fasse figure d’autorité, parce qu’il était certain que le mec étant saoul, s’il se passait quelque chose qui pouvait éventuellement me mettre en danger, personne ne bougerait le petit doigt.
Laisse-moi te dire que j’ai été très TRÈS surprise de constater que, dans l’amas de personnes autour du piano, il y avait trois policiers en uniformes estampillés « SNCF ».
Ils étaient juste devant, ça me semble impossible qu’ils n’aient rien vu. Je suis donc allée les voir pour leur demander gentiment si le harcèlement physique rentrait ou pas dans leur champ d’intervention, parce que là, clairement, la jeune fille, elle appréciait moyen d’avoir une main inconnue sur sa cuisse.
Ils n’ont pas eu l’air hyper jouasse que je le leur fasse remarquer, mais ils sont allés voir le monsieur, pour lui demander s’il connaissait les deux filles (?!) et puis lui dire de « dégager ».
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Aider les autres, sauter le pas
En ne faisant rien, on ne prend aucun risque
Je ne suis pas un exemple, loin de là. Je préfère aussi mille fois fermer les yeux, et je ne juge pas tous ceux, toutes celles qui l’ont fait, parce que c’est beaucoup plus simple.
En ne faisant rien, on ne prend aucun risque.
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Mais cinquante voyageurs face à une personne seule, c’est quand même relativement conséquent. Je me dis aussi que c’était une enfant, que la situation était évidente et que c’était impossible de ne rien voir.
Si personne n’est capable de lever le petit doigt, pour une victime de treize ans, à quel moment seront-ils capables de le faire ?
Ça n’est pas parce que c’était une enfant que le harcèlement était plus grave, ça reste toujours dégueulasse, peu importe la victime, qu’on soit bien d’accord. Je me dis simplement que si personne n’est capable de lever le petit doigt, pour une victime de treize ans, à quel moment seront-ils capables de le faire ? À partir de quel âge a-t-on droit à de l’aide ?
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On en a pourtant entendu des histoires, dans le métro, dans le bus, de personnes agressées, violées dans des endroits bondés sans que personne ne lève le petit doigt. On s’en est tou•tes indigné•es. Sans doute que les gens présents à mes côtés, ce jour-là, ont été de ceux qui ont réagi fortement aux articles sur le sujet.
Si ça se trouve, certain•es ont même dit :
« Si j’avais été là, j’aurais agi, moi ! »
Et pourtant, dans une situation qui n’était a priori pas moins dangereuse, ces gens-là ont brillé par leur absence.
Pendant qu’on attend que le voisin réagisse, la main, elle est toujours sur la cuisse.
Est-ce qu’on peut se prétendre vouloir agir contre la violence si on ne bouge pas quand on en est témoin ? Sans doute que tout le monde s’est dit à ce moment-là « quelqu’un finira bien par faire quelque chose »…, et vous savez quoi, ça, c’est le meilleur moyen pour que personne ne fasse jamais rien. Pendant qu’on attend que le voisin réagisse, la main, elle est toujours sur la cuisse.
Pour être très honnête, moi non plus, je ne comptais pas réagir parce que j’étais persuadée que quelqu’un allait le faire, probablement mieux que moi. Et le temps que j’ai perdu à attendre et à tergiverser, c’était du temps perdu pour la gamine.
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Tout le monde peut agir !
Alors pourquoi toi, tu ne déciderais pas que ça devrait s’arrêter maintenant, et pourquoi t’irais pas voir le relou qui emmerde quelqu’un ? Pourquoi les situations qui t’alertent dans Cam Clash, elles ne t’alertent plus quand tu passes « dans la vraie vie » ? Pourquoi tu n’arrêterais pas d’attendre que quelqu’un le fasse à ta place, pour y aller toi-même ?
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Allez viens, il n’est pas trop tard pour prendre des résolutions : on a qu’à dire que cette année, on fait les choses et on arrête d’attendre. Parce que oui, on a le pouvoir de les faire.
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Les Commentaires
Le but de ces conseils n'est pas de culpabiliser celles/ceux qui se sentent submergés par la peur, mais peut être qu'à force de lire des articles/témoignages* et de réfléchir à des stratégies possibles on finira par se sentir moins démunis quand on aura l'occasion d'offrir notre aide..
*deux exemples parmi d'autres : http://projetcrocodiles.tumblr.com/post/86299616713/pour-plus-de-clarté-jai-changé-un-peu-de , http://www.ihollaback.org/resources/responding-to-harassers/