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Non-assistance à personne en danger : sommes-nous tous lâches ?

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L’assistance ou la non-assistance à personne en danger est un mécanisme psychologique et sociologique complexe. Justine t’explique et te file quelques tuyaux (ça peut toujours servir).

Article publié en mars 2011

Vous vous souvenez, au début de l’année, nous avions tous été enthousiasmés par la vidéo d’une Mamie Super-Héros qui faisait fuir une bande de jeunes margoulins dévalisant une boutique Rolex ? C’était beau, c’était fort, le nucléaire n’existait que dans nos inconscients et la vidéo passait de médias en médias, bref… La personne du troisième âge a bien failli devenir l’emblème universel du courage.

Et finalement, ce qui interroge un peu là-dedans c’est plutôt « mais qu’est-ce qu’ils font, les autres » ? Parce que si l’on voit ces images-là, c’est bien que quelqu’un a pris le temps de dégainer son smartphone pour filmer la scène (et donc a pris le temps de ne pas agir); et si l’on voit des gens se précipiter ensuite vers la mamie et les malfaiteurs, c’est bien qu’ils étaient là avant et qu’ils n’agissaient pas, non ?

Alors quoi, sommes-nous donc une bande de lâches ? Qu’est-ce qui peut expliquer notre indifférence lors de situations d’urgence ? Est-on condamné à être passif ?

non assistance à personne en dangerSueur froide : le cas de Kitty Genovese

Dans le cursus de psychologie sociale, pour nous donner des sueurs froides et alpaguer notre attention, on nous narrait souvent ce qui est devenu une quasi-légende urbaine : le cas de Kitty Genovese qui en 1964 à New York fut violée et assassinée en pleine rue, 38 témoins passifs à l’appui.

Les psychologues sociaux se sont emparés de la question : qu’est-ce qui nous empêche d’intervenir ?

Relatés par Peggy Chekroun (cf. « pour aller plus loin »), les premiers travaux sont parvenus à identifier un « effet témoin/effet spectateur » indiquant que la probabilité que j’intervienne lors d’une situation d’urgence est inversement proportionnelle au nombre de témoins en présence. Autrement dit, plus les témoins de la scène sont nombreux, moins je suis poussée à intervenir.

Latané et Darley (1968) ont mis en place une première étude lors de laquelle les sujets participaient à une conversation par interphone interposé (le sujet ne voit aucune des personnes avec qui il parle, il les entend simplement par le biais de l’interphone). Lors de la conversation, l’un des individus subit une crise d’épilepsie.

L’étude porte essentiellement sur la réaction du sujet : la victime de la crise est un « complice » (des chercheurs) et les autres personnages prenant part à la conversation sont fictifs.

Les résultats sont probants : lorsque le sujet pense qu’il est le seul témoin (dans le cadre d’une conversation à deux), il intervient dans 85% des cas; lorsqu’il pense qu’un autre témoin est présent (conversation à trois), il agit dans 62% des cas et enfin, lorsqu’il croit que quatre autres témoins entendent la scène, il n’intervient que dans 31% des cas.

Les chercheurs ont mis le doigt sur un phénomène insidieux : il suffit simplement de penser que d’autres témoins assistent à la scène pour que l’effet spectateur prenne place.
L’expérience a été reprise de nombreuses fois, dans une multiplicité de contextes différents (assister à un vol, entendre une secrétaire tomber d’un escabeau, voir une personne enquiquinée par un pneu crevé, voir de la fumée entrer dans une salle d’attente…) et l’effet est toujours le même : plus les témoins sont nombreux, moins ils sont susceptibles d’intervenir.

L’effet témoin : comment ça marche ?

La prise de décision se déroule en trois étapes :

  1. Je remarque la situation,
  2. Je comprends qu’une réaction est urgente,
  3. Je décide qu’une intervention de ma part est la réponse adéquate.

Face à ces trois étapes, Latané et Darley identifient trois processus qui pourraient bien influer sur nos prises de décisions.

# L’influence sociale
Dans une situation d’urgence, si je suis entourée d’autres individus, je vais vouloir vérifier que j’ai bien interprété la situation en observant les réactions des autres personnes (et ça, ça doit vous rappeler l’expérience de Asch sur le conformisme et la pression sociale). Disons que c’est le syndrome de l’élève : on a bien envie d’aller regarder la copie du voisin pour être bien sûr de notre propre interprétation.
Donc, si tout le monde attend de voir comment tout le monde va réagir, il va fatalement y avoir un temps pendant lequel personne ne va agir, justement. Et comme personne n’agit, les gens vont pouvoir penser qu’il n’y a rien de grave, et dans ce cas : pourquoi j’interviendrais ?

# L’appréhension de l’évaluation
Il paraît que l’enfer c’est les autres et je dois dire qu’ici… un peu.
Imaginez que je me trompe dans mon évaluation de la situation (et que j’aille à la rescousse d’une petite jeune qui hurle, pensant qu’elle est en proie à un grave danger… alors qu’en fait, elle serait simplement en train de regarder une vidéo de Justin Bieber), comment les autres vont me juger ? Si je décide d’agir et que je me trompe, je risque d’être ridiculisée… Cette crainte du regard de l’autre va augmenter l’effet témoin : plus il y a de gens autour de moi, plus j’aurais tendance à appréhender leurs jugements, et moins j’interviendrais.

# La diffusion de la responsabilité
Troisième et dernier facteur : pourquoi MOI j’irais intervenir, alors que quelqu’un d’autre pourrait le faire ? Plus sérieusement, si je suis la seule à être devant une situation d’urgence, je suis alors la seule à pouvoir agir et toute la responsabilité repose sur moi. En revanche, si je suis entourée d’autres personnes, ce n’est plus de mon seul ressort, et la responsabilité est partagée entre les témoins en présence. Ainsi, plus le nombre de témoins en grand, plus la responsabilité qui m’incombe est faible, et moins j’aurais de scrupules à ne pas intervenir.

Oui, mais… Ce qui nous sauve

Mais rien n’est gravé dans la pierre (ou dans la roche, TMTC), alors quels facteurs peuvent conditionner l’aide que l’on va ou non apporter à la victime ?
Plus récemment, des auteurs (Fischer, Greitmeyer, Pollozek et Frey, 2006) ont par exemple démontré que nos interventions pourraient également dépendre du danger encouru par la victime. Lorsque le danger est clair et que les enjeux ne sont pas ambigus, la situation ne laisse pas la place à la réflexion et évite le phénomène d’ignorance collective (face à un danger explicite, j’agis sans prendre le temps de passer par les trois processus décrits plus haut).

De la même manière, l’effet du témoin diminuera si la victime appelle à l’aide (retenons donc ça pour nos vies quotidiennes), si je me sens concernée par la situation, ou encore si les témoins font partie d’un groupe d’amis (dans ce cas, la cohésion du groupe amènera les individus à agir ensemble… « comme un seul homme », nous dit P. Chekroun).

Peggy Chekroun ajoutera par ailleurs quelques détails sur le fameux cas de Kitty Genovese : sur les 38 témoins déclarés, seuls 6 ont réellement été « témoins » de la scène et seulement trois personnes ont vu la victime et son bourreau ensemble (aucun n’a vu Kitty se faire battre). L’un aurait crié et fait fuir l’agresseur (qui serait ensuite revenu agresser la jeune femme dans son hall d’entrée, sans témoins possibles cette fois-ci), un autre aurait contacté la police… Finalement, ce serait bien les 32 témoins les plus éloignés qui viendraient confirmer la thèse des psychologues sociaux et seraient les victimes de l’effet spectateur.

Ce que je veux te dire par là, ce n’est pas que la nature humaine n’est pas jolie-jolie et que l’instinct grégaire nous mènera à notre perte, mais que parfois pour changer les choses, il faut d’abord en prendre conscience. Et que tout ça me fait aussi penser à ce qui se passait dans les cours de récré du collège, lorsque l’on voyait un gamin (généralement le souffre-douleur attitré) se faire tabasser par des plus hargneux et que personne ne réagissait. Ça me fait aussi penser à ce qu’il peut se passer en entreprise, lorsqu’un salarié est la cible de harcèlements, humiliations, brimades… dans la passivité générale.

Parce qu’en fait, au risque de paraître neu-neu, qu’est-ce qui est plus dangereux : laisser faire ou risquer le ridicule et la sanction sociale ?

Pour aller plus loin :


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

36
Avatar de Neyane
16 mai 2019 à 23h05
Neyane
Je réponds des plombes plus tard à @skippy01 mais il me semble que parmi les cours d'auto-défense certains accordent une partie très importante (voir plus que la partie physique) à la préparation mentale, et autant elle concerne plus souvent à nous aider à réagir si on est la personne agressée, autant je pense qu'on peut sans trop de mal appliquer tout ça pour aider quelqu'un. Il y avait un très bon bouquin aussi sur ces questions dont il faudrait que je retrouve le nom, mais y'a des ressources pour ça, et à voir s'il y a des cours de ce type autour de toi.

EDIT : et le hasard fait bien des choses, je vient de retomber dessus plus ou moins au pif en naviguant au milieu de trucs militants autour du féminisme et de la convergence des luttes. Il s'agit de Non c'est non d'Irène Zilinger, dispo en intégralité en ligne ici, mais qui peut aussi s'acheter en version papier.
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