L’obésité est une pathologie sérieuse, pas un choix. Et pourtant, on continue de stigmatiser les personnes qui souffrent d’obésité et subissent des agressions, insultes et remarques grossophobes.
Le 18 mai 2018, c’est journée européenne de lutte contre l’obésité. Cela permet de mettre en lumière cette maladie. On a voulu partager cet article, à l’occasion.
Cela fait bientôt trois ans et demi que je suis stable et prise d’un élan de confiance, j’avais envie de poser ça quelque part.
Je me lance.
En janvier 2013, pour mes 20 ans, j’avoisinais les 120 kilos.
Deux fois le poids moyen d’une nana de cet âge. Deux heures de révisions : une plaque de chocolat. Tartine de Nutella à la pause de dix heures et des portions généreuses à chaque repas.
Autant dire que je ne faisais rien pour arranger ma condition, mort pour mort, on va pas se prendre la tête. J’étais un beau bébé comme on dit, mais surtout, pas si loin que ça de la catégorie obésité morbide.
Ouais, la génétique pourrie de ma famille et mes gros os, tu connais la chanson, j’avais de bonnes raisons.
Je venais de commencer un diplôme en biologie : la première chose qu’on t’apprends quand tu te lances là-dedans, c’est que ton corps aime la stabilité.
L’homéostasie, de son petit nom, c’est ce qui fait que ta glycémie est stable, que ton sang ne devient pas acide ou encore que… ton gras t’aime et qu’il veut rester. En fait, le deal avec la biologie, c’est aussi qu’on te file une blouse derrière laquelle tu peux te planquer.
J’ai passé mon enfance à être « la grosse ». Ça a commencé en maternelle, je me suis souvent battue à cause de ça et j’ai manqué de me faire renvoyer plusieurs fois de l’école (et de mon dojo également).
Au collège, j’ai même dû repayer un jean à un mec, car je lui avais placé un doux harai-goshi après qu’il m’ait insultée.
Illustration
Le coup de grâce, pour en revenir à la blouse, c’était l’humiliation publique lors de mon premier cours de microbiologie.
Le prof a appelé l’assistante de labo devant toute ma promo en lui disant :
« ouais, je t’envoie une élève pour une blouse.
Non la taille 2 c’est pas bon, elle est… ouais enfin, tu verras ».
J’ai pleuré. Puis j’ai passé deux ans à me venger et à faire en sorte de le pourrir de questions à chaque cours pour le mettre en galère. Ce qui explique ma passion pour la microbio aujourd’hui.
Et puis… le déclic
Avril 2013. Ça m’est tombé dessus sans prévenir. J’ai traversé une période d’examens scolaires intense, j’étais stressée et je mangeais peu.
Rentrée chez mes parents après cette fameuse période, j’ai bloqué devant le miroir en sortant de la douche : je semblais avoir minci. « Impossible dude, monte sur la balance et tu verras que tu te fais des idées », me soufflait une petite voix dans ma tête.
SURPRISE MOTHERFUCKER : j’avais perdu 6 kilos. Révélation ma grande : tu peux maigrir.
Six kilos de perdus, sans même s’en inquiéter, ça veut dire que je peux faire mieux. Du coup je suis partie bille en tête, sans objectif.
C’est un peu ma façon de fonctionner en général : je ne sais pas où je vais mais j’y vais, puis advienne que pourra !
Ça a été un gros déclic, arrivé de nulle part. J’ai choisi de perdre tranquillement, sans me rendre malade.
Noël 2013 : 20 kilos perdus. Octobre 2014, j’en avais perdu 25 de plus et j’ ai reçu mon diplôme de fin d’études.
45 kilos laissés derrière moi, soit presqu’un tiers de mon ancien poids.
Et tu sais quoi ? Je pouvais alors mettre une blouse taille 2, ET OUAIS.
Pendant l’amaigrissement, du changement, partout
J’ai mené mon « régime » seule. Pas de médecins, pas de suivi. Des amis pour unique soutien. J’ai débuté en réduisant mes portions, en arrêtant de grignoter.
« Ouais, normal quoi ». Je t’ai entendu. Mais non, ce n’est pas si simple. Je suis une adepte de la nourriture doudou, comme beaucoup de gens qui se battent avec leur poids.
Je mangeais quand je n’avais pas le moral, quand j’étais stressée, quand j’étais inquiète. Tout le temps, en fait.
Mon premier combat, ça a été de corriger cette relation à la nourriture, d’analyser mon comportement alimentaire, d’analyser le contenu de mon assiette.
Je connaissais quelques bases en nutrition (merci maman de m’avoir jetée chez une diététicienne quand j’étais plus jeune) et je me suis efforcée de maintenir une certaine rigueur.
J’ai dépoussiéré mon vélo et ressorti mes chaussures de sport : j’étais la grosse qui courait le soir, quand personne ne pouvait la voir, décédant après 2 minutes de course.
J’observais mon corps changer, c’était mon expérience à moi.
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Soyons honnêtes : j’ai continué ma vie étudiante, avec plus de restrictions sur la bouffe, mais jamais sur l’alcool. (Foie, si tu m’entends, je suis navrée.)
Le palier, cet enfoiré !
Sauf qu’au bout d’un moment, la perte de poids s’arrête. C’est le palier. Ça rend dingue et ça te donne envie de tout arrêter.
Tu cherches où tu te trompes, mais tu ne trouves pas et c’est normal. Pour comprendre et réagir, j’ai commencé à m’intéresser de près à la nutrition.
Le corps a percuté que tu veux le faire changer et il n’aime pas cette idée, alors il réduit ses besoins. Par conséquent, tu dois le choquer et lui faire comprendre que c’est toi qui décides.
Vient le moment d’intégrer les cheat meals, très connus en musculation. Le principe est simple : sur un repas, augmenter la ration calorique, notamment en glucides afin de relancer le métabolisme et la synthèse de leptine.
À partir de ce moment, j’ai intégré un cheat meal par semaine, et je le fais toujours. Paradoxalement, ça limite la stagnation et permet souvent d’éclater un palier.
Au second palier, j’ai compris qu’il était temps de profondément revoir mon alimentation.
J’ai encore appris de nombreuses choses sur la nutrition et j’ai tenté de me rapprocher de la diète cétogène.
L’état de cétose, c’est ce qui est recherché dans les régimes low carbs, type Dukan, Atkins, etc. Ils ont tous un nom différent, plus ou moins fancy, mais visent la cétose.
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Concrètement, on limite fortement les apports glucidiques, pour privilégier les protéines et les lipides. Privé de glucides, énergie la plus facilement exploitable, le corps va puiser dans les graisses.
C’est dur, c’est monotone, c’est fade, mais ça marche. Après, c’est quelque chose que je déconseille, les répercussions sur la santé sont tout de même là avec le recul.
J’ai terminé ma perte de poids sur cette note protéinée, avant de reprendre une alimentation plutôt axée sur IIFYM, ou « diète flexible », aujourd’hui encore.
L’étape de la chirurgie abdominale
Perte de poids : check.
Avoir mon diplôme et trouver un CDI : check.
Reprendre le sport sérieusement : check.
Nutrition optimale : check.
Je pensais avoir tout donné, mais il restait un problème majeur : la peau.
Quand tu gonfles un ballon de baudruche, pendant un ou deux jours, il est beau, rond, tendu. Puis il se dégonfle et devient tout flasque.
Concrètement, la peau du ventre, c’est la même histoire. Au bout d’un an de stabilité et avec un énorme coup de pied au cul d’une amie, j’ai décidé de me rapprocher d’un chirurgien plasticien.
L’angoisse d’être jugée était omniprésente. J’y suis allée sur conseil de ma généraliste qui voyait bien mon mal être. Se dire « tout ça pour finir dans cet état » était insupportable, et il était temps d’agir.
J’ai vu un premier chirurgien, adorable, qui m’a expliqué la démarche à suivre dans mon cas et m’a orienté vers un chirurgien plus jeune, plus habile dans la chirurgie qui était nécessaire dans mon cas.
Le chirurgien a su me mettre en confiance avant même que j’entre dans son bureau. Il a observé mon ventre, a parfaitement saisi mes attentes.
Concrètement, si tu respectes certaines conditions de type tablier abdominal, perte de poids massive à fortiori post-chirurgie bariatrique, la sécurité sociale peut aider à la prise en charge (et c’est complètement idiot, car si tu as perdu sans aide chirurgicale tu as moins de chances d’être pris en charge).
C’est le moment précis où j’ai compris la différence entre la chirurgie réparatrice et chirurgie plastique. C’est passé juste, j’ai appelé mon père en larmes et en plein milieu de la rue pour dire que mon dossier était accepté et que j’allais retrouver un corps sensiblement « normal. »
En octobre 2015, il fallait attendre février 2016 pour l’intervention. J’étais impatiente mais terrifiée.
Début février, passage sur le billard. Abdominoplastie circulaire, soit environ 3h de boucherie au bloc, le concept est simple : on taille une entrecôte de 20 cm tout autour de ta taille, puis on recoud le haut et le bas. À la poubelle la peau en rab.
Il m’a fallu 6 semaines pour m’en remettre.
Et après…?
Aujourd’hui j’en suis là : je pèse toujours 75 kilos pour 1,76m, j’ai toujours pour ambition d’en perdre encore un peu pour enfin voir mes abdos, mais dans l’absolu, je m’en moque.
J’ai une cicatrice presque blanche qui fait le tour de ma taille et qui va fêter ses deux ans. Je m’en amuse beaucoup : elle ne se voit pas en sous-vêtements, mais je fais parfois croire au gens que je me suis fait couper en deux. Leur tête est toujours magique.
lol, je déconne
J’ai énormément gagné en confiance en moi, plaqué mon boulot et j’ai repris une licence pro pour devenir commerciale, car je n’ai plus envie de me planquer sous ma blouse et je n’ai plus trop peur d’aller au contact.
J’énerve ma tutrice de par ma timidité, mais j’avance !
Le regard des gens change. Il est plus gentil et tolérant, ce qui est énervant avec du recul. Ce qui surprend, c’est également les gens qui ne me reconnaissent pas.
Le rapport au corps est quelque chose en mouvement perpétuel : j’ai traversé des phases de boulimie, voulant maigrir à tout prix mais me lâchant à force de restrictions.
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C’est difficile d’apprivoiser un nouveau corps : tu sais qu’il est à toi, mais ça ne s’imprime pas.
Trois ans plus tard, je galère toujours avec les fringues car avec le sport, ma morphologie continue de bouger.
Quand j’essaye une chemise je rentre dans la cabine avec trois tailles différentes car je ne conçois pas ma taille.
Je pense que les vendeuses me détestent en fait. Quand je plie mes vêtements, je me demande comment ça se fait que je rentre dedans : passer d’un XXL à un S/M, c’est bizarre. Mais c’est cool.
J’ai découvert le maillot de bain en 2016 lors de la descente de l’Ardèche avec des amies. Double victoire : vivre 48h en maillot de bain et faire 32 km de canoë !
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Je me dis que si j’ai pu le faire, connaissant mon amour pour la bouffe et mes capacités de procrastination, ça doit être à la portée de bien d’autres personnes. Il faut seulement commencer par se poser et comprendre pourquoi ça n’a pas marché jusqu’à maintenant.
Et c’est sans doute parce qu’on veut aller trop vite, selon mon expérience.
Le rapport avec son corps et son alimentation est propre à chacun et chacune. Si cette madmoiZelle a suivi ce parcours, il n’est pas dit que le résultat soit identique pour quelqu’un d’autre.
Le métabolisme, le mental, l’expérience et d’innombrables facteurs entrent en ligne de compte.
Si tu souhaites perdre ou prendre du poids, changer ton régime alimentaire pour des raisons de santé ou de bien-être personnel, tu peux aller chercher conseil auprès de spécialistes de la santé, de la nutrition, du sport.
Ça peut être la personne responsable de l’infirmerie de ton établissement scolaire, la médecine du travail, mais aussi ton ou ta généraliste, ou encore un·e nutritionniste, par exemple.
Il existe aussi des associations comme Endat qui peut apporter aide et soutien aux personnes atteintes de troubles alimentaires dont l’obésité.
Quoiqu’il en soit, ton apparence ne détermine pas ta valeur, et le regard des autres encore moins.
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