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Parentalité

Un réel « consentement éclairé à la maternité », c’est ce que propose Renée Greusard dans Choisir d’être mère

La journaliste Renée Greusard, dans un essai drôle et utile, parle en toute franchise de la maternité — pour que le choix de s’y engager se fasse en toute connaissance de cause. Un livre qui intéressa les futures mères, mais pas uniquement !

Tout un mouvement se fait remarquer, sur les réseaux comme dans la vie physique, visant à dire la vérité aux daronnes, futures daronnes et à tout le monde : non, ce n’est pas toujours facile d’être mère ! On peut en chier au quotidien et tomber de haut quand on avait intégré une vision idéalisée de la maternité…

Pour nous dire la vérité, on peut compter sur bien des militantes féministes, qui mènent quotidiennement une petite révolution. Avant, on avait Florence Foresti venant nous révéler le vaste complot permettant de perpétuer l’espèce ; maintenant, nous avons Fiona Schmidt, Illana Weizman et aujourd’hui Renée Greusard.

Renée Greusard, journaliste, autrice et mère féministe

Journaliste et autrice, cette dernière tient une place toute particulière dans ma maternité comme dans celles de beaucoup de femmes qui se passent son livre sur la grossesse de main en main.

Enceinte, j’avais donc lu son best-seller Enceinte, tout est possible ; elle y distille des conseils qu’on n’entend pas ailleurs et nous délivre d’une bonne dose d’autoculpabilisation. On nous assène tout au long de notre grossesse qu’il faut faire attention et que s’il y a un problème, ce sera de notre faute. Un livre d’utilité publique !

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Enceinte, tout est possible, 22,90€

Clairement, cette meuf pleine de bienveillance et de sincérité mais aussi d’un humour mordant devrait être une de nos potes ! Et c’est ce que j’ai ressenti à nouveau en lisant son dernier livre, Choisir d’être mère, ainsi que lors de l’interview qu’elle m’a accordé.

Dans ce nouvel ouvrage, illustré par la très talentueuse artiste Eloïse Coussy, Renée Greusard veut informer sur toutes les galères possibles. Car mieux vaut prévenir que guérir. Et qu’une femme informée en vaut deux…

Elle parle d’un consentement éclairé à la maternité. En effet, mieux vaut, avant de s’y embarquer, savoir de quoi il retourne ! Rencontre avec une mère qui prend soin des mères.

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Interview de Renée Greusard, mère engagée

Madmoizelle : Pourquoi existe-t-il autant de tabous autour du post-partum et de la maternité ?

Renée Greusard : L’expérience de la parentalité est sanctifiée. Il y a la valorisation de l’enfant d’abord, dont on fait un trésor, ça s’explique notamment parce que l’on fait beaucoup moins d’enfants, car la mortalité infantile a baissé. Autrefois, il fallait faire deux enfants, pour avoir un adulte vivant. Ça crée une valeur spécifique. Le fait de faire des enfants peut devenir un but pour s’accomplir.

Il y a aussi la valorisation des mères, autour de la Madone et de la mère parfaire, une injonction que toutes les mères connaissent. On n’est pas censées critiquer la maternité. Il y a cette phrase de la sociologue Heini Martiskainen qui dit qu’il est convenu que quand on parle d’un cadeau, si l’on en dit le prix, ce n’est plus un cadeau. Si on parle du fait que c’est difficile, à quel point on douille, on égratigne la fabuleuse mythologie sacrée de la mère parfaite.

Il y a aussi une crainte démographique bizarre que les femmes ne fassent plus d’enfant alors qu’aujourd’hui, ce ne serait pas un drame. Et historiquement, une femme qui ne fait pas d’enfant, c’est une femme dangereuse, c’est une sorcière.

Par exemple, qu’est-ce que vous auriez aimé savoir avant de vous lancer dans la grande aventure qu’est la maternité ?

Qu’il fallait vraiment m’organiser, en fait. Qu’on me dise que j’allais arriver dans une situation où je ne pourrais pas me faire à manger, pendant le congé maternité. Dans une situation où il y aurait énormément de choses à faire. Il faut se répartir le travail avec l’autre parent, s’il y en a un.

Comme on est pas informées, on fait face à ces affres sans préparation, ça nous tombe dessus et on ne comprend pas ce qui se passe. Le plus possible, il faut avoir ses petites solutions, qui permettent de rendre le quotidien plus doux.

De toute manière, avoir un enfant, c’est un choc émotionnel. L’expérience de la parentalité est très intense, ça, ça ne changera pas mais je pense en revanche qu’il y a des moyens de l’adoucir. Il faut s’organiser et anticiper.

Est-ce qu’on a pas besoin d’aide extérieure aussi ? Les proches, la famille ? Est-ce qu’il faudrait pas que tout le monde connaisse les difficultés pour qu’il y ait plus de solidarité ?

C’est quelque chose dont j’ai souffert aussi, c’est-à-dire que mon vécu n’avait pas de place dans l’espace social. Des amis qui passent à la maison et qui sont en demande, en attente d’un repas par exemple. C’est dur à imaginer mais on est au bout de sa vie [rires]. Faire un café dans les premiers mois, ça peut être une épopée.

Si tout le monde est au courant que c’est difficile, ça permet aussi des solutions d’entraide, qu’on ne soient plus isolées. Le problème actuellement, c’est qu’on élève les enfants seules, notamment pendant le congé maternité.

Sur Twitter, on m’a répondu qu’on faisait des enfants depuis des siècles… oui, mais on ne les fait pas seules. C’est récent. Avant les femmes étaient entourées de leur voisine, de leur mère, des tantes. J’ai grandi au Sénégal, c’est aussi l’exemple que j’ai eu.

Le plus beau cadeau qu’on puisse faire à de jeunes parents, c’est un lot de plats cuisinés. On a besoin d’aide, pas d’intrusion non plus. Il y a ce problème de bulle, on vit dans des sociétés très individualistes, ce qui a des avantages par ailleurs mais il y a quand même un problème. Comme le proverbe le dit : il faut tout un village pour élever un enfant. Et là en fait, on est seule. Le problème, c’est cette solitude.

J’avais anticipé et quand mon fils est né, je vivais en coloc. J’avais imaginé cette solution. J’ai eu beaucoup de soulagement mais il n’empêche que j’ai passé beaucoup de temps seule avec lui, le problème c’est la journée, pas le soir.

Vous retranscrivez une proposition dans votre livre de l’historienne de la maternité Yvonne Knibiehler lors d’une interview qu’elle vous avait accordé pour Rue 89, pour que les mères soient moins seules notamment.

La proposition est la suivante :

« Il me semble que l’on pourrait transformer le congé maternité en congé de formation : ça permettrait de l’allonger et de le rétribuer. […] Resterait à penser cette formation. je pense qu’elle pourrait commencer à un moment où un couple a le désir d’enfanter. […]

Il me semble aussi que le jeune couple qui vient d’avoir un enfant devrait être directement affecté à une crèche et qu’il pourrait, sur ce temps de formation, y avoir une obligation d’aller un jour ou deux par semaine, ou encore deux demi-jounées travailler bénévolement pour voir ce que c’est un bébé, quels sont les problèmes qui se posent, les maladies auxquelles on doit faire face. Cette idée de travail bénévole permettrait aussi de faire baisser le prix de la crèche. »

Yvonne Knibiehler propose donc qu’on soit plus dans des systèmes de crèches parentales, même avant d’avoir des enfants.

Je pense que ça m’aurait servi avant de devenir mère de me retrouver un jour par exemple dans une crèche parentale. Il faudrait que ces systèmes d’entraide se mettent en place. Je suis d’accord avec elle.

Le système tel qu’il est pensé ne fonctionne pas en tout cas, le nombre de dépressions post-partum en est un exemple. À l’approche de l’élection présidentielle, il faudrait qu’une grande réflexion sur ce thème soit menée.

Cette réflexion sur la place des mères est centrale et est liée aussi à la place des enfants dans la société. Quelle vie collective on veut ?

Les lieux publics ne sont pas pensés pour les mères, et au-delà de ça pour les enfants. Il y a un chapitre où je raconte à quel point on s’emmerde au parc. Qui a envie de regarder son enfant grimper à une corde ? À côté de chez moi, à Montreuil, il y a un endroit de jeux à côté d’un bar. Et je peux surveiller mon fils depuis le bar ! Je prends l’apéro avec une pote et lui fait sa vie, et tout le monde est content. L’aménagement urbain est hyper important. Les lieux devraient aussi être pensé en fonction des enfants.

Ce que dit la condition des mères, c’est qu’on pense pas à la place de l’enfant.

Sur Twitter, des personnes vous ont opposé que c’était compliqué de parler de consentement — comme Cécile Duflot – car c’était une expérience diverse et imprévisible que la maternité. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Je suis d’accord pour dire que l’expérience de la maternité et de la parentalité en général est une expérience inédite, propre à chacune et chacun. On aura tous un vécu différent de la parentalité et on a tous des enfants différents. Forcément, c’est une expérience qui est unique.

Dans toutes ces expériences uniques et exceptionnelles, il y a quand même un impondérable. Par exemple, un enfant pleure en moyenne deux heures par jour les premiers mois. Ils dorment mal, il y a la « nuit de Java », etc.

Le consentement éclairé, c’est à partir de cette base-là, de disponibilité permanente. Évidemment qu’on ne peut pas tout prévoir. Mais pour moi, il y a une base d’information qui n’est pas donnée.

Ce qui n’arrange rien non plus, c’est qu’il y a encore beaucoup d’injonctions sur les mères, sur l’allaitement par exemple. Il y a pas mal de pressions, en plus du fait qu’en soi, ce n’est pas facile.

Quoi qu’on fasse en tant que mère, on sera toujours jugée, c’est consternant. L’allaitement est un exemple intéressant. Si on n’allaite pas, si on allaite un peu mais pas très longtemps, si on mixe avec du biberon ou si on n’utilise que le biberon : on est une mauvaise mère !

Il y a plein de pays où on allaite les enfants jusqu’à deux ou trois ans et ce n’est pas un sujet. En France, c’est considéré comme bizarre. Quoi que fasse les femmes, elles ont tort. Une fois qu’on sait cela, bizarrement il peut y avoir un aspect libérateur, dans ce cas-là, autant s’en foutre.

Il faut que les femmes puissent faire leur choix à elles et tout choix est valable !

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© Marie Rouge

Vous faites un chapitre sur l’éducation bienveillante, est-ce une pression de plus sur les mères ?

Oui, clairement. Dans ma génération, en contrepoint des éducations qu’on a reçus qui n’étaient pas forcément terribles en termes de carcans imposés. J’avais une place très limitée en tant qu’enfant. C’est super de dire que les enfants ont une voix propre, qu’ils faut qu’on les écoute et que ce sont des personnes. C’est génial ! Mais le problème est qu’à considérer en permanence les besoins et les limites de l’enfant, à avoir son regard complètement focus sur lui, on s’oublie soi-même.

C’est l’exemple de l’avion de Béatrice Kammerer [journaliste spécialisée en éducation] que je cite dans le livre : dans un avion, s’il y a un accident, il faut d’abord prendre de l’oxygène avant de mettre le masque sur l’enfant. Comment prendre soin de quelqu’un si on ne peut pas prendre soin de soi. La bienveillance, ça commence par soi-même.

J’ai beaucoup aimé le chapitre sur les mères qui font la fête — c’est une façon de prendre soin de soi, dans un sens. Il y a à la fois des critiques et des moqueries à l’égard de ces mères-là. Pourquoi ?

Pour moi, le dance floor, c’est quelque chose de très important. Et ça le restera peut-être toute ma vie. Au-delà du dance floor, j’ai une passion pour l’électro, la techno. Ce que je dis dans le livre, c’est que danser en club est une activité comme une autre.

Il y a tout un imaginaire de ce qu’est le dance floor et de ce qu’est censé être une mère. Une mère, c’est censé être quelqu’un de doux, de gentil, qui se réveille le dimanche matin fraîche. Le dance floor, c’est des afters qui tardent… donc ça ne semble pas compatible. Mais les mères sont des êtres humains [rires]. Comme tout le monde, elles ont des passions. Elles ont besoin de danser, elles ont envie de rigoler.

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(© Eloïse Coussy)

Un message pour les mères et les futures mères qui, potentiellement, galèrent ?

Vous n’êtes pas seules. N’hésitez pas à dire si vous avez des difficultés, et à demander de l’aide. C’est difficile de demander de l’aide, ça renvoie une image de soi qui n’est pas simple. On a l’impression d’être nulle ou fragile. Mais ce n’est pas du tout le cas !

Vous êtes des mères dans un système qui ne vous aide pas beaucoup !

Pour vous procurer l’ouvrage de Renée Greusard, Choisir d’être mère, qui vient de paraître aux éditions JC Lattès, c’est par ici !

À lire aussi : Une mère au bord du gouffre reprend goût à la vie dans cette BD qui vous touchera en plein coeur

Image en une : © Marie Rouge

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Les Commentaires

1
Avatar de Leona B.
9 février 2022 à 10h02
Leona B.
Chouette interview ! Son nom me dit quelque chose, je pense que ça date de l'époque de Rue89.
Par contre visuellement, comme beaucoup de phrases ou de morceaux de phrases ont été mises en gras, je me suis pas mal perdue entre les interventions/questions de la journaliste et les réponses. Ça manque un peu de clarté
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