Fabriquer des femmes de Marie Darieussecq, éditions P.O.L
À Clèves, dans les années 80 au Pays Basque, d’un côté, il y a l’histoire de Rose, des parents cools, une situation confortable et un petit ami parfait, Christian. D’accord, elle s’emmerde un peu, mais la vie semble rouler, études de psychologie, premier job, les enfants. En face, il y a sa voisine Solange, enceinte à quinze ans, les parents divorcés, elle n’en mène pas large. Elle fuit à Bordeaux, puis Paris, Londres et enfin Los Angeles, à la poursuite romanesque de sa carrière d’actrice. Rose la voit de loin en loin, et on ne comprend pas très bien qui est cette insaisissable Solange qui a abandonné son enfant derrière elle.
Et puis le récit bascule, on passe du côté de Solange. On suit avec passion son parcours d’actrice dans la nuit queer des années 80 avec son ami / amant Brice, malade du Sida, jusqu’aux paillettes d’Hollywood.
D’une femme à une autre, avec une plume précise et ancrée dans l’époque qu’elle décrit, aucun autre roman de Marie Darieussecq n’a aussi bien porté son nom que celui-ci.
À lire aussi : Aline Laurent-Mayard : « Il faut déconstruire la culpabilité des gens qui n’arrivent pas ou ne veulent pas être en couple »
La Roche de Martin Lichtenberg, éditions Héloïse d’Ormesson
Dans un sombre futur, les habitants d’une île isolée se battent chaque jour pour avoir accès à de l’eau potable. Réduite à néant, cette ressource essentielle à la vie doit désormais se pomper au fin fond d’inaccessibles nappes phréatiques.
La population est divisée en plusieurs factions. D’un côté, il y a les Rocheux, ceux qui s’épuisent dans les fonds rocheux pour trouver de l’eau, et de l’autre les Rocailleux, ceux qui ont préféré abandonner et vivent de trafics et petites combines. Au milieu, des soldats, la Garde, maintiennent avec autorité l’ordre, et promettent en échange à d’heureux élus de se rendre à la Capitale, terre promise d’abondance et de paix.
Mais, bien évidemment, comme dans toute bonne dystopie, des résistances existent, qui mettent à jour les sombres ressorts de la dictature.
En s’attaquant au sujet hautement politique de l’accès à l’eau, Martin Lichtenberg propose dans ce premier roman d’anticipation une passionnante histoire de lutte.
À lire aussi : Racha Belmehdi : « Le capitalisme nous a conduits à accepter qu’il fallait souffrir au travail »
La Louisiane de Julia Malye, éditions Stock
Dans la France du début du XVIIIe siècle, des femmes sont choisies pour partir dans les colonies françaises en Amérique, afin de peupler ces terres lointaines. Parmi elles, il y a les mauvaises filles, les prostituées, les folles, les avorteuses ou les lesbiennes. Il y a aussi des orphelines, ou de braves, mais pauvres dames qui espèrent faire bonne fortune ailleurs. Ces “filles du roi” comme on les appelle quittent tout derrière elles pour s’engager dans un périlleux voyage vers des contrées hostiles.
En traçant le fil de trois amies sur près de quinze ans, Julia Malye suit le destin extraordinaire de Charlotte, Pétronille et Geneviève dans cette histoire méconnue de la France et de ses colonies.
Cette jeune autrice de 29 ans, qui en est déjà à son quatrième roman, a d’abord écrit ce texte en anglais, avant de le réécrire elle-même en français. Elle a depuis tapé dans l’œil du monde entier, puisque le roman est en cours de traduction dans vingt pays, et bientôt adapté en série. Le coup de force de cette rentrée.
À lire aussi : Lauren Bastide (2060) : « le fait de dépeindre un futur sombre est une façon d’inciter à l’espoir »
Rapatriement d’Eve Guerra, éditions Grasset
Alors qu’elle vient de se faire quitter dans les rues de Lyon par son amoureux Gabriel, Annabella, étudiante, apprend que son père est mort. Son père blanc, franco-italien faisait partie de ces ouvriers, partis tenter leur chance en Afrique, en travaillant sur des chantiers.
De son enfance entre le Cameroun et le Congo-Brazzaville, Annabella garde le souvenir d’un père violent et possessif et d’une mère, villageoise congolaise, bien trop jeune pour le devenir. Alors qu’il ne lui a pas donné de nouvelles depuis des années, le corps doit maintenant être rapatrié.
Ce tragique événement met à l’arrêt les études d’Anna qui doit se battre pour démêler les fils de la circonstance douteuse de la mort, et par la même occasion, visiter le sombre passé de son père. Écrit dans un souffle, ce premier roman haletant se lit d’une traite.
À lire aussi : Juliette Oury : « La parole intime sur la sexualité est encore rare »
La vie privée d’oubli de Gisèle Pineau, éditions Philippe Rey
En Guadeloupe de nos jours, Yaëlle, jeune styliste qui rêve de se lancer à Paris, est convaincue par son amie Margy de servir de mule pour son petit ami trafiquant. C’est facile, Margy l’a déjà fait, il suffit d’ingurgiter une trentaine de boulettes de cocaïne et de prendre l’avion pour Paris. Mais lors de son vol, les paquest s’ouvrent un à un dans le corps de Yaëlle. Elle frôle la mort et la honte s’abat sur sa famille.
À Paris, où elle est soignée, se croisent aussi Joycy, ancienne esclave prostituée, victime nigériane de la traite humaine et Maya, jeune étudiante métisse en recherche de ses origines.
Elles ne le savent pas, mais toutes ces jeunes femmes sont liées à la même ancêtre, Agontimé, jadis princesse africaine du XIXe siècle, déportée dans les colonies de canne à sucre en tant qu’esclave. Son parcours mêlé à celui de ses descendantes trace avec finesse et émotion les traces invisibles de la colonisation et de la résistance.
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.
Les Commentaires
Il n'y a pas encore de commentaire sur cet article.