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Cinéma

Mounia Meddour : réaliser un premier film en tant que femme, « c’est un acte de résistance »

À l’occasion du festival du cinéma américain de Deauville, terre promise des jeunes réalisateurs de cinéma indépendant, Alix, envoyée spéciale de madmoiZelle, a discuté avec Mounia Meddour de la difficulté de fabriquer son premier film.

Un premier film, c’est comme un accouchement.

Et au Festival du cinéma américain de Deauville, nombreuses sont les premières œuvres présentées en compétition.

En tant qu’envoyée spéciale sur place, j’ai pu discuter de la difficulté d’accoucher de ce premier film avec Mounia Meddour, réalisatrice de Papicha dont madmoiZelle était fière partenaire lors de sa sortie en salles, et pour lequel elle a remporté le César du meilleur premier film.

Mounia Meddour, une réalisatrice à la voix montante

Jeudi, je devais rencontrer Mounia Meddour pour notre entretien. Nous avons dû repousser, mais c’était pour une bonne cause : elle se voyait remettre le prix Alice Guy 2020 au Max Linder, à Paris, pour son film Papicha.

Ce prix récompense la réalisatrice de l’année depuis 2018, et son nom est emprunté à la première réalisatrice de l’histoire du cinéma. Sur son site, on lit qu’il a pour fonction de « pallier l’absence récurrente de réalisatrices dans les grands palmarès annuels, de promouvoir une réalisatrice et l’encourager à monter de nouveaux projets, donner une deuxième chance à la diffusion du film primé, de valoriser le travail des femmes cinéastes, de mettre en valeur la filiation entre la pionnière Alice Guy et les réalisatrices d’aujourd’hui et de faire découvrir sur grand écran l’incroyable production d’Alice Guy ».

L’occasion rêvée de parler de l’ouverture du monde du cinéma à la parole des femmes avec la réalisatrice de l’année.

Mounia Meddour veut encourager les femmes à continuer de prendre la parole

Nous sommes au bar du Soleil à Deauville, le soleil tape sur nos transats, et malgré nos masques et nos lunettes sombres, Mounia Meddour me met immédiatement à l’aise.

Alix Martineau : En 2020, vous avez reçu le César du meilleur premier film pour Papicha, mais c’était loin d’être ton premier film puisque vous aviez déjà réalisé trois documentaires et un court-métrage. Qu’est-ce que ce film a de particulier, le considérez-vous comme un premier film ?

Mounia Meddour : Oui, pour moi c’est clairement mon premier film. C’est mon premier film de fiction. Il existe une réelle différence entre le documentaire et la fiction, et pour moi c’est le premier long-métrage, la première histoire que j’avais envie de raconter. En l’occurrence, pour moi, c’était l’histoire de Papicha parce que c’était un peu mon histoire. J’avais des choses à dire, à transmettre.

Ici à Deauville, ce sont souvent des premiers films qui entrent en compétition. Que dit un premier film de sa réalisatrice ou de son réalisateur ?

Généralement, les premiers films sont les histoires qu’on connaît le mieux, des personnages qu’on connaît bien. Pour certains, ça peut être une expérience assez incroyable parce que ça peut être un exutoire, une façon de transmettre un vécu traumatisant ou heureux. Mais souvent, ce sont des choses qu’on veut partager avec son entourage, avec le public. C’est aussi une envie de partager l’émotion, des sensations, des sentiments, des choses très importantes qui passent particulièrement bien par les films, par le cinéma.

Cette année, la compétition de Deauville compte plus de films de réalisatrices que de réalisateurs. À quoi pensez-vous que c’est dû, et pourquoi est-ce possible dans ce festival en particulier ?

Je pense que premièrement, c’est un choix de programmation. Je crois qu’aujourd’hui, on a de plus en plus de films de femmes parce qu’il y a une sorte de démocratisation de ce milieu qui à un moment était très fermé.

Il faut savoir que la première réalisatrice de fiction était Alice Guy, et il est important de rappeler que les femmes ont été ici, sur ce terrain, dès le début. Alice Guy avait fait plus de 8 000 courts-métrages pour Gaumont à l’époque !

Aujourd’hui, on sent qu’il y a un renouveau dans différents territoires, le Maghreb notamment, mais aussi aux États-Unis. Cette envie de se réapproprier ses histoires, le courage aussi d’affronter son passé, son présent ou son pays et les problèmes que l’on vit. Des problèmes identitaires, de classe sociale, sexuels… Une fois que la brèche est ouverte, beaucoup de réalisateurs et réalisatrices s’engouffrent, et c’est cet élan-là qu’il faut continuer à promouvoir.

C’est vrai que dans la sélection de Deauville aujourd’hui, il y a beaucoup de premiers films, beaucoup de films de femmes. On est très heureux d’être ici, parce que c’est un cinéma alternatif quelque part, on découvre un autre cinéma américain. Certains des films n’ont pas encore de date de sortie en France, donc pour [le jury, ndlr] c’est aussi découvrir en avance les problématiques et les questionnements des nouvelles générations.

Il y a donc une forme d’urgence à laisser leur place aux réalisatrices. Pensez-vous que ça relève d’un effet de mode ou que ça peut devenir une norme ?

Je ne pense pas que ça soit un effet de mode.

Je vais parler encore de moi, mais lorsqu’on fait un film c’est tellement d’efforts, c’est une tâche si complexe, que c’est pas une question de mode, c’est un acte important, c’est un acte de résistance. C’est très compliqué de faire un film pour des raisons techniques, physiques, artistiques, de financement…

Il y a une urgence de raconter des histoires, et en ce moment il y a des femmes qui prennent la parole, qui prennent leur stylo, qui racontent enfin des histoires et qui passent derrière la caméra. Mais il faut l’encourager parce qu’il n’y a pas encore d’égalité hommes-femmes en termes de réalisation.

Quand on est une femme et qu’on réalise un premier film, qu’il cartonne en festival et au sein de la critique, a-t-on autant de chances qu’un homme de pouvoir produire un second film ?

Faire un film, c’est très compliqué, que ce soit pour une femme ou un homme. Je ne pense pas avoir eu plus de difficultés qu’un homme pour faire un film. L’expérience de Papicha a été très longue, très difficile pour plusieurs raisons de financement. Et ce n’était pas parce que j’étais une femme en particulier mais tout simplement parce que c’était un premier film.

Je pense que la difficulté est là, c’est vraiment dans l’encouragement des premiers films, homme ou femme. Pour moi, c’était un problème de casting pas forcément connu, puisque pour financer un film, on doit être soit confirmé, soit avoir des comédiens confirmés. Ce n’était pas mon cas. La thématique que j’abordais était assez dense, assez complexe : comment va survivre cette jeune femme dans une société en pleine guerre civile ? Et la troisième problématique, c’était la langue de tournage, pour moi c’était en français et en arabe, donc ça crée des schémas de production très complexes. Et le lieu de tournage ! Puisque je viens du documentaire, j’avais absolument envie de garder l’authenticité, d’aller tourner sur les lieux de mon enfance, de mon adolescence. C’était un parcours très complexe pour arriver au tournage.

Tout ça pour dire que le plus dur, c’est le premier film, que ça soit un homme ou une femme, mais le deuxième est tout autant difficile. Je suis dans ce cas de figure. J’ai encore des histoires à transmettre, j’ai encore des personnages féminins forts à qui j’ai envie de donner de la place dans mon cinéma pour montrer l’importance dans les sociétés de manière générale.

Dans le cinéma américain, on a vu quelques films où c’était vraiment des parcours de femmes qui tracent leur chemin au milieu d’un chaos familial, d’un chaos sociétal, d’un chaos financier. La position des femmes est si difficile et complexe.

Le deuxième film n’est pas compliqué pour les mêmes raisons. On n’a pas forcément des problèmes de financement, puisqu’on a pu prouver qu’on sait raconter des histoires et qu’apparemment ça plaît aux gens, qu’il y a quelque chose d’universel que les spectateurs ont partagé et ils se sont identifiés à ces personnages.

Par contre, le problème du deuxième, c’est de savoir raconter d’autres histoires fortes. Je crois à la sincérité, et c’est ce qui me poursuit dans ma transmission. Avec Papicha, c’était une envie très personnelle de raconter le drame de la société algérienne, mais surtout de ces femmes qui ont combattu une période difficile, qui se sont accrochées à leurs rêves et qui n’ont jamais lâché. Pour le second, c’est pareil, j’ai envie de continuer à raconter des parcours de femmes battantes, parce que ça donne de l’espoir.

Retrouvez les aventures Alix, envoyée spéciale à Deauville

Pour suivre mes aventures au Festival du cinéma américain de Deauville, rendez-vous sur le compte Instagram de madmoiZelle pour découvrir les IGTV du vlog Festoche Cinoche Pistoche sorti tous les jours pendant le festival.

À lire aussi : Yann Gonzalez : « Quand on crée un personnage de cinéma, il est pansexuel »


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

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