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Avant de partir au collège et plus tard au lycée, j’ai longtemps caché des robes courtes et autres décolletés plongeants dans mon sac à dos.
Je partais de la maison vêtue d’un jean simple et d’une blouse, en règle générale, pour m’éviter les commentaires de mon père, inquiet que je me fasse emmerder dans la rue par des hommes si ma tenue était trop sexy.
Vêtements, répression et liberté d’expression
Une fois devant les grilles de l’école, dans un coin ou aux toilettes, je retrouvais mes vêtements adorés, qui faisaient partie intégrante de ma personnalité.
Pour moi, cette action était non seulement le symbole de ma réunion avec moi-même mais aussi un acte de rébellion contre mon père que je trouvais franchement vieux jeu.
Ce que j’ignorais à l’époque, c’était qu’ailleurs dans le monde, pas si loin que ça, géographiquement, de chez moi, l’habit était pour des jeunes femmes l’expression d’une vraie lutte…
Papicha, de quoi ça parle ?
Dans Papicha, le nouveau film de Mounia Meddour sélectionné dans la section Un Certain Regard au festival de Cannes, Nedjma a 18 ans, et la mode est son plus grand moyen d’expression.
Elle vit dans la cité universitaire de son école, avec ses copines. Parfois, elle rentre chez sa mère, une femme ouverte d’esprit qui l’encourage à s’instruire et s’exprimer en dépit de la politique du pays.
Le soir, elle s’échappe en boîte de nuit pour danser et vendre ses robes aux papichas, les « jolies jeunes femmes algériennes ».
Alors que le pays est en proie à la violence et qu’une menace insidieuse pèse sur les femmes qui sortent sans voile, Nedjma refuse de se couvrir et se bat pour conserver ses maigres libertés.
Pour aller au bout de ses idées, elle brave tous les interdits et organise même un défilé de mode
, qui fait déjà grand bruit avant même d’avoir eu lieu…
Papicha, un film révolté
Papicha s’ouvre sur une scène puissante.
Deux amies, dans une voiture, se déshabillent sous les yeux du chauffeur, inquiet que les autorités ne les chopent.
La police, finalement sur leur chemin, leur demande de se ranger, et les jeunes femmes se couvrent à la hâte, se coiffant de voiles.
Agressifs, les représentants de l’autorité les houspillent un peu avant de les laisser partir.
La violence va crescendo dans le film de Mounia Meddour, qui n’oublie pas d’y résister grâce à son héroïne, la lumineuse et révoltée Nedjma, bien décidée à ne jamais se laisser faire.
Un homme la harcèle dans la rue : elle l’ignore et le toise. Un homme lui intime de se couvrir dans le bus : elle lui répond violemment et demande au chauffeur de s’arrêter. On tente de la museler : elle parle plus fort.
Féministe, la jeune femme l’est, ça ne fait aucun doute — sans prononcer le mot et sans s’en rendre compte. Son combat est naturel, évident.
Un jeune homme dont s’amourache son amie la qualifie de telle, d’ailleurs. Ce qui semble être une insulte dans la bouche du type se transforme en combat éclatant dans chacune des actions menées par l’héroïne.
Papicha, c’est un rappel hyper fort et violent que nos libertés, de par le monde, sont toujours fragiles.
Papicha, un casting éblouissant
Pour son deuxième film après le social et édifiant Edwige en 2011, Mounia Meddour s’est à nouveau entourée de jeunes femmes de talent pour donner vie aux personnages pluriels de son intrigue.
Ce sont Lyna Khoudri et Shirine Boutella qui se partagent les deux rôles les plus présents à l’écran.
Lyna Khoudri, l’actrice principale, est FABULEUSE, et je pèse mes mots.
Chacun de ses gestes est précipité, pour signifier son urgence à faire bouger les lignes.
La jeune femme de seulement 27 ans a une maturité de jeu remarquable, lui permettant de ne jamais parler faux, et par extension d’être toujours juste.
Toutes les femmes qui lui donnent la réplique sont à son image : rafraîchissantes et naturelles.
Bref, Papicha, c’est un film essentiel de la rentrée 2019, qu’il est important d’aller découvrir le 9 octobre au cinéma.
Personnellement, je l’ai déjà vu deux fois, et ne peux t’encourager qu’à faire de même.
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Les Commentaires
D'ailleurs pour comprendre que ça se passe en Algérie ("ailleurs dans le monde", "le pays" il faut attendre "vendre ses robes aux papichas, les « jolies jeunes femmes algériennes »" pour comprendre où c'est
La question de la mémoire de cette période étant assez "compliquée" (d'ailleurs la sortie du film a été annulée en Algérie, en lien avec l'époque qu'il dépeint j'imagine? :hesite, je trouve ça dommage que les termes choisis soient aussi euphémisants et ne nomment pas une guerre civile pour ce qu'elle est (j'imagine que c'est présenté différemment dans le film?).