Laissez-moi de nouveau vous parler de Survivor, en vous promettant que cela sera éclairant pour la mythologie de Koh-Lanta. Lors de sa première saison, en 2000, le discours stratégique n’y existait pas non plus. Les deux équipes, les Tagi et les Pagong (le lieu de tournage était à Bornéo) joutaient sans grande conviction et portés par la nouveauté, le jeu méta et stratégique étant alors inexistant. Dans cette version, il a réellement pris naissance dans sa quatrième saison (en France ! Dans les îles Marquises). Mais en attendant, cette toute première aventure s’est décidée dès la réunification. Dans ce vote décisif, une tribu s’est retrouvée en minorité par rapport à une autre. Le destin des perdants était scellé. Mis à part un gars qui votait dans l’ordre alphabétique pour ne froisser personne – c’est réel – les Pagong se sont fait sortir les uns après les autres, sans aucune possibilité de riposter. C’est ce qu’on appelle un pagonging dans cette communauté.
Or, c’est ce qui est en train d’arriver dans Koh-Lanta : Le Totem Modzi. C’est de la télévision prévisible, donc pas terrible côté spectateur. Bien sûr, en tant que joueur, on ne vit pas pour faire plaisir au spectateur et il est très précieux de se retrouver du bon côté de ce narratif, puisque ça garantit une place dans les cinq/six/sept derniers. On peut arguer que ça caractérise les mauvaises saisons, mais ça peut aussi déclencher une dramaturgie, un gravitas qui, bien manié, donne aussi de bonnes séquences. Hélas.
L’épreuve mythique du téléphone gênant
Les onze derniers aventuriers pansent leurs plaies après la sortie de Pauline. “Il faut bien mettre un nom sur un papier.” Il se trouve que c’est un nom jaune contre une supériorité de rouges. Ces derniers entament un conseil de guerre, et François emploie des termes transparents – ils veulent “gagner deux ou trois tours de plus”. Le but des monteurs est clair, alors mettez vos bottes, sautez sur votre cheval, c’est l’opération Faire Croire Que Maxime Va Partir Ce Soir, un manège qui pourrait être voué à se reproduire.
Mais attention, premières images du jury final. Clap pour Colin et Céline qui doivent faire semblant d’avoir une conversation pénétrante dans leur cottage Center Parks pour accueillir Yannick, et s’étonner que les rouges soient restés solidaires.
De retour dans le jeu, “Voilà de quoi passer ses nerfs”, promet Denis. Un commentaire borderline menaçant, puisqu’une cible, un arc et des flèches ont été livrés sur la plage du camp réunifié. Les aventuriers le savent, c’est la promesse d’une épreuve socialement gênante, où, par design, les candidats auront du ressentiment les uns envers les autres. Et tout de suite, on dit un grand non à Anne-Sophie qui donne un confessionnal-express à la caméra en étant derrière la cible, une grave atteinte à la sécurité dans le tir à l’arc-jutsu.
Je dois vous l’avouer, à leur place, j’adorerai m’entraîner des heures, mais n’ayant aucune force dans les bras, la qualité des tirs n’en serait que décroissante. Faut-il tirer la flèche au niveau des yeux, du nez, du coin de la truffe ? Je n’ai jamais reçu de commentaire consistant sur le sujet. Ce qui est sûr en revanche, c’est que François n’en rate pas une devant la caméra. Elle va où la flèche ? Shtong ! Dans le portrait de Fouzi qui, comme une personne sur deux dans ce jeu, résume sa vie à faire semblant de parler au téléphone en costard, devant un ordinateur affichant sûrement ce qui a été le résultat de “business” sur Google Images. Le “Mbappé de la finance” est-il menacé ce soir ? Eh non, il est rouge, il faut se réveiller un peu même si c’est dur.
Allez Denis-boy, c’est quoi la récompense ? Une nuit, avec “un très bon dîner”. Et, sacrebleu, un coup de téléphone à la famille. Cette récompense sera une punition pour nous. On a failli avoir une épreuve de tir à l’arc sans Claude ou Sam, mais il faudra quand même se fader une séquence particulièrement irritante. Denis prévient, il y aura une malédiction “à déterminer soi-même”, c’est Koh-Lanta Montessori. Notez bien qu’on en saura jamais plus. La malédiction de cette semaine était une construction sociale.
Les dieux de Koh-Lanta daignent sourire sur nous, et twistent cette épreuve trop télégraphée – deux candidats déterminent deux équipes. Le choix est montré in extenso (dans une grammaire de montage, c’est totalement superflu). Mais ils sont 11, et :D JEAN-CHARLES :D doit admettre qu’il n’est pas choisi, et s’en va la queue entre les jambes, siroter de la coco au camp. Et ça fait sincèrement plaisir de voir un candidat qui ne claque pas un caca nerveux dans ce contexte.
Ordoncques… les flèches par équipes, ça signifie qu’on brise celles de l’adversaire, et comme ça il n’y a pas ce spiel du “je prive machin de l’épreuve parce que [raison mal improvisée]”, et c’est pas plus mal. Que les amateurs de rituels superflus se rassurent, les perdants doivent quand même casser leurs flèches avec leurs genoux. Je n’ai rien compris à cette comptabilité de flèches. L’équipe de François triomphe, emmenée par ce dernier.
Le téléphone ne pleure pas, ouf
C’est donc l’heure de se fader les coups de téléphone. On échappe à cette habitude des candidats de se jauger les uns les autres selon leur éventuelle paternité, ouf. Généralement, c’est une phase lénifiante, car on se fiche bien de la famille des candidats. Par contre, on ne refuse jamais des situations un peu cocasses, comme cette vieille saison où le vague plan fesses de quelqu’un s’était ramené faute de mieux. Notamment, Bastien appelle… son ex. C’est un peu bizarre. Il “pense à elle pendant les épreuves” et je suis mi-vaguement amusé mi-pas trop à l’aise. La fine équipe se couche dans de beaux draps, l’âme reposée, et se réveille trempant dans un dégât des eaux de compétition – dehors, c’est la mousson et les fenêtres sont restées ouvertes, pauvres fous !
Ainsi démarre l’épreuve d’immunité, qui est une épreuve de confort pour Benji. C’est l’épreuve mythique© du parcours du combattant, l’occasion de faire une micro-sieste, car il n’y a jamais rien à commenter. Les garçons font un parcours, les filles font un autre parcours, les gagnants en font un troisième. Désolé, je suis toujours plus client d’une bonne épreuve de torture statique – ou un truc un peu physique mais volontairement infernal, ou asymétrique – plutot que dix gonzes qui grimpent sur des bambous.
Mais regardez, Koh-Lanta m’a donné tort ! Les deux finalistes, Bastien et Louana, font une épreuve tout à fait différente – le fameux labyrinthe à l’aveugle. Et cette dernière a une meilleure capacité de cartographie mentale (bravo, ça a toujours l’air ardu, surtout après un mois de privations). Pour Bastien, la sanction est terrible, Louana n’était pas du tout vulnérable sur ce round.
C’est donc la foire aux jaunes, entre Bastien, Olga et Anne-Sophie, Nicolas Gna Gna Gna étant toujours dernier sur la chaîne alimentaire des rouges.
C’est une chance sur deux : Olga vient de trouver un collier. Et il fallait le faire pour Anne-Sophie, qui sort par bête supériorité numérique. Tout ce qui a précédé ce conseil a tenté de nous faire croire d’un soulèvement stratégique, ce qui est toujours utile pour virer une menace à long terme tant qu’il est temps (exemple : François) mais non, la logique clan-ique dominera jusqu’au bout. JC peut se vanter tant qu’il veut d’être nul aux épreuves, il dans la bonne garde prétorienne. Aux suivants : les trois derniers jaunes, puis ce sera probablement Maxime. À moins que les destins liés ne puissent dynamiter un peu les choses, en l’état, les jaunes se font “matinguer”.
À part cela, veuillez noter que
“Jean-Charles, ne prenez pas de risques !!!” Grosse énergie prof de sport exaspéré pour Denis. C’est sans mieux que son commentaire sur les filles “fines et toniques”.
- Céline : “Maxime, c’est l’agent double, c’est 007” – je reste persuadé que Daniel Craig aura duré plus d’épisodes à partir de ce point, top chrono.
- Un épisode riche en effets sonores. Les flèches font “pfffiou”, les candidats qui se tapent dans la main font “diiiiing”, les oiseaux volent et font des bruits de rapaces. On a une section de cordes entières quand Ogla trouve un collier. C’est Koh-Lanta ou les 2 minutes du peuple ? C’est sans doute mieux que le “shaAaaAa”, exotique et relou.
- François a fait un petit malaise vagal. TF1, tout enduit de subtilité, a beaucoup misé sur ce passage pour promouvoir l’épisode. Je note la tentative arty de “faire ressentir l’évanouissement” en mettant un écho sur Ambre à ce moment-là. C’est incroyable, ce n’est plus de la télévision, c’est du cinéma, c’est Avatar 3.
- “J’ai rêvé que je nageais dans un camembert.” C’EST UN CAUCHEMAR ÇA AMBRE.
- Le retour de l’épreuve de dégustation aura lieu la semaine prochaine ! Une blague installée depuis, désormais, 27 recaps pourrait enfin payer. Le 17 mai pourrait devenir un jour de fête nationale dans les récaps Koh-Lanta. On s’y donne rendez-vous !
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Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Ya une erreur dans l'article vous avez marqué Céline au lieu de Pauline