Quelques heures après l’adoption de la loi de bioéthique ouvrant la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, un amendement a créé des remous dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale hier soir.
Dans le cadre du projet de loi confortant le respect des principes de la République, aussi appelé projet de loi « séparatisme », qui vient juste de revenir en deuxième lecture, les députés du Modem ont déposé un amendement visant à interdire le port de signes religieux pour le personnel des bureaux de vote, notamment les assesseurs, qui s’assurent bénévolement que les votants signent la liste d’émargement et tamponnent la carte électorale.
Un air de déjà-vu…
Cela vous rappelle quelque chose ? C’est bien normal. Il n’y a pas si longtemps, fin mars, le Sénat votait l’interdiction du port de signes religieux chez les accompagnantes de sorties scolaires dans le cadre du même projet de loi. D’apparence neutre et visant toutes les religions, l’amendement ciblait bien les mères d’élèves qui portent le voile.
Même si les députés qui l’ont porté s’en défendent, l’amendement porte déjà le doux nom d’« amendement Bardella » en référence à la séquence où l’on a vu le vice-président du Rassemblement national Jordan Bardella, lors du premier tour des élections régionales et départementales, signer la liste d’émargement face à une assesseure qui porte le voile.
Pour les défenseurs de l’amendement, il en va d’une volonté de « sacraliser » le lieu du vote, d’y faire régner une « neutralité totale »,
qu’elle soit politique… ou religieuse, d’après le député Bruno Millienne. Car oui, qu’un ou une assesseure porte un signe religieux, cela présente un risque d’« influence » sur les votants.
Un risque d’influence, vraiment ?
Rien que ça. Rappelons quand même que pour être « influencé », il faudrait déjà que les gens inscrits sur les listes électorales se déplacent dans les bureaux de vote — ce qui vu, les derniers scores d’abstention, n’est pas pleinement le cas, une personne sur trois seulement s’étant rendue au scrutin.
Cet amendement apparaît comme une manœuvre purement opportuniste pour entretenir le climat d’islamophobie ambiante, alors qu’en attendant, rien n’est proposé pour réenchanter la vision de la politique qu’ont les Français et Françaises.
Plusieurs parlementaires ont vivement réagi dont Lamia El Aaraje, qui s’est adressée directement aux parlementaires à l’origine de l’amendement et n’a pas fait mystère de son ressenti :
« Je ne sais pas dans quel pays vous vivez, mais clairement, vous ne vivez pas dans le même pays que moi. Et j’espère que vous avez honte de ce que vous dites : personnellement, vous me donnez envie de vomir. »
Sur Twitter, les réactions ont soulevé l’absurdité de l’amendement, non sans soulagement de le voir rejeté, mais en soulignant à quel point l’islamophobie dicte continuellement l’agenda politique.
D’autant que dans les faits, les assesseurs sont désignés par les candidats d’une élection, comme le rappelle Maître Eolas.
Alors, oui, l’amendement a été retoqué, mais reste qu’une fois de plus, ce sont les femmes musulmanes qui sont stigmatisées sous couvert de protéger une laïcité que certains imaginent menacée.
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Les Commentaires
C'est le pire exemple que tu pouvais prendre ; c'est tout à fait rationnel d'avoir peur de membres du KKK ou de personnes adoptant leurs codes vestimentaires...
Ensuite, les peurs irrationnelles qui deviennent des problèmes publics et font l'objet de politiques publiques, c'est justement une des tendances dangereuses du moment.