Mise à jour du 25 juin 2021 —
Ça ne vous a sûrement pas échappé, celle qui est arrivée en tête partout lors du premier tour de ces élections régionales et départementales ce dimanche 20 juin, c’est… l’abstention. Elle a atteint le taux record de 66,74%, ce qui signifie qu’une personne inscrite sur les listes sur trois s’est déplacée dans son bureau de vote.
Un sondage Odoxa-Backbone consulting pour Le Figaro et France Info montre des raisons variables chez les non-votants : pour 17% d’entre eux, les élections « ne servent à rien » et pour 13% « l’offre politique proposée dans leur région ne leur convenait pas ». Pour presque un quart des sondés, c’est un désintérêt général pour la politique qui a motivé leur choix.
Des solutions à l’abstention ?
Une fois que l’on connait les raisons de l’abstention, quelles sont les solutions pour faire revenir dans l’isoloir ? D’un côté, le vote par Internet séduit largement, autant chez la population globale que chez les abstentionnistes, à 78% et à 80%. La mise en place du vote obligatoire est au contraire beaucoup moins envisagée comme un bon remède à l’abstention.
Abaisser l’âge du vote à 16 ans pourrait-il aussi être un moyen de rebooster la participation au vote ? Pas sûr, puisque le vote des 18-25 ans n’est pas plus élevé que celui du reste de la population.
Mais une fois que l’on a évoqué ces solutions, il est clair qu’un problème de fond demeure. Qu’on oblige à voter ou qu’on offre un moyen en théorie plus pratique de participer à la vie démocratique, un désamour profond pour l’offre politique semble aujourd’hui bien ancré, et avec lui, le sentiment de ne jamais être entendu, et que le vote n’a finalement aucun impact réel, peu importe le parti, la liste, le candidat pour lequel on a glissé un bulletin dans l’urne.
Article publié le 17 juin 2021 —
Vous faites peut-être partie de
celles et ceux qui pensent avoir mieux à faire ce dimanche (et le suivant) que de faire la queue au bureau de vote pour les élections régionales et départementales les 20 et 27 juin ? Ou alors, vous ne savez juste pas trop en quoi votre voix pourrait faire la différence, ni pour qui voter ?
Cet article n’est pas là pour vous shamer, ni pour vous dire quel candidat ou quel parti choisir, évidemment, mais plutôt pour répondre à une question que je me posais moi-même récemment : au fait, que fait la région pour moi ?
À quoi les régions servent-elles et en quoi voter pour tel ou tel candidat peut avoir des conséquences sur ma vie, et par conséquent sur la votre ?
Les élections régionales et départementales, comment ça marche ?
Déjà comment ça se passe ? Qui est élu et comment ?
Ce seront les premières élections régionales depuis le redécoupage en 2016, qui nous a fait passer de 22 à 13 régions. On va voter pour une liste, et non pour un candidat, comme aux municipales. Il s’agit d’un scrutin de liste proportionnel avec prime majoritaire à deux tours.
Pas de panique, c’est finalement assez simple : si une liste obtient la majorité absolue au premier tour, elle aura un quart des sièges du conseil régional et le reste sera réparti à la proportionnelle parmi les listes qui auront obtenu au moins 5% des suffrages.
Autre cas de figure : aucune liste n’obtient la majorité absolue. Il faudra donc voter au second tour et choisir parmi les listes qui ont obtenu au moins 10% des suffrages, qui à l’issue du vote se répartiront les sièges du conseil. La liste qui obtient le plus de voix remporte logiquement le plus grand nombre de sièges et obtient aussi la prime majoritaire. Entre les deux tours, des listes peuvent fusionner afin de s’assurer de remporter un plus grand nombre de sièges.
Pour les conseillers départementaux, c’est aussi la majorité absolue qui s’applique pour remporter le premier tour. En cas de second tour, il faut avoir obtenu 12,5% des voix pour se présenter.
On élit les conseillers régionaux et les conseilles départementaux pour un mandat de six ans.
La région, là où se décide le concret de la vie quotidienne
Bon, mais alors, à quoi servent le conseil régional et le conseil départemental ? À quoi servent les conseillers qui les composent ?
Pour Jill-Maud Royer, 28 ans, candidate sur la liste de Clémentine Autain en Ile-de-France, co-cheffe de file de la section du département des Hauts-de-Seine et militante trans et féministe, la région s’occupe des questions les plus élémentaires qui nous touche de très près :
« Qu’est ce qu’on mange ? Où est-ce qu’on dort ? Comment on se rend au travail ? Ce sont des questions centrales et c’est la région qui y répond. »
Une vision que partage Claire Jacquin, 25 ans, candidate dans le Grand Est sur la liste de l’Appel Inédit conduite par Aurélie Filippetti, étudiante en sociologie et militante féministe :
« La région, c’est finalement ce qu’il y a de plus quotidien dans notre vie : de l’emploi à la jeunesse, des transports au développement de la recherche, des cantines à l’aménagement du territoire. »
Les transports, un enjeu régional
Que cela concerne les lignes de TER ou de bus, que l’on soit usagère ponctuelle pour un week-end, ou régulière pour aller au travail ou à la fac, c’est la région qui gère toute l’organisation des transports chez elle. Des trains mieux équipés et plus accessibles, c’est parce que la région investit. Plus de lignes et plus de villes desservies, c’est parce que la région le décide.
« On s’aperçoit qu’il y a un accès inégal en fonction du lieu d’habitation, de l’âge et de ses conditions socio-économiques », constate Claire Jacquin.
« On peut donc se battre pour une mobilité gratuite pour toutes et tous, par les TER notamment. Très concrètement, ça veut dire conserver toutes les lignes de train, développer le TER et sauver les petites gares. »
Un rôle à tenir dans les collèges et les lycées
En matière d’éducation, les choses sont clairement réparties : les départements s’occupent des collèges, les régions des lycées et des formations en apprentissage, concernant la construction, l’entretien et le fonctionnement des établissements. Et ce n’est pas juste les rénovations des bahuts qui sont en jeu.
Pour Katy Vuylsteker, 34 ans, candidate sur la liste Pour le Climat, pour l’Emploi menée par Karima Delli, militante féministe, élue d’opposition à la mairie de Tourcoing et secrétaire régionale EELV du Nord-Pas-de-Calais, il est aussi possible d’agir à différents niveaux et de façon concrète :
« On n’agit pas sur les programmes, ni sur les salaires des professeurs, mais on peut par exemple décider de la mise en place des protections périodiques gratuites dans les établissements. »
Elle évoque aussi la possibilité de former les chefs d’établissement, les personnels d’éducation sur des questions comme l’inclusion des élèves LGBTI+, et notamment des élèves trans pour leur permettre d’utiliser leur nom d’usage dans leur établissement.
Faire vivre les associations
« La région, c’est aussi un gros pourvoyeur de subventions pour les associations », rappelle Jill-Maud Royer. Et forcément, financer une association au profit d’une autre, cela se base aussi sur des choix politiques.
D’après la candidate francilienne, certains conseils régionaux ont tendance à distribuer des subventions en fonction des projets portés par des associations, grâce à des appels d’offres, « comme si les régions passaient commande ».
On l’a vu à plusieurs reprises, la région peut choisir de financer… mais aussi de se désengager : cela avait été le cas en 2016 en Ile-de-France pour les études de genre qui s’étaient vues retirer leur soutien financier, ou bien en Pays de la Loire, où le festival de cinéma LGBT nantais Cinépride avait perdu sa subvention, accusé de promouvoir la pratique de la gestation pour autrui. L’aide financière avait finalement été compensée par le département de Loire-Atlantique.
En région Auvergne-Rhône-Alpes, ce sont des antennes du Planning familial qui ont perdu des subventions, ce qui a eu un impact grave sur leurs fonctionnements.
De son côté, Katy Vuylsteker propose par exemple de « mettre les lunettes de l’égalité » pour conditionner les subventions en fonction de la prise en compte de l’égalité homme/femme et de la lutte contre les inégalités dans les projets des associations. Un choix que pousse aussi Claire Jacquin :
« On pourrait très facilement mettre en place une subvention conditionnée à la mise place des dispositifs pour lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles. Cela demande donc de former les différents acteurs, de les accompagner et conseiller : la région peut le faire, elle en a les moyens. »
Des décisions capitales
À bien des niveaux, la région et le département peuvent donc changer notre vie de tous les jours : « La région peut mettre en place la gratuité des transports pour les moins de 25 ans ou au contraire pas de gratuité du tout, et ça fait une grande différence », insiste Jill-Maud Royer.
« On a vu les files d’attentes pour l’aide alimentaire pendant la crise sanitaire, elle a les compétences pour faire baisser son budget ou pour le multiplier par dix dans des situations d’urgence. »
Katy Vuylsteker insiste sur la nécessité de se prononcer sur qui va nous représenter au niveau régional :
« Selon un sondage dans ma région, les hommes votent à 50% et les femmes à 34%, ça veut dire que les hommes choisissent pour vous ! Et on sait que quand les hommes votent, c’est dans une idée de gain immédiat, alors que les femmes votent en pensant au long terme, et c’est ça qui peut améliorer durablement la société. »
Et au vu du contexte actuel, il parait nécessaire à la candidate des Hauts de France de penser à l’impact de son vote dans une optique féministe :
« Les femmes se rendent compte aujourd’hui qu’elles vivent dans une société patriarcale, alors allez voter, si vous voulez des politiques d’insertion, d’aide à la parentalité, de lutte contre les violences sexistes et sexuelles ! »
Et il ne s’agit pas que de voter tous les six ans pour Claire Jacquin :
« Il faut donc concerter véritablement, de manière régulière et enfin entendre ce que les habitantes et habitants ont à dire, et pas seulement en période électorale. Les politiques doivent devenir des portes-paroles. Ce sont les habitantes et habitants qui connaissent leur territoire, qui en subissent les inégalités, qui vivent leur réalité au quotidien. »
Alors, on se voit au bureau de vote dimanche ?
À lire aussi : Lettre ouverte à mon père, qui ne veut plus voter
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Les Commentaires
Car des articles ou ressources qui expliquent en profondeur le rôle des conseils régionaux / départementaux, soyons honnêtes, il y en a beaucoup (et c'est assez accessible en une recherche sur google)
C'est pour ça que je voulais plutôt proposer des choses qu'on ne lit pas ailleurs, par exemple la possibilité de mettre en place des formations pour lutter contre les violences sexistes / LGBTIphobes , et faire des petits rappels sur le fait que le financement de certaines associations dépend des régions. Mais comme tu le dis très bien, le département et les régions ont des rôles hyper concrets à beaucoup d'autres niveaux dans nos vies !