« Ce qui se joue actuellement au sein du Sénat est la mise en place de lois liberticides, on veut nous priver d’exister auprès de nos enfants, dans l’espace public pour certaines, dans les universités pour d’autres. »
C’est pour exprimer leur colère et leur ras-le-bol, mais aussi pour appeler à un sursaut de toutes et tous contre l’islamophobie, que trois Strasbourgeoises, Imane, Mona et Amel, ont lancé cette semaine le hashtag #PasToucheAMonHijab.
Alors que la loi « séparatisme » a été adoptée au Sénat ce lundi 12 avril, beaucoup s’inquiètent de nombreux amendements aux relents racistes et islamophobes : interdiction des drapeaux non français ou non européens au mariage, interdiction du port du voile pour les accompagnatrices de sorties scolaires, dissolution des associations qui organisent des réunions en non-mixité…
Le processus législatif n’est pas encore terminé, car l’Assemblée nationale doit encore réexaminer le texte en deuxième lecture. Mais face à ce durcissement, des réactions venues de l’étranger ont donné l’envie de se mobiliser à ces trois jeunes femmes de confession musulmane, internes en médecine et étudiante en histoire des mondes musulmans, comme l’explique Imane à Madmoizelle :
« Il y a cette obsession de la femme musulmane et même de la femme en général, ce besoin incessant de dicter des normes qu’elle devrait respecter, et on dit stop à cela. »
De #HandsOffMyHijab à #PasToucheAMonHijab
Si le hashtag #HandsOffMyHijab a d’abord émergé à l’étranger pour alerter sur la situation en France, ce n’est pas complètement un hasard.
« Vous savez, si la France a encore aujourd’hui un problème avec le voile islamique, c’est dû à son passé colonial qu’elle a encore aujourd’hui beaucoup de mal à assumer », rappelle Amel.
« Les femmes portant le voile dérangeaient déjà les colons il y a 200 ans. Il y a une volonté de dévoiler pour mieux régner, c’est cette mentalité qui a mené à la première “cérémonie de dévoilement publique” en 1958 à Alger et c’est cette même mentalité qui encore aujourd’hui tente de nous priver de nos droits fondamentaux. »
Une histoire qui a encore des répercussions aujourd’hui
dans un pays qui se targue toujours d’être celui des droits de l’Homme, comme l’explique Imane :
« En 2021 encore, certaines personnalités politiques publiques renient le terme d’islamophobie, jugeant qu’il est autorisé de critiquer l’islam ou qu’on ait le droit d’avoir peur de cette religion. Cela peut paraître légitime jusqu’au moment où cette peur se transforme en attaque physique et verbale, ou cette critique se transforme en lois discriminatoires visant à nous stigmatiser et nous effacer de cette société. »
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Inspirées par le hashtag repris depuis début avril par de nombreuses influenceuses, mannequins, ou entrepreneuses, les trois étudiantes veulent créer un élan contre l’islamophobie en France : « Nous avons décidé à notre tour de traduire le hashtag #PasToucheÀMonHijab pour atteindre la communauté francophone car c’est aussi et surtout notre cause. » Elles ont opté pour le « pas touche » au « touche pas » :
« C’est pour montrer notre exaspération, l’expression est plus familière, plus éloquente : “C’est notre choix donc pas touche!” »
Un hashtag pour créer de la solidarité
Sur le compte Instagram Voix.le, Imane, Mona et Amel expliquent que leur mobilisation concerne tout le monde et pas seulement les femmes qui, comme elles, portent le voile :
« Nous espérons par cela un soutien de tous les Français, peu importe le genre, l’ethnie, la religion, foulard ou pas foulard, qu’ils mènent tous ce combat avec nous, celui de la liberté de choix, de la jupe courte à la jupe longue, du burkini au bikini, du droit de disposer de son corps tout simplement. »
Constatant tous les jours qu’on parle beaucoup d’elles sans jamais leur laisser la place, elles sont déterminées à reprendre la parole et à s’exprimer par elles-mêmes pour lutter contre des lois qui sont faites sans les consulter :
« Les seules personnes qui se pensent légitimes de parler à notre place sont des hommes blancs en costume cravate qui ne nous prennent pas en compte voire qui nous infantilisent, adoptant une attitude patriarcale : “Ça tu peux, ça tu peux pas, mais tu sais, c’est pour ton bien.” C’est eux qui nous oppressent. »
Comme Louz, militante féministe qui témoigne sur Madmoizelle dans une tribune contre l’islamophobie, elles dénoncent aussi cette obsession française du voile qui les enferme dans des cases et surtout qui banalise les violences à leur encontre :
« Nous espérons être considérées, c’est vraiment le mot, être considérées en tant que personne à part entière, des personnes qui méritent d’être entendues, de participer au débat public. Nous sommes médecins, pharmaciennes, scientifiques, avocates, professeures, ingénieures, étudiantes et françaises, nous ne sommes pas un vêtement. Nous sommes assez dotées d’intelligence et de raison pour que nous puissions décider de la façon de nous vêtir. C’est ça, l’émancipation. »
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