Tout est parti d’un tweet. Ou plutôt de la réponse qui lui a été faite.
Quand le vice-président du Rassemblement national attaque une candidate LREM voilée
Ce lundi, Jordan Bardella, vice-président du Rassemblement National (RN) et candidat aux élections régionales en Île-de-France, s’illustrait par un sous-entendu nauséabond en postant un visuel de campagne de la liste LREM (La république en marche) dans le cadre de l’élection départementale à Montpellier sur lequel apparaissent quatre personnes, les deux candidats et leurs remplaçants. Parmi eux, Sara Zemmahi, qui porte le voile.
Encore un jour, encore une preuve que le RN est un parti raciste et islamophobe. L’affaire aurait pu s’arrêter là… si le délégué général LREM n’avait pas choisi d’y répondre.
D’emblée, on imagine le responsable politique défendre les colistiers — et même, pourquoi pas, défendre cette équipe représentative de la diversité et de la richesse de la société française.
Que nenni. En deux phrases, Stanislas Guérini valide le propos de Jordan Bardella et intiment aux candidats de changer de visuel :
« Les valeurs portées par LREM ne sont pas compatibles avec le port ostentatoire de signes religieux sur un document de campagne électorale. Soit ces candidats changent leur photo, soit LREM leur retirera leur soutien. »
À quelques semaines d’une élection, on apprend donc qu’une femme qui porte le voile n’a pas sa place sur une affiche de campagne. Car si le voile n’est pas à proprement parler désigné, il est clair que d’autres signes ostentatoires sont bien moins sujet à débat ou à polémique :
Sur l’affiche où elle apparaît, Sara Zemmahi ne porte pas atteinte à l’ordre public, ni ne contrevient au principe de neutralité qui s’applique, rappelons-le aux agents du service public : en tant que candidate à une élection, elle est en droit de montrer son appartenance religieuse.
Le retour d’un débat déjà clos
D’ailleurs, cette question a déjà été tranchée il y a dix ans. Lors des élections régionales de 2010, une candidate du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Ilham Moussaïd, avait suscité beaucoup de réactions de tous bords politiques. À droite comme à gauche, sa présence sur les listes était vue comme une provocation.
Du côté des associations féministes, ce sont carrément des plaintes qui ont été déposées contre le NPA } notamment par Ni Putes, Ni Soumises, dont la présidente avait qualifié l’investiture d’Ilham Moussaïd d’ « anti-laïque, anti-féministe et anti-républicaine ».
Saisi, le Conseil d’État avait finalement tranché en considérant que :
« La circonstance qu’un candidat à une élection affiche son appartenance à une religion est sans incidence sur la liberté de choix des électeurs et ne met pas en cause l’indépendance des élus ; qu’aucune norme constitutionnelle, et notamment pas le principe de laïcité, n’impose que soit exclues du droit de se porter candidates à des élections des personnes qui entendraient, à l’occasion de cette candidature, faire état de leurs convictions religieuses. »
Quand LREM fait du RN
Et pourtant, en 2021, l’affaire ne semble pas complètement réglée : un responsable LREM n’hésite pas à abonder dans le sens du Rassemblement national,
lorsque ce dernier s’en prend une fois de plus à la communauté musulmane, au lieu de défendre une militante et candidate de son parti. Le tout sous couvert de défense de la laïcité et des principes républicains, bien sûr… On remet une pièce dans la machine comme si de rien n’était et on s’engouffre dans l’agenda islamophobe du RN sans sourciller.
Dans les rangs mêmes de LREM, des élus ont affirmé leur désaccord avec Stanislas Guérini, dont Coralie Dubost :
Les colistiers LREM Hélène Qvistgaard et Mahfoud Benali ont fait part de leur stupéfaction, s’étonnant que tout soit parti de leur propre camp politique, et ont défendu leur remplaçante auprès de Mediapart. Cette photo de campagne est, selon leurs mots « à l’image de la République et de ce qu’on veut représenter » ; c’est une représentation politique enfin « à l’image de la société. »
S’il a reconnu une maladresse en répondant au RN sur Twitter, Stanislas Guérini assume entièrement sa position : il a annoncé ce 11 mai que l’investiture de Sara Zemmahi a été retirée.
Il n’en fallait pas plus pour qu’une fois encore une polémique raciste instrumentalisant le port du voile secoue la classe politique. Et qu’à nouveau, les femmes musulmanes qui le portent se retrouvent à se justifier.
S’ajoute aussi la facilité avec laquelle beaucoup de médias s’emparent de l’affaire sans désigner Sara Zemmahi par son nom, mais en parlant perpétuellement d’« une femme voilée ». Sara Zemmahi porte le voile, mais elle est aussi militante dans un parti politique, ingénieure, membre d’une association de soutien scolaire !
Comme le clamaient déjà haut et fort les créatrice du hashtag #PasToucheÀMonHijab, les femmes qui portent le voile en ont assez d’être réduites à un vêtement et qu’on les brandisse comme des épouvantails comme si elles incarnaient une menace insidieuse sur les fondements et les valeurs de notre société.
À lire aussi : Le Sénat vote l’interdiction du port du voile en sortie scolaire, ce serpent de mer de la droite
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Les Commentaires
Sara Zemmahi était la candidate par-faite pour renvoyer le RN dans ses buts et commencer à rallier les électeurs centre-gauche tout en coupant l'herbe sous le pieds du FI.
- Reconnaître son voile et ainsi appuyer sur le fait que "non, non on a rien contre les musulmans la preuve"
- mettre son parcours en avant et vanter "les bienfaits de l'école républicaine" (coucou JM)
- appuyer son engagement dans un parcours politique démocratique et citoyen et dire aux passage "vous voyez c'est le RN qui instrumentalise la laïcité c'est pas bien pas bien".
Ils sont passés à ça de se refaire un vernis d'acceptabilité.