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Santé

« Je n’ai jamais été aussi heureux » : pour certains ados qui s’automutilent, les confinements furent salvateurs

La crise sanitaire a fait grimper les statistiques d’anxiété et de dépression. Mais pour les adolescents qui pratiquent l’automutilation, les périodes de confinement ont pu représenter des pauses bénéfiques à leur santé physique et mentale. 
Attention, contenu sensible

Cet article évoque l’automutilation, le viol, le harcèlement et les tentatives de suicide.

« Je n’ai jamais été aussi heureux que durant les périodes de restrictions. »

C’est le sentiment qui domine sur les groupes d’entraide pour les personnes ayant un rapport compulsif à l’automutilation. Surprenant au premier abord : une étude parue le 9 octobre 2021 dans The Lancet et reprise par Le Monde a montré que les diagnostics de dépression et les troubles anxieux ont augmenté de 26% et 28% dans le monde au cours de l’année 2020. Et les adolescents (12-20 ans) ont été 30% environ plus touchés que leurs aînés par cette pandémie de l’ombre, celle des troubles psychiques.

Alors, pourquoi cette période semble-t-elle avoir été bénéfique pour les jeunes qui pratiquent l’automutilation ?

Des adolescents et adolescentes concernées se sont prêtées au jeu d’entretiens sur la manière dont ils ont vécu personnellement ces périodes de restrictions après un appel que j’ai lancé sur un forum Reddit. Les échanges se sont faits par avatars et pseudos interposés, rappelant l’atmosphère des confinements.

Le confinement, une pause dans l’automutilation

Certains adolescents interrogés ont confié que leur santé mentale s’est dégradée durant les périodes de restrictions. « J’ai fait ma première crise de panique pendant le premier confinement », avance Jérémy*. Pour d’autres, c’est une période où la pression s’est relâchée.

« Pendant quelques mois, je n’avais plus à penser aux relations sociales, ni à l’école qui me stresse beaucoup » confie Alice*, une Française de 17 ans. Elle reprend :

« C’est comme si le monde s’était arrêté et que j’avais enfin le temps de respirer, de me reposer sans culpabiliser de ne rien faire de mes journées. »

Ces jeunes ont pu se retrouver et faire le point sur leur vie, sans perturbations extérieures — d’autant plus salvateur qu’une partie d’entre eux subissent du harcèlement à l’école. C’est le cas de Kevin* qui vit aux États-Unis, harcelé à cause de sa transidentité :

« Je me scarifie tous les jours mais nettement plus les jours d’école. »

La diminution des scarifications — et de toutes les autres formes d’automutilation comme les griffures, se cogner une partie de son corps ou les brûlures — pouvait aussi avoir des causes plus pragmatiques. Ainsi, Agathe*, 16 ans et venant des Pays-Bas, a diminué la fréquence selon laquelle elle se fait du mal car ses parents étaient en permanence à la maison durant les périodes de confinement. 

L’automutilation, une pratique qui cache de graves troubles psychiques

Certains de ces jeunes qui se font du mal ont des particularités psychologiques pouvant expliquer que les confinements aient eu un impact positif sur leur santé mentale.

Selon Pedro Sanchau, docteur en psychologie cognitive, l’automutilation « apparait dans les pathologies qui sont liées à des émotions extrêmement fortes comme la maltraitance, négligence, l’inceste, les stress post-traumatique ou les troubles de la personnalité ».

Nombre d’interrogés et interrogées ont affirmé être atteints de ces troubles. Marie, Néerlandaise de 21 ans — la plus âgée des intervenantes, à l’avatar tout de noir vêtu — a été abusée pendant plus de dix ans et violée à de multiples reprises. Elle a développé un trouble de stress post-traumatique, des troubles de l’attachement et a tenté plusieurs fois de se suicider.

Elle a commencé à se faire du mal après avoir appris que des amies le faisaient dans une période où elle avait besoin d’extérioriser ces souffrances mentales. Son rapport « tardif » à l’automutilation s’explique par l’intensité de ces troubles psychiques, notamment les traumatismes, caractéristiques des adultes qui se font du mal.

Sans-titre
Anh Nguyen / Unsplash

Plusieurs raisons peuvent amener les personnes à se scarifier. « La première est la diminution de la douleur mentale par la douleur physique » selon Pedro Sanchau : « Cette douleur est moins importante que leur douleur psychologique ». De plus :

« C’est une façon d’appeler à l’aide et de montrer que l’on va mal aux autres. C’est une stratégie de gestion des émotions qui peut venir spontanément à quelqu’un ou qui peut être apprise en imitant d’autres personnes le faisant. »

Les confinements ont pu avoir des effets bénéfiques sur la compulsion des personnes qui s’automutilent car « l’extérieur amène une nombre de stresseurs importants que l’on peut éviter chez soi » — toujours selon Pedro Sanchau.

Un difficile retour à la vie post-confinement

Le retour à la vie « normale » a eu des effets contrastés pour les interrogés. D’un côté, il a permis à une partie de ces jeunes de se réintégrer dans la société, de retrouver des interactions sociales nécessaires au bon fonctionnement psychologique — « J’ai besoin de fonctionner en société » affirme Yannis* d’Alger. Mais pour d’autres, le retour de bâton est violent.

Depuis la fin des restrictions, Alice « va très mal » : elle a des « pensées suicidaires tout le temps ». Quand elle est en cours, elle ne « pense qu’à se mutiler ».

Stephen*, sans avatar sur l’application, explique son besoin de « faire couler le sang plutôt que les larmes » ; il se scarifie quotidiennement depuis qu’il s’est sauvé d’une thérapie de conversion de masse organisée par l’Église de son pays, la Nouvelle-Zélande. Maintenant que les confinements sont levés, des membres de cette organisation le poussent à la réintégrer, ce qui l’angoisse beaucoup.

À 15 ans, Kristen*, Danois, lui qui n’a « jamais été aussi heureux que durant les confinements », n’a plus de rêves depuis car « Je pense que je me serais tué d’ici là » . 

Laissons le mot de la fin à Pedro Sanchau. Selon le médecin :

« Les confinements ont parfois permis aux gens de se rendre compte à quel point il était mal dans leur vie à l’extérieur. Se rendre compte de ses problèmes est la première pierre pour avancer dans la voie de guérison mentale.

Quand on s’automutile, le mieux est de consulter car la question est complexe. »

Automutilation : quelques ressources

Si vous êtes concernée par la scarification et que vous avez besoin d’aide, ou si vous connaissez quelqu’un dans ce cas, des ressources existent.

Les professionnels de la Maison des Ados, les médecins généralistes sont en capacité de vous écouter. Le site Allô Écoute Ado dispose d’un forum et d’un numéro de téléphone gratuit (06 12 20 34 71). Des membres de leur équipe vous écouteront anonymement et sans vous juger.

*Tous les prénoms ont été modifiés

À lire aussi : J’ai 29 ans, je m’automutile, mais je me soigne

Crédit Photo : Anthony Tran / Unsplash

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