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Léontine Behaeghel
Psycho

« J’ai vécu enfermée, isolée pendant neuf mois » : Léontine Behaeghel nous raconte sa relation d’emprise avec son parrain de 60 ans

Dans « Cinq petites tristesses » (éd. Robert Laffont), Léontine Behaeghel revient sur la relation qu’elle a entretenue avec son parrain alors qu’elle avait 19 ans et lui 60, et sur le retentissement qu’elle a eu sur sa famille. Elle s’est confiée à Madmoizelle.

Qu’est-ce qu’une relation d’emprise ? 

Alors que les récentes prises de parole de Judith Godrèche et d’Isild le Besco mettant en cause les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon ont mis en lumière ce concept d’« emprise » qui caractérisent certaines relations toxiques, au rapport de force déséquilibré, voire violentes, le témoignage de Léontine Behaeghel s’avère être une ressource précieuse. 

À l’âge de 24 ans, cette jeune journaliste vient de sortir aux éditions Robert Laffont Cinq petites tristesses, son premier roman autobiographique dans lequel elle raconte la relation d’emprise qu’elle a nouée avec son parrain Gilles. Elle avait alors 19 ans, lui 62. 

« J’avais des oeillères, je ne voulais écouter personne »

« Quand j’étais adolescente, j’étais une fille assez sage, se souvient Léontine. Je me sentais très en retard par rapport à mes copines. » 

« Très immature » de son propre aveu, en conflit avec sa famille, Léontine – renommée Léonie dans le roman – rêve d’une grande histoire d’amour romanesque et « d’une porte de sortie de cette vie qui ne [lui] convenait pas ». C’est à ce moment que Gilles, son parrain qu’elle n’avait pas revu depuis qu’elle était toute petite, surgit dans sa vie et lui fait miroiter ce dont elle rêvait. « Il me fait croire à une vie de liberté et d’indépendance en voulant m’extraire de chez mes parents. »

« Une relation d’emprise commence souvent comme ça : par une fragilité. » Gilles, le parrain de Léontine, profite aussi de sa jeunesse, de son inexpérience des relations amoureuses, pour prendre l’ascendant sur elle, et la couper progressivement de ses proches, de sa famille. Elle raconte : 

« Bien sûr, je sentais qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas, ne serait-ce que par la différence d’âge. Quand on a 19 ans, qu’on est avec un homme qui a deux enfants, qui est divorcé, qui en a 60, on sait bien qu’on n’est pas dans une relation complètement normale, évidemment. »

Pourtant, Léontine poursuit cette relation malgré tout. Et surtout malgré elle. « J’avais des oeillères, je ne voulais écouter personne, ce qui est le cas de beaucoup de gens qui sont sous emprise. »

Contre l’avis de ses parents, qui ont découvert cette relation, Léontine quitte Paris pour emménager avec son parrain à Lille. « J’ai vécu enfermée, isolée pendant neuf mois. »

Une relation violente et abusive

Léontine rapporte que c’est à partir du moment où elle a emménagé chez son parrain que leur relation a commencé à fortement se dégrader : 

« On se disputait énormément. Il y a eu quelques éléments qui ont commencé à me faire peur. Quand on se disputait, j’allais m’enfermer dans une pièce, et lui a fini par ne plus le supporter. Il ne supportait pas le fait que je puisse avoir une intimité et que je puisse m’enfermer à clé dans une pièce. Il a fini par retirer toutes les poignées de porte de toute la maison. »

C’est aussi avec cet homme que Léontine va avoir sa première expérience sexuelle, sans préservatif, durant laquelle il va lui transmettre une infection sexuellement transmissible (IST). Une découverte de la sexualité brutale, qui culmine lors d’un viol qu’il lui fait subir quelques semaines plus tard. 

« J’étais jeune, je me rendais compte qu’il y avait un problème », raconte Léontine. Mais la domination que son parrain exerce sur elle l’empêche de se défendre, de se protéger, ou tout simplement de fuir. 

« Je n’avais pas le permis donc je ne pouvais pas me déplacer sans lui. J’étais dépendante financièrement… »

Isolée, sans nouvelle de sa famille, de ses ami·es, elle se trouve dans l’incapacité de le quitter. 

« Quand on vit une relation comme celle-là, on a une période de dissociation. La compréhension met du temps à arriver. »

Heureusement pour Léontine, elle a fini par s’extirper de cette relation abusive et recouvrer sa liberté. 

« Ma chance dans cette histoire a été que mon entourage a tout de suite compris ce qu’était un pervers narcissique, de l’emprise, un viol. Même s’il y avait déjà eu #MeToo, je ne me rendais pas compte que ça pouvait m’arriver. 

Une relation d’emprise est quelque chose qui se passe en souterrain, qui n’est pas toujours visible et qui est très compliquée à comprendre pour beaucoup. C’est vraiment une zone grise très compliquée. »

À lire aussi : Comment reconnaître (et échapper à) un pervers narcissique ?

Écrire pour se libérer 

Mais après le sentiment intense de liberté qu’elle a ressenti après la fin de sa relation toxique, la chute a été difficile pour Léontine. 

« Deux ans après, j’ai eu une espèce de déclic hyper violent. Tout est retombé. Je me suis sentie du jour au lendemain être une victime. Auparavant, je l’avais supprimé de mon esprit, mais là, j’avais envie qu’il paye. »

Commence alors un nouveau combat pour Léontine : 

« J’ai porté plainte. C’était vraiment pour prouver à ma famille et surtout à ma mère que l’histoire était totalement terminée, que je n’y retournerai plus jamais. C’était une manière de mettre vraiment un point final à la relation. »

Quatre ans après le début de la procédure, elle est aujourd’hui en attente de savoir si un procès aura bien lieu, ou si un non lieu. Ce qui arrive encore bien trop souvent : d’après le ministère de la Justice, 70% des affaires de violences sexuelles traitées en 2016 ont été classées sans suite. Lorsqu’il y a une plainte déposée pour viol, un tiers des mis en examen a bénéficié d’un non-lieu total.

C’est aussi pour cette raison que Léontine Behaeghel a décidé d’écrire son histoire : pour se la réapproprier, même si le processus d’écriture n’a pas été facile. 

« Il y a aussi une forme de catharsis et de libération. Je ressentais aussi un besoin d’obligation de sortir cette histoire de moi et de pouvoir la partager avec les autres. »

Cinq petites tristesses de Léontine Behaeghel, éd. Robert Laffont, 224 pages.

Violences conjugales : les ressources

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