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Féminisme

« J’ai dû voir 4 ou 5 gynécos » : être une femme qui veut se faire stériliser reste une galère

Depuis 2001, toute personne majeure peut se faire stériliser. Mais cette méthode de contraception reste peu connue et y accéder peut s’avérer être un véritable parcours du combattant.   

Le 23 août 2021

Non, la maternité n’est pas une évidence. En France, 4,3% des femmes n’ont pas d’enfants et ne souhaitent pas devenir mères, selon les données de l’enquête Fecond réalisée par l’Ined.

Certaines personnes éprouvent très tôt ce non-désir de maternité, d’autres sont déjà mères mais ne veulent pas d’autres enfants. Et heureusement, il existe un moyen définitif permettant de ne pas ou ne plus tomber enceinte : la stérilisation volontaire

Mais en 2013, seules 3,2% des Françaises de 18 à 44 ans ont eu recours à la stérilisation, d’après des données de l’Ined : encore minoritaire, cette méthode de contraception légalisée en 2001 reste peu connue et son accès difficile. Explications. 

Petit point sur la stérilisation définitive à visée contraceptive

La loi du 4 juillet 2001 relative à l’IVG et à la contraception autorise toute personne majeure à se faire stériliser si elle le désire — et ce, peu importe son âge, son statut marital et si elle a déjà un ou des enfants.

La procédure à suivre est, sur le papier, assez simple. Une première consultation d’information doit avoir lieu avec un ou une gynécologue (si la patiente a un utérus) pour s’assurer que la volonté de la personne est « libre, motivée et délibérée ». Un délai de réflexion de quatre mois doit ensuite être respecté avant de consulter une deuxième fois. Sûre de son choix, la personne doit ensuite confirmer par écrit sa volonté d’accéder à la stérilisation et une date d’opération peut être fixée.

Certains gynécologues demandent une attestation d’un ou une psychiatre pour s’assurer de l’état de santé mentale de leur patiente, mais ce n’est pas obligatoire. 

En pratique, la stérilisation dite féminine consiste à oblitérer les trompes pour empêcher les spermatozoïdes de rejoindre les ovocytes. Sophie Gaudu, gynécologue obstétricienne à l’hôpital Bicêtre, explique :

« L’opération est réalisée par coelioscopie [de petites incisions dans l’abdomen, NDLR] sous anesthésie générale. Plusieurs techniques permettent de fermer les trompes : soit on les lie, soit on les coupe, soit on met des clips.

Dans tous les cas, les spermatozoïdes sont bloqués mais le fonctionnement ovarien n’est pas impacté et les patientes ont toujours leur règles. »

Jusqu’en 2017, l’occlusion progressive était possible via l’installation des implants contraceptifs Essure dans chaque trompe, mais ceux-ci ne sont plus commercialisés. 

Une fois l’intervention terminée, la stérilisation est directement effective, contrairement à la vasectomie (après laquelle les personnes opérées doivent attendre de ne plus produire de spermatozoïdes pour être stériles).

Sophie Gaudu précise que l’acte est remboursé, rapide et peu risqué — mis à part les risques inhérents à toute opération et/ou anesthésie générale.

Dans la réalité : un parcours du combattant

Étant définitive, la stérilisation contraceptive s’adresse aux personnes sûres de ne pas vouloir d’enfants. Pour Claire, 30 ans, cette évidence s’est manifestée très tôt :

« J’ai toujours su que je ne souhaitais pas devenir mère. Alors que j’étais sous contraceptifs, je suis tombée enceinte trois fois et ai donc avorté. J’ai cherché une solution définitive pour ne plus que cela m’arrive. »

Claire n’avait jamais entendu parler de la stérilisation et a découvert cette contraception par hasard, en se rendant dans un centre du Planning Familial. Sophie Gaudu avance :

« Il est vrai qu’on en parle rarement aux patientes, surtout si elles sont jeunes. En Angleterre, les praticiens ont une liste de tous les moyens contraceptifs qu’ils doivent obligatoirement évoquer avec leur patientèle. Disons que chez nous, la posture du corps médical c’est plutôt “je sais ce qui est bon pour vous”… »

Une femme discutant avec sa gynécologue.
Mart Productions / Pexels

Bien que la stérilisation soit un droit, certains praticiens peuvent se montrer réticents à pratiquer cette opération, comme le déplore Claire.

« J’ai dû voir quatre ou cinq gynécos avant d’obtenir gain de cause. Untel m’a dit que j’étais trop jeune, un autre qu’il ne faisait pas l’opération sur des femmes nullipares [ndlr : n’ayant jamais enfanté], un autre que j’allais le regretter et lui coller un procès…

C’est assez étrange de devoir se justifier et expliquer ce droit à un professionnel de santé, sachant qu’il y a un consentement écrit et un délai de réflexion. »

Légalement, un praticien a le droit de refuser de pratiquer une stérilisation mais il doit rediriger sa patiente vers un confrère ou une consœur. 

Face à la frilosité du corps médical, un groupe Facebook baptisé « Stérilisation volontaire » propose à ses membres de recenser les professionnels et professionnelles de santé qui respectent la loi et stérilisent des femmes, même jeunes, même nullipares.

« Je suis sûre de moi »

Une femme qui ne veut pas ou plus tomber enceinte, ça paraît tellement étrange pour certains qu’elle le regrettera forcément. Léia*, 22 ans, tempête :

« Comme je suis jeune, tout le monde me disait que j’allais changer d’avis. J’ai trouvé ça très infantilisant ! Si j’ai fait toutes ces démarches et cette opération, qui n’est pas rien quand même, c’est parce que je suis sûre de moi. »

Contrairement à Claire, la jeune femme a trouvé du premier coup une gynécologue acceptant de l’opérer — « je sais que c’est une chance », reconnaît-t-elle. Aujourd’hui, elle se sent « libérée d’un poids » et est « fière » d’être parvenue au bout de la procédure. 

Des freins d’autant plus insupportables que même si certaines femmes stérilisées pourraient, après l’opération, vouloir un enfant, cela reste possible, comme l’explique Sophie Gaudu :

« On peut toujours essayer de réparer les trompes par voie chirurgicale mais l’efficacité de cette opération est incertaine. Par contre, les femmes peuvent adopter ou recourir à la procréation médicalement assistée via la méthode de fécondation in-vitro. »

Ah, la fameuse injonction à la procréation…

La stérilisation est définitive, faire des enfants l’est tout autant. Seulement, l’une est pratique minoritaire et l’autre est une norme. Claire nous confie :

« Pour ma mère, c’est très difficile d’accepter que je ne voulais pas d’enfants — ou, comme elle le dit, qu’elle n’aurait jamais de petits-enfants. À ce jour, je ne lui ai toujours pas dit que je me suis fait opérer. »

De son côté, Sophie Gaudu aimerait que les mœurs évoluent, même au sein du corps médical :

« La France est l’un des pays qui utilise le plus la contraception médicalisée temporaire comme la pilule ou le DIU (“stérilet”), car on reste dans l’idée que les femmes doivent pouvoir concevoir. Je pense qu’il faut laisser le choix aux femmes et que la norme devrait d’avantage être la non-procréation que l’inverse. »

Si le choix de devenir stérile est avant tout personnel, il revêt, par certains aspects, une dimension politique, soutient Claire :

« Vu la société dans laquelle on vit, vouloir s’extraire de la norme de la maternité me paraît nécessairement être un acte militant. »

Même son de cloche chez Léia*, qui n’hésite pas à parler autour d’elle de cette méthode contraceptive.

« Il y a un cruel manque d’information sur le sujet. Je pense que ça devrait être enseigné à l’école lorsque l’on aborde la contraception, ça limiterait d’autant plus les risques que des gens changent d’avis. »

En 2021, il est plus que temps d’apprendre aux femmes qu’elles ont le droit de disposer de leurs corps, et de faire respecter ce droit par tous et toutes, y compris les professionnels de santé.

À lire aussi : J’ai fait ligaturer mes trompes à 28 ans, car je ne veux pas d’enfants !

Crédit photo : RODNAE Productions / Pexels

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Les Commentaires

7
Avatar de Horion
18 janvier 2022 à 18h01
Horion
Oh d'ailleurs pour la stérilisation j'ai quelques petites anecdotes...
Je suis un mec trans (c'est important pour la suite ). Avant 2017, des qu'on commençait une transition, pour obtenir son changement d'état civil en homme, on devait être stérilisé. Donc hystérectomie obligatoire (et en plus ils avaient pas le choix c'était complète donc avec ovariectomie ce qui obligeait à prendre de la testostérone toute sa vie, on est un certain nombre à l'arrêter après quelques années).
Maintenant, c'est la galère la plus totalement comme pour les femmes cis.
À 30 ans, sans enfant et atteint d'endometriose et du syndrome des ovaires polykystiques, je veux faire une hystérectomie sans enlever les ovaires et...c'est la galère ! Heureusement que j'ai de l'endo parce que c'est finalement ce qui va le plus me servir pour l'obtenir.
Car les discours "mais si vous voulez des enfants" j'en peux plus. Si je voulais des gosses à 30 piges, je viendrais pas demander une hyste...
L'impression que quand c'est pas le corps médical qui décide pour toi, de toute façon toutes les décisions que l'on voudra prendre seront une galère ultime.
Courage à toute (et tous)
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