Cet article révèle toute l’intrigue du film Happiest Season, dénouement compris.
Noël est en avance cette année ! Sorti fin novembre sur la plateforme Hulu, Happiest Season (tristement traduit par Ma belle-famille, Noël et moi) est maintenant disponible en France.
Happiest Season (Ma belle-famille, Noël et moi) est disponible sur Amazon Prime Video, en location (4,99€) ou à l’achat (9,99€), ainsi que sur Google Play en location (3,99€) ou à l’achat (11,99€). Il est également disponible pour la clientèle SFR.
Happiest Season, la rom com lesbienne tant espérée ?
Comme beaucoup, je trépignais d’impatience à l’idée de voir Happiest Season — et pas seulement parce qu’une rom com lesbienne de Noël était une promesse plus qu’enthousiasmante. Il suffisait de voir le casting pour être conquise par ce film avant même de l’avoir visionné : Kristen Stewart, Mackenzie Davis, Aubrey Plaza et surtout la réalisatrice et scénariste Clea Duvall aux commandes. On ne pouvait pas rêver mieux.
J’étais même prête à mettre de côté ma réserve quant au pitch : Harper (Mackenzie Davis) va passer les fêtes de Noël chez sa famille avec Abby (Kristen Stewart), sa petite amie (qui projette de la demander en mariage). Problème : Harper a si bien compartimenté sa vie que personne dans sa famille n’est au courant qu’elle est lesbienne. Deuxième problème : Harper est tellement terrorisée à l’idée de faire son coming out qu’elle demande à Abby de retourner dans le placard.
Soyons honnêtes, qui a encore envie de se fader une histoire de coming out en 2020 ? Mais bonne joueuse, j’ai mis mon cynisme de côté et admis au passage que si ma petite personne n’en a pas besoin, ces récits sont encore nécessaires et bénéfiques pour bien d’autres.
La bande annonce de Happiest Season avait bien fait le travail : tout laissait présager de savoureux clins d’œil typiquement lesbiens, parfaitement orchestrés par Clea Duvall, à commencer par la perspective de voir Kristen Stewart se plaignant de devoir cacher son lesbianisme incandescent et tenter en vain de performer l’hétérosexualité.
Le début n’a pas déçu : la chaise trop petite au restaurant, l’ex petit-ami d’Harper qui s’incruste, Abby obligée d’occuper la chambre d’ami… autant de gags qui ancrent le film dans la pure tradition des comédies de belle-famille, où le personnage principal rencontre pour la première fois les proches (forcément excentriques ou dysfonctionnels ou outrageusement riches) de son ou sa partenaire.
J’étais conquise… jusqu’à un certain point.
Happiest Season, un Get Out lesbien ?
Passées les vingt premières minutes, j’ai ressenti un drôle de malaise — ce qui n’est pas la réaction attendue devant un film de Noël… Happiest Season a provoqué chez moi le même stress que Fort Boyard : la tête entre les mains, horrifiée, j’hurlais à Abby « Sors de là, mais SORS DE LÀ, enfin !! »
Plusieurs personnes ont parlé d’Happiest Season comme d’un Get Out lesbien et même si le film ne va pas jusqu’à la critique de la riche famille blanche qui se drape dans un progressisme de façade, cette comparaison est plutôt juste : quelle lesbienne peut regarder Happiest Season l’esprit léger ? Laquelle d’entre nous ne s’est pas déjà imaginée dans la même situation qu’Abby ?
Car en dépit de l’esprit de Noël, du feu dans la cheminée et du chocolat chaud, être coincée cinq jours avec une belle-famille homophobe qui vous croit hétérosexuelle n’a rien d’un bon moment, même si on y ajoute quelques scènes de quiproquos bien ficelés : c’est un cauchemar qui a un arrière-goût de réalisme.
Harper dans Happiest Season, incarnation de l’homophobie intériorisée
J’ai ressenti dans ma chair le malaise d’Abby, et je suis restée spectatrice de la détresse de cette pauvre Harper, incapable de dire à ses proches qu’elle est lesbienne et prisonnière de son devoir de respectabilité.
Harper incarne tout le mal que peut faire l’hétéronormativité : l’homophobie intériorisée, la peur de décevoir, l’envie de se fondre dans un moule dans lequel on ne rentrera jamais. Pourtant, le film ne nous amène pas à être en empathie avec elle…
On sait qu’elle ment à Abby, et ce depuis bien avant le début du film, en lui racontant qu’elle a fait son coming out à ses parents (mensonge numéro un) et qu’ils l’ont très bien pris (mensonge numéro deux). Et ça ne s’arrête pas là : Harper laisse Abby seule en permanence, l’oublie, la cache, et quand elle est acculée, elle en vient à l’accuser d’être étouffante.
La ligne est franchie lors de l’outing en pleine soirée de Noël (l’outing étant la révélation de l’homosexualité par un tiers, le plus souvent contre sa volonté). Si elle symbolise toute la violence d’être dépossédée de la façon dont on souhaite annoncer son homosexualité, la scène est aussi terriblement violente et humiliante pour Abby. Son couple est nié sous ses yeux, rayé d’un trait.
Difficile d’aimer le couple central de cette rom com quand il a tout d’une relation toxique. Et pourtant, Harper obtient le pardon d’Abby, on ne sait trop comment… La magie de Noël ? Ou l’impossibilité de montrer autre chose que des bons sentiments et un rabibochage vite expédié ? L’obligation d’honorer la promesse initiale du film symbolisée par la bague de fiançailles qu’Abby veut offrir à Harper ?
Une rom com de Noël, lesbienne ou pas, c’est un cahier des charges où figure un happy end au pied du sapin, donc dans le cas d’Happiest Season, une réconciliation entre Harper et Abby (et non Abby fuyant ce réveillon de l’enfer pour finir dans les bras de Riley) (je sais, on a le droit de rêver).
Le problème d’un film trop unique
Les attentes envers Happiest Season étaient fortes au point que, comme beaucoup de spectatrices, j’ai été un peu déçue.
Encore une histoire de coming out, c’était supportable, mais avec une intrigue qui vire à l’anxiogène et une relation malaisante, le film laisse un goût un peu amer. Heureusement que quelques seconds rôles (le très cliché meilleur ami gay John en tête) rehaussent le tout et rappellent que oui, on est bien dans une comédie.
Est-on trop exigeantes à vouloir la rom com lesbienne idéale et sans défauts ? L’est-on encore plus quand un film est en lui-même unique en son genre ? Il est peut-être aussi là, notre problème… Pour l’instant objet inédit, quasi seule rom com lesbienne de Noël, Happiest Season concentre tous les espoirs et se devait d’être parfait.
Sans remplir complètement toutes les cases de la rom com feel good, Happiest Season échoue tout autant à révolutionner le genre en maintenant au centre l’indéboulonnable famille traditionnelle dans toute sa splendeur, majoritairement blanche, aisée, mince, valide, cisgenre…
Un constat s’impose finalement : Happiest Season ne doit pas rester notre seul film de Noël lesbien. Il doit y en avoir d’autres, notamment pour parler d’autres choses que de ces réunions familiales hétéronormatives, d’autres films de Noël qui soient autant d’occasions de montrer nos familles choisies, nos familles élargies, nos joies, nos peines, nos blagues sur les hétérosexuels, et où l’enjeu le plus dramatique sera une engueulade pour savoir si oui ou non la bûche de cette année sera enfin vegan (le débat sur la dinde ayant déjà été tranché en 2015, et le volatile remplacé depuis par du seitan).
Parce qu’on mérite aussi la niaiserie, la guimauve et les bons sentiments.
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Les Commentaires
Effectivement, j'aurais été loin de trouver haha