Live now
Live now
Masquer
coming-out-angele
Féminisme

Pourquoi le coming out d’Angèle est important, même en 2020

Sur Instagram, Angèle a fait son coming out. Un non-évènement pour certains, mais pourtant, en 2020, la représentation des identités LGBTQ reste utile. Même essentielle.

Est-ce encore utile de « sortir du placard » en 2020 ? C’est la question que pose le joli coming out d’Angèle ; comme beaucoup d’autres avant lui, il a mené plusieurs personnes à affirmer qu’« on s’en fiche », que « c’est sa vie privée », qu’« il n’y a pas à en faire tout un plat »…

madmoiZelle a échangé à ce propos avec Aline Mayard, de l’Association des Journalistes LGBT (AJL), qui offre de précieuses pistes de réflexions sur cet événement médiatique.

Le coming out très moderne d’Angèle

Angèle a fait son coming out via un post Instagram touchant dans lequel elle porte un t-shirt « Portrait of women who love women » (« Portrait de femmes qui aiment les femmes

») et envoie, dans sa légende, un mot d’amour à sa compagne, l’humoriste Marie Papillon.

Aline Mayard analyse, pour madmoiZelle, la forme de ce message :

À mes yeux, c’est un coming out moderne : Angèle n’a pas fait de grande déclaration, n’a pas mis de mot précis (lesbienne, bisexuelle, pansexuelle…) sur son orientation. On ne peut même pas parler de lettre d’amour : c’est une jolie petit reconnaissance de sa relation avec sa copine, c’est tout !

Au final, Angèle a fait un post compréhensible, en premier lieu, par ses fans et par les personnes qui font attention aux sujets LGBTQ. Car les gens qui écoutent attentivement ses chansons savaient déjà qu’elle était attirée par des femmes ; de plus, le magazine Public avait publié, contre son gré, des photos d’elle et de Marie prises par des paparazzi. Donc dans le milieu du journalisme, par exemple, « ça se savait ».

Le coming out d’Angèle et son utilité médiatique

Pourquoi le coming out d’Angèle est essentiel, même en 2020 ? L’AJL étant une association de journalistes, Aline Mayard se penche en premier lieu sur le poids médiatique de cette « confirmation ».

Angèle est une des plus grandes stars francophones du moment, et elle touche un large éventail de générations. Il est important qu’elle confirme son identité queer, car tant qu’elle ne l’avait pas fait, les médias n’osaient pas aborder ce sujet avec elle, même si elle en avait parlé dans plusieurs chansons.

Nous, à l’AJL, notre travail c’est d’aider les journalistes à aborder les questions LGBTQ. Ce qu’on remarque, c’est que les médias ont peur d’« outer » des gens contre leur gré. Et en effet, en plus de priver la personne de son droit à raconter sa propre histoire, ça peut la mettre en danger. D’autant plus quand cette personne jouit d’une grande notoriété : elle va être reconnue dans la rue, son adresse peut être retrouvée…

Mais il ne faut pas, pour autant, que les médias aient peur d’aborder les sujets LGBTQ. L’essentiel est de respecter le fait que la personne interviewée ne voudra peut-être pas en parler. Il y a une différence entre « forcer » le sujet et amener la question au bon moment.

À mon sens, comme Angèle a parlé dans son album du fait qu’elle aime les femmes, alors le sujet pouvait être abordé par les médias, en interview, etc. Bien sûr, si elle ne l’avait jamais évoqué, ça aurait été malvenu de mettre ça sur le tapis !

Au moment des Victoires de la Musique 2019, j’avais été surprise de voir que très peu de médias ont mentionné la forte visibilité de femmes qui aiment les femmes : Pomme, Hoshi, Aloïse Sauvage, Suzane, Angèle… Je pense que c’est en partie parce que certains journalistes ont tellement peur de mal traiter ces sujets qu’ils ne les traitent pas du tout.

L’AJL met à la disposition de tous et toutes un guide très pédagogique sur la bonne façon de parler des identités LGBTQ. Il se divise en 9 sections :

  1. Choisir les bons mots : éviter la discrimination, la hiérarchisation des sexualités et l’invisibilisation des personnes LGBTQ
  2. Le « lobby gay » et la « théorie du genre »
  3. En finir avec l’invisibilité des lesbiennes
  4. Les représentations stéréotypées des homosexuels masculins
  5. Affirmer l’existence des bisexuel·le·s
  6. Respecter les personnes trans
  7. VIH/Sida, comment en parler ?
  8. Les confusions entretenues autour de la PMA
  9. Donner la parole aux personnes intersexes

Il a été écrit en premier lieu pour les journalistes mais reste une ressource précieuse pour tout le monde ! Vous pouvez le retrouver sur le site de l’AJL en cliquant ici.

L’importance des représentations LGBTQ

Au-delà de l’impact médiatique du coming out d’Angèle, il s’agit aussi d’analyser ce qu’une telle « confirmation » représente pour les personnes LGBTQ, qui manquent de modèles, notamment francophones. Aline Mayard détaille :

En France et en Belgique, on manque un peu de modèles, de femmes queer très connues (et dans les générations précédentes, il y en avait encore moins).

Historiquement, on a surtout considéré l’homosexualité par le prisme des hommes qui aiment les hommes. Ils étaient en première ligne au niveau des sanctions légales (la sodomie était pénalisée par exemple, alors que le sexe entre femmes n’était pas vraiment considéré comme du sexe), mais aussi au niveau de la représentation médiatique. Donc on avait des modèles d’hommes gay ou bi, mais peu de femmes lesbiennes ou bi.

Avec ce coming out, il y a plein de personnes qui peuvent se dire « Angèle, la meuf la plus cool du moment, la meuf talentueuse, jolie, féministe, un poil rebelle, aime les femmes, donc moi aussi je peux accepter que j’aime les femmes, comme elle ». C’est précieux pour des gens qui doutent de leur orientation sexuelle, qui n’arrivent pas à la regarder en face.

On a besoin de ces modèles qui nous ressemblent. Oui, c’est bien d’avoir des persos de femmes lesbiennes ou bi dans des séries américaines sur Netflix, mais ça n’a rien à voir avec le fait de voir une femme qui aime les femmes et qui nous ressemble, parle notre langue, a grandi et continuer d’évoluer dans un environnement qui ressemble au nôtre, a nos codes sociaux, nos références culturelles, notre Histoire. Ça fait une GROSSE différence.

En France, jusqu’à Skam [l’adaptation d’une teen-série norvégienne sur France TV Slash, NDLR], on n’avait pas de modèles de jeunes personnes LGBTQ dans une fiction. Et je sais que France TV Slash a reçu beaucoup de messages disant que grâce à des passages de la série évoquant le coming out ou les identités LGBTQ, des spectateurs et spectatrices avaient pu comprendre ce qui se passait dans leurs esprit, dans leurs cœurs.

Les effets à grande échelle du coming out d’Angèle

Aline Mayard insiste sur le fait qu’une personnalité publique qui fait son coming out, c’est utile pour la représentation des identités LGBTQ, mais aussi pour ouvrir une discussion plus globale.

À chaque fois qu’une personnalité assume qui elle est, ça crée un dialogue. Ce ne sont pas juste des représentations pour les personnes concernées, mais aussi une façon de normaliser les identités LGBTQ, et d’éduquer le grand public.

Car le grand public, ce n’est pas un groupe social abstrait. Les amis, familles, employeurs des personnes LGBTQ font partie du grand public.

Alors le coming out d’Angèle, comme d’autres avant lui, crée des conversations entre personnes concernées mais aussi avec le reste des gens.

Être ouvertement LGBTQ, ça reste quelque chose qui n’est pas anodin, même en 2020. Le monde n’a pas encore dépassé ses millénaires d’homophobie et de transphobie. Aline Mayard le rappelle aux madmoiZelles :

Pour la génération qui vous lit, c’est probablement naturel d’être LGBTQ. On peut se dire qu’on s’en fiche, du coming out d’Angèle, que sa vie amoureuse est tout à fait normale.

C’est une belle pensée, mais dans les faits… ce n’est pas rien, d’assumer son identité de femme queer. Même en 2020. Même quand on est jeune et qu’on fait partie d’une génération plus ouverte d’esprit.

On peut toujours être rejetée par sa famille, par ses amis et amies, on peut voir sa carrière en pâtir, on peut être agressée dans la rue, ou harcelée, comme Hoshi qui a embrassé sa copine au vu de tous et toutes. Ça reste un acte courageux de s’assumer, de s’aimer, et de le médiatiser.

Estimer qu’un coming out de célébrité « n’est pas utile », c’est une pieuse pensée qui deviendra peut-être réalité dans quelques décennies, quand le monde aura continué son petit bout de chemin. En attendant, le joli mot d’Angèle à sa compagne génère un effet papillon (vous l’avez ?) de grande ampleur dans l’espace public !

À lire aussi : Je suis une fille qui aime les filles, et j’ai peur de draguer


Les Commentaires

8
Avatar de ~*Galaxy*~
16 novembre 2020 à 22h11
~*Galaxy*~
La représentation est clairement importante. Il a fallu qu'une amie me dise qu'elle était en couple avec une fille pour que j'ai le déclic de me rendre compte que ce que je ressentais pour une certaine fille était autre chose qu'une amitié super intense. Et pourtant en repensant à certaines relations de mon passé, ça a l'air évident, mais voilà je ne connaissais de femme qui aime les femmes personnellement et j'en n'avais jamais vu à la télé non plus, donc ça ne m'avait pas effleuré l'esprit.
Ce serait tellement plus simple si on voyait de couple lgbt+ de façon normale et naturelle représentés dés l'enfance. Ca ferait gagner beaucoup de temps (et éviter beaucoup de souffrance) à beaucoup de gens.
2
Voir les 8 commentaires

Plus de contenus Féminisme

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-11-28T150710.132
Beauté

Elle avait dévoilé son crâne pendant le concours Miss Grand, Safiétou Kabengele nous raconte les coulisses de son parcours de miss

Beauté

Adoptez cette routine beauté petit budget pour un look Make up no make up toute l’année

Humanoid Native
Source : Getty Image / MARIA DUBOVA
Féminisme

Ève, 42 ans : « Quand il m’a demandé où était le nettoyant après six mois de vie commune, j’ai pleuré »

5
[Image de une] Horizontale (24)
Culture

3 raisons de découvrir Agatha, le nouveau thriller psychologique à lire de toute urgence

Woman at home suffering from menstrual pain. Menstrual cramps, woman warming the lower abdomen with a hot water bottle, endometriosis, and diseases causing pain.
Santé

Non les filles, ce n’est pas normal d’avoir mal quand on a ses règles !

© Charlotte Krebs
Féminisme

Mona Chollet : “Se sentir coupable ne mène vraiment à rien”

3
femme-no-vert
Amours

Les lassées de l’hétérosexualité témoignent : « Les relations avec les hommes se ressemblent toutes »

47
Source : Instagram @Emrata
Féminisme

Emily Ratajkowski victime de slut-shaming en pleine rue : un passant lui somme de « mettre une chemise »

serviette-hygienique-sang
Santé

Quand ton cycle menstruel fait aussi ses valises

timothy-meinberg-unsplash- plage
Féminisme

Même à la plage, le sexisme ne prend pas de vacances

2
Source : Brooke Lark / Unsplash
Travail

Faire face aux harceleurs de ma boite : mon histoire

14

La société s'écrit au féminin