Live now
Live now
Masquer
Frank-Ocean-sur-le-plateau-de-SNL
Actualité mode

Frank Ocean crée une marque de luxe et ses bijoux de famille en disent long sur le passé colonial

Après trois albums et de rares collabs, Frank Ocean revient — pas en musique mais avec une marque de luxe. Baptisée Homer, elle incarne une réflexion sur l’identité, la transmission, et ce que les maisons de luxe patrimoniales veulent dire.

Frank Ocean sait se faire rare. Et c’est ce qui le rend si précieux. Après son premier opus solo Channel Orange sorti en 2012, puis Blonde en 2016, ainsi que l’album visuel Endless la même année, le chantre du nouvel R’n’B donne peu de signe de vie, hormis de prestigieuses collab avec Beyoncé, James Blake ou encore Kanye West.

Mais voilà que Frank Ocean fait à nouveau parler de lui côté mode, en annonçant la sortie de sa propre maison de luxe.

Frank Ocean crée une marque de luxe baptisée Homer

Frank Ocean vient donc de dévoiler sa marque, sobrement baptisé Homer. Un nom qu’il a expliqué dans une interview accordé au Financial Times :

« Homère est considéré comme le père de l’histoire et l’histoire est censée durer – comme les diamants et l’or. Même si je sais qu’Homère utilisait plutôt du papyrus, j’ai toujours aimé l’idée de graver l’histoire dans la pierre. »

Derrière ce clin d’oeil au grand poète grec antique Homère, le chanteur, de son vrai nom Christopher Breaux, dévoile une première collection d’accessoires : des bijoux en or 18 carats, en argent recyclé, et en émail peint à la main, ainsi que des foulards en soie imprimée, le tout dans des designs colorés, volontiers naïfs.

Soit 25 pièces, dont de la haute joaillerie, à des prix compris entre 395$ à 1,9 million de dollars (oui, c’est le genre de tarifs auxquels s’attendre quand on parle de haute joaillerie), commandables par téléphone ou sur rendez-vous à la boutique new-yorkaise d’Homer inaugurée le 9 août 2021. 

De la difficulté de retracer son histoire en tant qu’Afro-Américain

À la différence de nombreuses pop stars qui lancent des marques de vêtements et de beauté à petits prix en guise de produits dérivés améliorés, Frank Ocean fait donc le pari du luxe, avec la volonté de se positionner sur le même segment que des pointures du secteur telles que Cartier.

Ces marques généralement baptisées en fonction de nom de famille amènent l’artiste à évoquer son propre patronyme auprès du Financial Times :

« Je n’ai jamais oublié que mon nom de famille est un sous-produit de l’esclavage aux États-Unis» », dit-il à propos de Breaux, un nom de famille courant dans une partie du pays qui a vu des Africains réduits en esclavage amenés dans la région par les Français en 1718.

« Je n’ai jamais perdu de vue que je n’ai pas accès à mon vrai nom. Je ne peux pas retracer ma généalogie suffisamment loin, c’est pourquoi cela m’intéresse de créer des choses qui sont à moi, restent à moi et appartiennent à ma famille. Des choses que je peux transmettre. »

En tant que Martiniquais dont la famille est issue de personnes africaines réduites en esclavage par des Français, et dont le patronyme provient du nom de famille d’un propriétaire esclavagiste, je trouve une résonance particulière dans les mots de Frank Ocean. Aux Antilles françaises aussi, il est difficile de retracer nos arbres généalogiques, déracinés et brouillés par le commerce ainsi que le droit à violer les esclaves sans forcément vouloir reconnaître les enfants nés de ces rapports de domination.

Luxe et bijoux de famille, tout un symbole de transmission de patrimoine

Alors aussi vaniteux, superficiel, ou hors-sol que cela puisse paraître, que des artistes afro-descendants se lancent dans le luxe comme la Barbadienne Rihanna ou l’Afro-Américain Frank Ocean afin de tutoyer les plus grandes maisons européennes peut ressembler à un acte de résistance.

L’histoire même du luxe, tel qu’on le définit en Occident, s’avère profondément liée à celle de la colonisation — des fruits exotiques jusqu’aux épices, de la culture du coton (évidemment), du cachemire, de la soie, jusqu’aux cuirs d’animaux rares, en passant par la glamourisation de vêtements symboles de conquête coloniale tels que la saharienne, le jodhpur, ou encore le bermuda. 

Alors on n’a pas forcément les moyens de s’acheter de la joaillerie Homer par Frank Ocean, mais sa démarche invite quand même à réfléchir à la question de l’importance de pouvoir retracer son histoire, et de laisser des traces, un héritage, voire un patrimoine — ce qu’incarnent si bien les bijoux de famille justement. Même si, comme le résume si bien la poétesse afro-féministe lesbienne Audre Lorde, « on ne détruit pas la maison du maître avec les outils du maître »…

À lire aussi : Régimes, nouvelle musique, timidité créative : l’interview de Beyoncé par Harper’s Bazaar en 5 moments forts

Crédit photo : Capture d’écran Youtube de Frank Ocean interprétant Thinkin bout you sur le plateau de SNL.


Découvrez le BookClub, l’émission de Madmoizelle qui questionne la société à travers les livres, en compagnie de ceux et celles qui les font.

Les Commentaires

2
Avatar de missaaj
13 août 2021 à 01h08
missaaj
J'aime beaucoup la conclusion de l'article tres nuancée. Je le reecoutais justement...
0
Voir les 2 commentaires

Plus de contenus Actualité mode

Vivienne Westwood clôturant un défilé // Source : Capture d'écran de l'eshop de la marque
Actualité mode

La garde-robe perso de la créatrice Vivienne Westwood se vend aux enchères, au profit d’associations !

Mode

Quelle est la meilleure culotte menstruelle ? Notre guide pour bien choisir

Humanoid Native
Deux femmes en train de déballer des vêtements d'une boîte en carton // Source : Vinted
Actualité mode

Vinted & co : on vous explique comment faire votre déclaration de revenus 2024 si vous vendez beaucoup de seconde main

Schiaparelli sort ses premières sneakers, et vous ne devinerez jamais le prix de ce design à orteils dorés // Source : Schiaparelli
Actualité mode

Schiaparelli sort ses premières sneakers, et vous ne devinerez jamais le prix de cette basket à orteils dorés

3
Jacquemus lance sa collection mariage (pour des robes de mariées pur produit du Sud) // Source : Jacquemus
Actualité mode

Jacquemus lance sa collection mariage (pour des robes de mariées pur produit du Sud)

Mélody Thomas et Amélie Zimmermann (@FashionQuiche) sont les invitées du JT Mode du 16 avril 2024
Actualité mode

Peut-on vraiment critiquer la mode ? Le JT Mode avec Melody Thomas et @FashionQuiche

JO Paris 2024 : pas de manches pour les femmes à la cérémonie d'ouverture, car le sexisme tient chaud ? // Source : Capture d'écran Instagram de Berluti
Actualité mode

JO Paris 2024 : pas de manches pour les femmes à la cérémonie d’ouverture, car le sexisme tient chaud ?

8
Comment sera calculée l'écobalyse, l'étiquette environnementale façon éco-score des vêtements ? // Source : irynakhabliuk
Actualité mode

Comment sera calculée l’écobalyse, l’étiquette environnementale façon éco-score des vêtements ?

Jeux Olympiques de Paris 2024 : jugées sexistes, les tenues des athlètes des États-Unis insurgent // Source : Captures d'écran Instagram
Actualité mode

Jeux Olympiques de Paris 2024 : jugées sexistes, des tenues Nike des athlètes des États-Unis insurgent

2
Une femme pose avec un panneau au logo de la marque Brandy Melville, au sein d'une boutique // Source : Capture d'écran YouTube de la bande-annonce du documentaire "Brandy Hellville & The Cult of Fast Fashion"
Actualité mode

Brandy Melville : la face cachée de cette marque star des années 2010 se révèle dans un docu choc HBO

Comptoir des cotonniers et Princesse tam tam vont fortement baisser leurs prix // Source : Princesse tam tam / Comptoir des cotonniers
Actualité mode

Bon plan mode : ces 2 marques (qu’on adore) vont fortement baisser leurs prix

La vie s'écrit au féminin