« Licorice », ça veut dire réglisse en anglais.
La réglisse, on aime la torsader ou l’étirer en de longues tiges avant de la rouler sur elle-même pour obtenir un cercle plat.
Imaginez les cercles noirs et luisants de votre enfance dans des proportions plus grandes, plus larges, de la taille d’une pizza. Et comme par miracle, vous obtenez un vinyle. Un vinyle qui jette du Nina Simone ou du Mason Williams, comme dans la bande originale de Licorice Pizza, l’hommage de Paul Thomas Anderson aux années 1070, aux boutons d’acné, aux crop tops, à la Californie, et aux premières amours bien sûr.
Licorice Pizza, le plus sucré (et compréhensible) des films de Paul Thomas Anderson
Grâce à (ou à cause de) Paul Thomas Anderson, j’ai réalisé qu’il n’était pas forcément nécessaire de comprendre un film pour l’apprécier.
C’était en 2014, l’année de la sortie d’Inherent Vice, que j’ai pris un pied pas possible à mater sans avoir compris ni les enjeux, ni la direction du film.
Pas étonnant quand on connaît son créateur : un scénariste audacieux, qui aime semer le trouble en sautant d’un genre cinématographique à un autre, et a commencé par le film choral avant de s’essayer à la comédie barge, puis au drame sinistre et autres enquêtes brumeuses !
Pour autant, Paul Thomas Anderson demeure l’un des réalisateurs les plus acclamés de son époque, qui a marqué le cinéma sitôt qu’il l’a pénétré — d’abord avec The Dirk Diggler story, un court-métrage remarqué à Sundance, puis avec Hard Eight, long-métrage directement présenté à Cannes.
Ainsi a démarré son ascension vers les sommets, qu’il n’a plus jamais quittés après les avoir conquis. Régulièrement salué voire récompensé dans les festivals et autres compétitions comme les Oscars, Paul Thomas Anderson traverse les années à force de succès, parmi lesquels les éblouissants Phantom Thread, Magnolia, There Will Be Blood, The Master ou encore Hard Eight.
Cette année, et après presque cinq ans d’absence, il revient à ses premières amours : les années 1970, la Californie (et plus précisément San Fernando, sa ville natale), les ados et les promesses d’amour, dans un film dont la simplicité est le premier atout.
Drôle, tendre, enlevé, Licorice Pizza est sans doute le film le plus sucré et surtout le plus accessible de son réalisateur.
Licorice Pizza : des ados, des palmiers et de la musique, quoi de plus ?
Je vous l’ai dit, il n’y a rien de bien compliqué dans ce long-métrage écrit par le cinéaste lui-même. C’est sans doute ce qui le rend si charmant.
Licorice Pizza l’histoire d’Alana Kane et Gary Valentine, deux jeunes Américains devant composer avec le starter-pack qui leur a été distribué : des hormones en ébullition, des envies rebelles, des fringues mal coupées, de l’acné, et des coupes de cheveux de merde pour l’un ; un caractère bien trempé, un appareil photo, une grande gueule et des crop-tops pour l’autre.
C’est surtout l’histoire d’un premier amour qui naît comme tant d’autres : autour de la musique, de quelques fêtes, d’une timidité cachée sous une mèche et une fausse gouaille. Mais ce premier amour a ceci de différent — sinon bordel on aurait encore eu droit à une teen romcom tout ce qu’il y a de plus convenu — qu’il explore la Californie des années 1970 joliment hantée par le fantôme d’Hollywood (et ses déceptions).
En effet, Gary est un enfant acteur et s’est déjà illustré dans quelques films, ce dont il se sert pour draguer allègrement Alana, l’assistante du photographe scolaire, de 10 ans plus âgée que lui.
Et bien que celle-ci se refuse à céder aux avances d’un « minus », un lien se crée entre eux, qui donne de nouvelles couleurs à leurs vies respectives.
Licorice Pizza saute d’anecdote en anecdote, d’amourette en amourette (pour l’un comme pour l’autre) avant de réunir ses héros devant l’évidence.
Licorice Pizza : son meilleur atout, c’est son casting
Vous n’avez pas pu passer à côté des affiches de Licorice Pizza, qui trônent absolument partout en France, sur les bus, les kiosques à journaux, le métro et désormais les cinémas.
Ainsi, vous avez peut-être été attiré par un fait des plus étranges : vous ne connaissez aucun des acteurs.
Rien de plus normal, il s’agit de leur première apparition à l’écran à tous les deux !
Alana Haim est en fait la chanteuse, guitariste et pianiste du groupe de pop rock américain Haim, qui se compose également de ses deux sœurs aînées. Quant à Cooper Hoffman, bien qu’il soit le fils de feu Philip Seymour Hoffman, il joue ici pour la première fois au cinéma.
Et leur candeur face à la caméra est d’une telle sincérité qu’elle compte pour au moins 60% de l’intérêt du film.
Alana et Cooper, de concert, offrent des prestations dignes d’acteurs confirmés (Cooper Hoffman a d’ailleurs été nommé pour le Golden Globe du meilleur acteur dans une comédie) et ne détonent pas une seule seconde face aux mastodontes du cinéma qui leur donnent la réplique : Bradley Cooper et Sean Penn.
Au contraire, ce sont Alana et Cooper qui volent la vedette à leurs pairs, à force spontanéité, sans jamais en faire trop.
Le malaise raciste de Licorice Pizza
Vous l’aurez compris : Licorice Pizza, ça aurait pu être un sans-faute… si l’ombre éternelle du racisme ne planait pas légèrement dessus.
En effet, certaines scènes montrent un acteur blanc imiter l’accent japonais en parlant à sa femme (vraiment japonaise, pour le coup). Il réitère l’opération avec une autre femme japonaise, comme si elles étaient toutes interchangeables.
Des scènes censées souligner le racisme anti-asiatique du personnage, certes, mais qui tombent malheureusement à l’eau, créant le malaise à plusieurs moments du film.
Nancy Wang Yuen, professeur de sociologie à l’Université de Biola, explique :
« Il est irresponsable d’utiliser le racisme contre les Asiatiques comme un gag courant. »
Une vanne qui aurait pu tout à fait être supprimée, surtout après deux ans marqués par la hausse du racisme visant les personnes asiatiques ou asiodescendantes — d’autant qu’elle n’apporte strictement rien à l’intrigue et n’est utilisée que comme un mécanisme comique d’un autre temps.
Dommage pour ce détail donc. Mais à part ça, Licorice Pizza est actuellement au cinéma et n’attend plus que vous pour dominer le box-office.
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Les Commentaires
Je suis tout à fait OK par rapport au casting! Les deux principaux interprètes sont supers ! Ils ont l'air de "vrais gens" et ils jouent très bien ça fait plaisir !
Par contre, pourquoi dit-on que c'est une histoire d'amour entre ados alors que le personnage de la nana a 25 ans? C'est clairement une histoire entre une adulte et un ado en fait. Alors ok l'actrice peut clairement se faire passer pour une ado mais bon.. Si les rôles avaient été inversés j'ai l'impression que le malaise aurait été beaucoup plus ressenti non ?