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Elles ont testé pour vous… la fac de psychologie

La fac de psychologie est choisie par de nombreux étudiants qui ne savent pas vraiment à quoi s’attendre. Sill, Alnilam, Arty et Justine nous expliquent en quoi ces études consistent, et ce qu’elles permettent de faire ensuite.

La psychologie est une filière qui n’a pas forcément très bonne réputation : elle est considérée comme une voie de garage, l’antre des procrastinateurs, de ceux qui méditent bien loin des réalités pragmatiques… Et il en va de même pour les débouchés : que fait-on après des études de psychologie ?

Justine, Sill, Alnilam et Arty ont accepté de nous expliquer en quoi consistent leurs études, et de partager leur expérience.

La fac de psychologie : une filière qu’on prend par hasard ?

C’est une conséquence logique de la méconnaissance générale qui entoure les études de psychologie : beaucoup des étudiants s’y retrouvent un peu par hasard. Ça a d’ailleurs été le cas pour Justine.

« Pour moi, l’entrée en psycho s’est faite un peu par hasard : à l’époque, je voulais entrer dans une école de publicité, dans laquelle j’ai oublié de confirmer mon inscription (c’est ballot) (ou c’est un acte manqué).

Je me suis retrouvée sans plan B et j’ai décidé de m’inscrire en fac de psycho, en me disant que je pourrais y passer une année à apprendre des tas de choses en attendant de trouver ma voie… Finalement, après le premier semestre, je suis tombée dans la marmite, et je ne voulais plus rien étudier d’autre !

Avant cela, j’ai fait un bac littéraire. À vrai dire, je m’étais déjà intéressée à une thématique un peu psycho, puisque j’avais réalisé mon TPE sur la perception de la folie au travers de trois oeuvres (un livre de Miller, l’oeuvre de Van Gogh, et les travaux de Verlaine). Pour ce TPE, j’avais à l’époque « interviewé » trois psychologues, que j’avais trouvé fascinants. Finalement, je ne me suis peut-être pas inscrite en psycho tellement par hasard ! »

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Cela s’est un peu passé de la même façon pour Sill, qui sortait elle aussi d’un bac littéraire.

« J’ai débarqué en psychologie sans vraiment savoir dans quoi je me lançais : je n’étais pas intéressée par les études de langues ou de lettres, comme beaucoup d’autres de ma filière, et je voulais faire quelque chose de « concret », qui aiderait les gens. La brève introduction à Freud que nous avait faite mon génialissime prof de philo de terminale m’avait mis l’eau à la bouche, j’ai donc écouté ma curiosité et je me suis dit : « Après tout, pourquoi pas ? ».

Je ne connaissais pas grand-chose à la psychologie et je sentais qu’il y avait plus à découvrir ! Mais j’étais loin de me douter que ça serait aussi varié et passionnant. »

Alnilam s’est quant à elle orientée vers la fac de psychologie au dernier moment :

« J’ai passé un bac L en 2009 avec une note tout juste correcte. Jusqu’au dernier moment j’avais dans l’idée de m’inscrire en lettres modernes, puis à la veille (ou pas loin) de m’inscrire à l’université, j’ai changé d’avis et je suis partie sur une licence de psychologie.

Je l’ai fait pour diverses raisons, la principale étant que je n’avais pas franchement idée de ce que je pourrais faire comme métier et que j’avais peur de me fermer des portes si j’allais dans du littéraire pur. C’était tout de même aussi parce que la psychologie m’intéressait (de par mon vécu et aussi grâce à quelque cours de philosophie en terminale). »

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Pour entrer en licence, les portes sont — pour le moment — grand ouvertes. Sill explique par exemple :

« Dans ma fac de psycho, à Toulouse, il n’y a pour l’instant pas de sélection à l’entrée en licence. Mais je sais qu’il y en a une par exemple à Bordeaux.

Malheureusement vu que le nombre d’inscrits est chaque année de plus en plus important et que le budget n’augmente pas, ils envisagent de mettre en place un concours d’entrée. En revanche, il y a une sélection en Master 2, avec présentation d’un dossier de candidature, qui comprend une sorte de CV, une lettre de motivation, la présentation du mémoire de master 1, un projet de recherche pour le master 2 et les résultats des deux années précédentes (L3 et M1). Ensuite il y a bien sûr également une sélection pour le doctorat, mais je ne me suis pas encore bien renseignée là-dessus. »

Cela se complique donc pour entrer en deuxième année de master de psychologie, comme l’explique Justine :

« Dans l’université où j’ai étudié, la sélection existe pour la deuxième année de master. Les élèves sont choisis sur leurs notes, sur leurs dossiers de candidatures, et sur leurs projets professionnels. Si elles ont un poids considérable, les notes ne font pas tout : certain-e-s étudiant-e-s avaient obtenu des notes moyennes en première année de master, mais avaient un projet professionnel bien ficelé et bien présenté, ce qui leur a permis d’être sélectionné-e-s.

Le parcours extra-scolaire de l’étudiant-e peut aussi compter : dans mon cas, le jury m’a beaucoup parlé de mon job étudiant (je travaillais à McDo depuis à peu près deux ans), et m’a expliqué que c’était un atout dans ma candidature. »

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Le sacrifice ne fut pas vain !

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La fac de psychologie : de nombreuses matières diverses

Bien loin de l’image que beaucoup s’en font, la psychologie est une discipline complexe. Justine le montre :

« La psycho, c’est tout d’abord une discipline extrêmement vaste, qui a des branches d’études complètement différentes : la psychologie clinique, cognitive, psychogérontologie, neuropsychologie, psychologie du travail… Lorsqu’on se lance là-dedans, il faut être prêt à étudier des principes très différents !

En ce qui me concerne, je me suis passionnée pour la psychologie sociale (qui peut se définir comme l’étude et l’analyse des relations entre les individus, les groupes d’invividus, et des objets) et, de façon plus spécifique, par la psychologie de l’environnement (qui observe les relations entre les individus et leurs environnements). »

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C’est ce qu’Alnilam a découvert en entrant en L1 de fac de psycho :

« En première année,  j’ai découvert la fac dans sa globalité, avec sa mentalité et son fonctionnement, et la joie des CM et des TD — comme beaucoup d’étudiants toutes filières confondues. Au niveau des cours, j’ai goûté à la psychologie avec un (parfois gros) soupçon de psychanalyse, la psychologie du développement, la psychologie sociale et cognitive avec quelques autres petits trucs qui viennent se greffer avec comme la psychologie de la santé, la psychophysiologie (yeah sans fautes !) et d’autres.

La fac de psychologie, c’est aussi un état d’esprit. Il y a des gens venus de tous horizons, des gens dont on voit bien qu’ils font psycho en attendant d’aller ailleurs, d’autres qui sont là par curiosité, ou parce que leurs parents sont là-dedans, d’autres parce qu’ils sont passionnés…

Si j’ai un reproche à faire à ce cursus, c’est qu’il y a tellement de monde que si on compte sur les cours pour faire des connaissances, on risque d’être déçu. Il y a beaucoup de monde à chaque cours, on ne voit jamais les mêmes têtes, et on apprend un beau jour que cette fille qu’on trouvait sympa a quitté la fac pour faire autre chose… Pour moi qui suis arrivée en psychologie sans connaître personne et dont l’extraversion n’est pas le trait de personnalité majeur, il y a eu de grands moments de solitude. »

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Sill n’a quant à elle pas été vraiment surprise par la réalité de la filière.

« Je dirais que l’idée globale que je me faisais de la psychologie avant même de l’étudier n’a pas changé aujourd’hui : c’est une science qui vise à comprendre ce qui se passe dans la tête des gens, notamment dans le but de leur apporter de l’aide. Ce qui a changé dans cette vision, c’est que j’ai découvert qu’il y avait des tonnes de façons différentes d’apporter cette aide.

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Après mon bac L, je m’attendais à des études plutôt littéraires, mais en vérité c’est un domaine vraiment unique, que j’aurais du mal à classer dans une catégorie. J’étais très intéressée par la psychanalyse au début (ce que le public connaît en général le plus de la psychologie), puis j’ai découvert les neurosciences et ça m’a de suite plu !

Les neurosciences, ça cause de biologie, de chimie de temps en temps, ça explique comment tout ce qui se passe à l’extérieur s’organise à l’intérieur. Je sais qu’en faisant de la recherche dans ce domaine, on peut s’intéresser à la maladie d’Alzheimer, mais aussi aux troubles du sommeil, aux émotions, à la mémoire… bref, il y a du choix ! »

En effet, on ne pense pas aux notions scientifiques que la psychologie demande de maîtriser, comme la biologie, la chimie, les statistiques…

Les différentes matières étudiées en licence de psychologie (par Sill) :

  • La psychologie clinique : c’est un domaine de la psychologie dans lequel on peut retrouver toutes les autres sous-disciplines, puisqu’elle vise, en repérant des « symptômes », à comprendre et soigner le trouble psychologique qui a conduit à la consultation d’un psychologue par le patient. On peut donc faire de la psychologie clinique de différentes façons.
  • La psychopathologie : c’est l’étude des troubles mentaux ou comportementaux. Elle s’appuie sur des ouvrages de classifications de ces troubles mentaux, tels que le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (le DCM-5) ou La Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (la CIM 10). Leur utilisation consiste à repérer si certains symptômes sont présents chez la personne et ainsi diagnostiquer ce dont elle souffre.
  • La psychanalyse, qui est issue de la théorie de Freud sur le fonctionnement psychique humain. C’est une approche qui n’est plus vraiment étudiée ou utilisée à l’étranger, car elle est très sujette à controverse. C’est dans la psychanalyse que l’on peut retrouver – entre autres – l’étude des rêves, le complexe d’Oedipe, etc. J’ai personnellement la chance d’être dans une des rares facultés de France où un enseignement psychanalytique est dispensé, car même si c’est une approche assez originale qui fait parfois des sceptiques, elle permet d’apporter un éclairage différent au fonctionnement psychique humain et explique beaucoup de choses.
  • La psychologie de la santé : c’est l’étude de l’influence des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux sur le maintien de la bonne santé ou le déclenchement et l’évolution des maladies. Elle permet donc de prévenir l’apparition de certaines maladies, mais aussi d’accompagner les personnes malades et de les aider à s’adapter à ces maladies.
  • La psycho développement s’intéresse à l’évolution de l’être humain à travers les âges, on peut y étudier le développement du fœtus, du nourrisson, de l’enfant, de l’adolescent et de la personne âgée.
  • La psychologie cognitive étudie les grandes fonctions psychologiques de l’être humain, comme la mémoire, la résolution de problèmes, l’intelligence, le raisonnement, la perception ou l’attention.
  • La psychologie sociale : elle étudie le comportement individuel en groupe, les relations entre les personnes, ainsi que le comportement du groupe en tant qu’entité à part entière. C’est dans cette branche que l’on trouve la psychologie du travail.
  • La psychophysiologie, les neurosciences : c’est l’étude scientifique du système nerveux, du point de vue de sa structure et de son fonctionnement. On peut y trouver l’étude des troubles du sommeil (insomnie, somnambulisme, terreurs nocturnes), des maladies neurodégénératives (comme la maladie d’Alzheimer), l’épilepsie, le fonctionnement de la mémoire, des émotions, du stress et de tout un tas d’autres choses.
  • L’ergonomie, l’étude de la relation entre l’homme et son environnement (moyens, méthodes et milieux de travail), et l’adaptation de l’environnement à l’homme afin qu’il puisse évoluer, travailler dans le confort et efficacement.
  • La psychologie interculturelle : elle étudie le lien entre la culture et le fonctionnement psychologique humain.

En fac de psychologie, on étudie également comment rédiger un article scientifique, ainsi que les différents méthodes d’observation, d’évaluation. Dans cette évaluation, on retrouve différents tests (comme les tests de QI, celui de Rorschach, les tests projectifs dans lesquels la personne doit par exemple inventer une histoire à partir d’une image), mais aussi ce qu’on appelle « l’entretien clinique », qui est généralement le premier échange entre le sujet et le psychologue. Il s’agit de comprendre de quoi souffre la personne, pourquoi, et de tenter de lui apporter une prise en charge adaptée.

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Alnilam résume le parcours en insistant sur le fait que la deuxième année de licence permet de commencer à étudier la psychologie d’un point de vue historique comme actuel. La troisième année est quant à elle le début de la spécialisation : c’est là que l’étudiant-e peut choisir entre la psychologie culturelle, la psychogérontologie, l’ergonomie… Cela permet de varier un peu sa vision des choses et surtout de se préparer à un futur master.

Beaucoup de travail en fac de psychologie

Alnilam a redoublé deux fois, les deux premières années de la licence :

« En licence de psycho il y a beaucoup de monde, surtout la première année, alors pour ne pas se prendre la tête la plupart des partiels sont sous forme de QCM. Ça semble facile, et c’est là le piège. Avec un QCM il n’y a que deux solutions, tu as juste ou faux, c’est oui ou non. Il n’y a pas d’approximation possible, alors si tu connais ton cours approximativement, ça coince… Je suis très bien placée pour le savoir !

J’ai assisté aux cours comme on peut visiter un musée, avec des moments d’attention pour ce qui me plaisait et des moments de rêveries pour ce qui me bottait moins… Sauf que la fac et la licence de psycho, ce n’est pas du tourisme, et qu’à faire ça on risque juste de se planter. Je l’ai appris à mes dépens à la fin de ma première première année (sic).

Ça m’a fait drôle parce que je faisais pareil au lycée et ça marchait, donc sur le moment je n’ai pas trop compris ce qui m’arrivait. Étant une adepte de l’effort minimal, on m’avait pourtant expliqué que j’allais galérer et qu’il faudrait que je fasse mes preuves. Ces quelques mots se sont gravés dans ma cervelle même si sur le moment ils ont juste servi à vexer la petite élève trop sûre d’elle que j’étais. J’aurais dû m’en servir pour prévoir le coup…

Malgré ma déception, j’ai relativisé ; après tout c’était ma première année à l’université, j’avais tout à découvrir et puis je n’avais jamais redoublé dans ma scolarité donc je pouvais bien me permettre de le faire maintenant. C’est avec ces quelques idées réconfortantes que je me suis réinscrite en L1 l’année d’après.

Je l’ai obtenue, mais j’ai ensuite dû redoubler ma deuxième année. Ces deux années-là ont su mettre à jour ma procrastination la plus assumée associée à bonne grosse dose de mauvaise volonté. Mais la troisième année, je l’ai eue, du premier coup ! »

Sill s’était préparée aux exigences de la licence :

« Il y a énormément de choses à apprendre, mais je trouve que c’est enseigné de manière très pédagogique. Évidemment il n’y a pas de secret, il faut bosser ! Certains de ma promo ont pris les choses à la légère et ils ont eu de mauvaises surprises à l’annonce des résultats.

Ce qui est aussi assez compliqué à saisir, c’est ce qu’on attend de nous. D’un côté pour les partiels, les profs exigent qu’on reste très « scolaires », il ne faut pas partir dans des réflexions personnelles ou essayer de faire trop d’apports qui n’ont pas été vus en cours. Mais à côté de ça, pour se faire remarquer justement, il faut être très cultivé•e, se renseigner sur le domaine qui nous intéresse, lire des articles, des bouquins et aller plus loin que ce qu’on attend de nous officiellement. »

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Ça ne s’improvise pas.

La fac de psychologie : une filière passionnante

Malgré les difficultés multiples de la psychologies, les filles ne regrettent pas de s’être engagées dans cette voie, bien au contraire ! Comme l’explique Sill :

« C’est un domaine très vaste, du coup il y a de très grandes chances de trouver quelque chose qui vous intéresse. Je ne me sens pas « enfermée » dans ce que je fais, c’est très épanouissant. »

Alnilam, malgré ses deux échecs, n’en démord pas non plus :

« Pendant les semaines précédant la rentrée universitaire de ma deuxième L2, j’ai sincèrement envisagé de changer de cursus ; quitte à poursuivre des études, autant changer puisque je n’arrivais à rien ! Mais une personne (que je ne remercierai jamais assez) a su me remettre les idées en place.

Selon elle il était dommage d’abandonner la L2, et après y avoir réfléchi, j’étais d’accord. De plus, pour une raison obscure, je n’arrivais pas à me projeter dans autre chose que la psychologie ! Un jour en CM, un prof nous a dit que choisir la psychologie n’était pas comme quand on choisit de faire des maths, du français etc. Pour lui, cela faisait appel à quelque chose de plus profond, de plus personnel. Avec le recul je me demande s’il n’avait pas raison. »

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Des préjugés qui ont la vie dure en fac de psycho

Sill a été surprise par les réactions des gens à qui elle parle de ses études :

« Le truc auquel je ne m’attendais peut-être pas en faisant de la psychologie, ce sont les réactions des gens quand je le leur dis. Dans ma famille, c’est très bien passé, en revanche avec les nouvelles personnes que je rencontre, ce n’est pas toujours aussi simple.

Certains considèrent que ce n’est pas sérieux, qu’il n’y a rien de scientifique dans la psychologie et dénigrent complètement les études que je fais ; d’autres s’inquiètent que je puisse analyser leurs comportements (ma passion dans la vie ? Épier les gens), me demandent si je vais devenir mentaliste (John le Rouge, montre-toi !). Mais heureusement il y a aussi des gens que ça intrigue, qui posent des questions et avec qui il est très intéressant de discuter. »

Alnilam a eu les mêmes réactions :

« La filière traîne une réputation pas terrible ; pour beaucoup, c’est la filière fourre-tout dans laquelle on va par défaut. C’est franchement pénible que les gens pensent quasi systématiquement qu’on est en psychologie juste parce qu’on n’a pas d’idées d’études constructives. Bon, d’accord, cela peut être vrai en L1. Mais pas après ! »

La fac de psychologie : quels débouchés ?

C’est la question qui fâche : il faut dire qu’il n’est pas évident de trouver des informations claires, même à la fac. Pour Sill, les difficultés commencent dès le master.

« Ce qui me paraît le plus difficile, en fait, c’est l’après-licence. Pour entrer en M2, en doctorat et (pour ma part) surtout faire de la recherche qui « rapporte » (c’est-à-dire publier dans des revues et pouvoir vivre de sa passion/métier), il faut se créer un réseau de connaissances. Il faut avoir la tchatche, savoir s’imposer, oser aller vers les profs, se faire remarquer. Parce que quand on est 200 à candidater pour un master où il n’y a que vingt places, forcément ça joue.

Les débouchés sont eux aussi très variés. On peut exercer dans différentes structures : en libéral (cabinet privé), en clinique, à l’hôpital, dans des entreprises, des associations, travailler dans la pub aussi ! Je connais notamment quelqu’un qui travaille maintenant pour une fameuse télé réalité, pour laquelle il sélectionne les images à diffuser afin d’orienter le vote du public.

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On peut aussi devenir DRH, recruteur et bien évidemment chercheur ou enseignant (ou les deux) en psychologie. Les possibilités sont presque infinies ! Pour ma part je pense m’orienter vers la recherche en neurosciences, mais l’idée de travailler en clinique auprès de patients me fait aussi de l’œil. Heureusement, être chercheur n’empêche pas de pratiquer. On peut cumuler différents emplois, c’est aussi ça que je trouve génial ! Je pense qu’on ne peut pas s’ennuyer. »

Alnilam sait dans quel domaine elle aimerait exercer, mais elle est consciente que la route est encore longue :

« Je m’intéresse en particulier à tout ce qui touche à la psychogérontologie, parce que j’ai certaines facilités de contact avec les personnes âgées, et que je considère que c’est un domaine de la psychologie qui ne peut que servir dans le futur vu qu’on va pas vraiment vers un rajeunissement de la population et qu’à mon avis on a beaucoup à faire sur la prise en charge psychologique sur cette catégorie de la population. Je vise idéalement un master en psychogérontologie — et donc de pouvoir effectuer mes stages dans ce domaine. »

Et Justine, forte de son expérience, confirme que cela se complique pour le master 2 :

« Après quatre ans d’études (et plus si affinités), c’est l’heure du verdict et de la sélection : l’entrée en deuxième année de master n’est pas automatique, et la sélection peut être rude si votre filière est une filière très demandée par les étudiant-e-s.

Si vous parvenez à intégrer un master, ce sera sans doute l’année la plus professionnalisante – vous aurez l’opportunité de faire un tas de « mises en situation », de faire un stage de fin d’études et de rendre un « mémoire de fin d’études ». Un marathon ! Mon master avait aussi à cœur de nous « préparer » au monde professionnel, et nous suivions donc des matières « hors psychologie », comme le droit social, la compta…

Le choix du terrain de stage est d’ailleurs important : il vous aidera à créer votre réseau professionnel et vous permettra peut-être de dénicher votre premier poste.

Pour moi, ce stage s’est réalisé en alternance (quinze jours à la fac, quinze jours en entreprise), tout au long de l’année universitaire. J’étais vraiment intéressée par la manière dont les individus interagissent avec l’espace, du coup, j’ai postulé dans une agence d’urbanisme, dans laquelle j’ai été prise. Lorsque j’ai débarqué dans l’entreprise, j’ai eu de gros moments de panique, et puis… je me suis acclimatée, j’ai appris un tas de trucs grâce à des superviseurs géniaux, j’ai fait une recherche sur la perception de la ville par ses habitants… »

Contrairement aux idées reçues, il y a en effet des stages à effectuer, qui préparent au monde professionnel. Cela dépend des universités, mais dans celle de Sill :

« Il y a un stage d’observation de 70 heures à faire en L3, qui consiste à observer une situation de travail. On pourra par exemple choisir d’observer et étudier le stress au travail, les relations entre collègues, etc. Ensuite, en M1 et en M2, il y a un stage de 175 heures à effectuer en rapport avec la spécialité que l’on a choisie. C’est dans ce type de stage que l’on peut voir comment se déroule le métier de psychologue. Pour chacun de ces stages, il y a évidemment un rapport à rendre. »

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La fac de psychologie : doctorat et vie professionnelle

Arty est en doctorat, mais il a lui aussi fait des stages pendant son master professionnel, tout en choisissant de faire un mémoire de recherche :

« J’ai choisi de faire un master professionnel parce que c’est une belle présentation sur le CV si jamais j’ai besoin d’un boulot stable en entreprise, et parce que je trouve cela primordial de relier la théorie à la pratique. Ne faire de la théorie que pour la théorie, je trouve que c’est tourner en rond et que c’est du gâchis.

À l’inverse, la pratique seule n’est pas toujours « propre » : on fait souvent du court terme, on donne une solution qui marche sur le coup, mais pas nécessairement à tous les coups.

Je voulais allier les deux pour avoir une réflexion originale, hors des sentiers battus. Et comme le master s’est bien passé et que cela me plaisait, je me suis lancé dans un doctorat, un peu « pour le plaisir ». »

Et se lancer dans un doctorat, ce n’est pas franchement anodin.

« D’après ce que je sais, il y a deux possibilités principales :

  • Obtenir une bourse doctorale ou une bourse de recherche quelconque. Dans les deux cas, on est payé•e pour faire sa thèse, mais en échange il faut rendre des comptes réguliers sur l’avancée de ses travaux. Les places sont limitées : j’ai soumis ma candidature pour la bourse doctorale, mais je ne faisais pas le poids avec mes notes tournant autour de 14-15.
  • Effectuer son doctorat sans financement. C’est évidemment beaucoup plus compliqué puisque l’on doit subvenir à ses besoins tout en travaillant la thèse, ce qui implique un emploi du temps très chargé. Il faut également trouver un professeur qui accepte de diriger sa thèse. Là c’est plus une question de confiance et de connaissance de l’autre : j’ai dit à la prof par laquelle je voulais être dirigé que je voulais faire une thèse, elle a jugé que j’en étais capable et a accepté. J’ai juste signé mon papier d’inscription, et en route ! Cela dépend de chaque binôme, mais pour ma part je suis relativement libre au niveau de la gestion de mes travaux et de mon planning.

Avoir le contrat montre qu’on est performant académiquement, mais ne pas l’avoir et réussir tout de même son doctorat (on est tous jugé•e•s de la même façon à la fin) sous-entend qu’on n’était peut-être pas le meilleur académiquement parlant, mais qu’on a été assez endurant (ou fou) pour travailler toutes ces années sur sa thèse sans avoir été payé pour…

Sans contrat doctoral et sans bourse, on n’a en effet aucun financement, et cela implique des sacrifices… Avoir un travail à côté de la thèse implique qu’on a moins de temps pour travailler sur la thèse, et donc probablement plus de difficultés à la valider dans les temps. J’ai ainsi plusieurs autres activités à côté qui me permettent de gagner ma vie en attendant de terminer mes études.

Car la thèse prend déjà suffisamment de temps : d’après ce que j’ai entendu dire, il faut en moyenne entre quatre et six ans. Dans mon cas, cela en fera sûrement cinq vu que je suis pas mal pris avec les cours à donner à la fac et mes activités professionnelles hors thèse — beaucoup de doctorants donnent en effet des cours à la fac, c’est quasi obligatoire pour le concours de maître de conférence que beaucoup visent après le doctorat.

Le tout est notamment rythmé par les retards chroniques qui caractérisent mon fonctionnement depuis toujours…

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Des fois c’est un peu long quand même.

Selon le sujet choisi, la thèse s’ancre aussi fermement dans la pratique, ce qui permet un champ de débouchés plus large que dans d’autres domaines.

« Concrètement tu peux quasiment tout faire dans ton domaine d’études une fois le doctorat en poche. En doctorat, on développe normalement plein de compétences liées à l’ingénierie et à la pédagogie : écriture de textes, études, publication, expérimentation, recherche de financement, constitution de réseau, compétences en enseignement, etc.

On peut donc théoriquement proposer n’importe quoi en rapport avec son domaine d’étude, puisque l’on est perçu•e comme « expert•e » de sa spécialité et par extension de sa discipline. Il faut alors trouver le bon angle, le bon interlocuteur, identifier les besoins et proposer des solutions. Bref, il faut savoir se vendre.

En ce qui me concerne, si tous les voyants sont verts à la fin du doctorat, je tenterai le concours de maître de conférence. Mais le métier d’enseignant-chercheur implique un investissement très important en terme de temps, je ne suis pas sûr que c’est quelque chose que je pourrais accepter. J’aviserai le moment venu.

Sinon je suis prioritairement intéressé par l’entrepreunariat : avec la psycho (spécialité sociale) j’ai déjà des techniques de marketing, de négociation et de vente, et j’ai acquis pas mal de compétences liées à l’ingénierie ou à la pédagogie, une expérience en entreprise, une expérience du « réseautage »… De quoi lancer mes propres affaires avec un peu de chance et de débrouillardise ! »

Le doctorat est ainsi un travail de longue haleine, mais l’ampleur des recherches permet une certaine polyvalence et ouvre donc de nombreux débouchés selon le sujet des recherches.

Pour plus d’informations sur les modalités du doctorat, vous pouvez consulter le site du Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Les métiers accessibles directement après les masters sont également variés, mais pas forcément faciles d’accès. Là aussi, le réseau est primordial. Justine nous explique ainsi que :

« Comme dans une bonne partie des filières, les places sont chères après la fac de psychologie, et les postes peuvent être rares – c’est pour cette raison que l’on nous encourage à travailler notre réseau dès nos premiers stages !

A la fin de mon stage en master 2, l’entreprise qui m’accueillait m’a proposé un premier CDD, que j’ai accepté sans sourciller – je sais que j’ai eu une bonne dose de chance. Après cette première expérience (et un CDD supplémentaire dans cette même entreprise), j’ai passé à peu près trois ans à passer par des CDD plus ou moins longs dans différentes entreprises et collectivités.

À côté de ces pérégrinations professionnelles, je me suis aussi investie dans le monde associatif. Ces expériences m’ont nourrie personnellement, et ont aussi été très utiles dans ma recherche d’emploi : elles m’ont permis de rencontrer des gens, puis d’en parler lors d’entretiens d’embauche…

Le truc qui a été compliqué pour moi, c’est de trouver « ma place » : après quelques mois dans une entreprise, celle-ci m’a proposé un CDI. A l’époque, je pensais que le CDI était exactement ce que j’attendais, mais je me plantais : le poste ne me convenait pas, je ne m’y sentais pas vraiment à l’aise, et l’idée d’y rester me faisait suffoquer.

J’ai refusé le CDI (en me disant que BORDEL, qu’est-ce que je suis en train de faire ?!), et je suis repartie à la recherche du Graal : un job qui me semblerait cool à moi, quitte à enchaîner les contrats courts.

J’ai parfois eu vraiment peur de ne pas parvenir à trouver un poste qui me conviendrait, une entreprise qui me donnerait ma chance… Mais aujourd’hui, j’ai trouvé chaussure à mon pied ! »

Mais alors, concrètement, en quoi consiste ce travail ?

« Je me suis spécialisée en psychologie de l’espace, et aujourd’hui, je suis « chargée de mission » pour un cabinet d’études et de conseil en habitat, et je travaille dans plusieurs domaines.

Ce que j’aime le plus, c’est réaliser des études, des enquêtes sur des thématiques qui tournent autour de l’habitat, de la ville.

Pour donner un exemple, mon mémoire de fin d’études a porté sur l’image et l’attractivité d’une ville (que vous trouverez ici si ça vous intéresse). Plus tard, j’ai eu la chance de participer à une étude formidable sur l’usage de la ville par le genre (spoiler alert : la domination masculine existe aussi là-dedans ! Le rapport est disponible ici).

Dans mon job actuel, je participe par exemple à une enquête sociale sur une petite résidence avec l’objectif de comprendre ce qui va ou ce qui ne va pas : quels problèmes les gens y rencontrent-ils au quotidien ? Comment est le climat « social » de la résidence ? Y a-t-il des troubles de voisinage ?

Cette enquête sociale, c’est la première étape d’un diagnostic plus global : en parallèle, une architecte fera un diagnostic du « bâti » (qu’est-ce qui craint, qu’est-ce qui roule, quels travaux sont à envisager), pendant que d’autres analyseront d’autres aspects de la vie de cette résidence.

À la fin, nous pourrons fournir un rapport complet et proposer des pistes d’actions pour améliorer le quotidien des habitants !

Souvent, les étapes sont similaires : dans un premier temps, je lis à peu près tout ce que je peux trouver sur le sujet d’études, et je cherche une méthodologie. Parfois, je passe par une étape « exploratoire », c’est-à-dire que je vais à la rencontre de gens (parfois n’importe qui, parfois une population ciblée), je les interroge, puis j’exploite leurs discours.

Une fois la méthodologie élaborée (est-ce que l’on fait des entretiens qualitatifs ? Des entretiens directifs ou non directifs ? Est-ce que l’on établit un questionnaire ? Avec des questions ouvertes ou fermées ? Est-ce que l’on demande des « cartes mentales » ?), je pars sur le terrain : je vais interroger les gens. Et ensuite… j’analyse, j’exploite, j’en tire des trucs. Pour moi, c’est la partie la plus formidable : des gens m’ont confié des bouts de vie, des émotions, des perceptions… et j’ai la chance d’analyser tout ça, de creuser, de porter leurs paroles, leurs perceptions.

Je participe aussi à des opérations, portées par des collectivités, qui permettent à des particuliers de bénéficier d’aides financières pour faire des travaux dans leurs logements. Dans ces opérations, en schématisant un peu, nous accompagnons les particuliers et nous les aidons à élaborer leur projet de travaux — et à solliciter les fameuses aides financières. Les situations que l’on rencontre sont très différentes : certains veulent simplement changer leur chaudière, d’autres ont besoin de réaliser des travaux pour adapter le logement à une perte d’autonomie ou à un handicap… d’autres encore vivent dans des logements insalubres.

En équipe, et avec notre architecte, nous faisons notre possible pour accompagner toutes ces situations !

Ce qui me plaît, c’est cette variété de missions et de situations rencontrées : je peux faire des entretiens qualitatifs, élaborer des questionnaires, demander aux gens de dessiner leur lieu de vie… et j’apprends un tas de choses sur le bâtiment, les économies d’énergie, la lutte contre l’habitat indigne.

Et un jour, entre tout ça, j’ai contacté un certain Fab parce que j’avais drôlement envie de partager des trucs psychosocio ici – et il m’a donné une sacrée chance ! »

À lire aussi : 6 erreurs que j’ai commises quand je cherchais un emploi (et comment les éviter)

La fac de psychologie en conclusion

Sill loue l’ouverture d’esprit que procurent ces études :

« Étudier la psychologie m’a aussi apporté une nouvelle vision du monde. On apprend à prendre du recul sur les gens, à ne pas les juger, on comprend certaines choses qui nous paraissaient étranges, on comprend pourquoi untel agit ainsi.

Mais malheureusement, je ne suis toujours pas capable de lire dans les pensées ! »

mentalist patrick jane tasse

Patrick te juge.

Alnilam a quant à elle tiré des leçons de ses échecs :

« La psychologie c’est vraiment quelque chose à part, ça vous prend aux tripes — si vous devez en faire vous verrez ce que je veux dire. Je vais peut être passer pour la radoteuse de service en disant ça, mais j’insiste : la fac de psychologie n’est pas une filière facile !

Contrairement à ce que l’on serait tenté de croire, la psycho n’a rien d’intuitive ; il y a beaucoup de rigueur à avoir, de connaissances à accumuler, et s’il est vrai que son propre vécu, sa propre perception des choses peut aider à comprendre, ce n’est en rien suffisant.

Maintenant que je suis complètement dedans, je commence à me scandaliser de voir que les revues sérieuses de sciences humaines sont vendues à côté des magazines féminins et/ou d’astrologie plutôt qu’avec les sciences. Je commence à penser psychologie sur n’importe quel sujet de conversation, et même à réfléchir sur les conceptions qui me parlent et celles qui ne me parlent pas.

Je me suis même décidée à créer mon blog sur la psychologie pour pouvoir apprendre encore plus. Je me dis qu’il était franchement temps…

Pour clore, je retranscrirai juste mot pour mot ce qu’une prof nous a dit lors de notre premier cours en amphi : « La psychologie, on ne la choisit jamais par hasard ». Elle a parfaitement raison. »

Pour aller plus loin :

À lire aussi : La PACES, première année commune aux études de santé

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Les Commentaires

36
Avatar de mad'm'zelle
30 juin 2016 à 17h06
mad'm'zelle
Merci Madmoizelle de faire ces articles qui sont très constructifs quand on cherche sa voie !
0
Voir les 36 commentaires

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