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Parentalité

Comment la pédagogie Montessori est devenue la chouchoute des élites

Depuis dix ans, un rebond des écoles Montessori se fait sentir dans toute la France. La méthode séduit les parents aisés et les milieux intellos par la place qu’elle donne à l’épanouissement et à l’individualité de l’enfant tout en ayant une réputation d’excellence.

Entre les livres pour enfants, les rayons jouets et le matériel d’apprentissage, Montessori est partout. À l’origine, c’est une méthode d’apprentissage inventée par Maria Montessori dans l’Italie du début du 20e siècle.

Depuis une dizaine d’années, les écoles qui l’appliquent se multiplient à vitesse grand V. Elles étaient 125 en 2012 et déjà 169 en 2017, d’après une étude de la chercheuse Marie-Laure Viaud, soit un taux de progression de plus de 6% par an. Le nombre d’écoles signataires de la charte de l’Association Montessori Internationale, garante d’une bonne application des principes de la méthode, a doublé en dix ans. Et à la rentrée 2019, la Fondation pour l’école constatait que 40% des écoles hors contrat qui venaient d’ouvrir avaient choisi la pédagogie Montessori.

« Le boom de l’intérêt pour cette pédagogie est indéniable, et s’inscrit dans une montée en puissance générale des écoles alternatives », confirme Chrystel Huard, doctorante en sciences de l’éducation.

Apprendre de manière ludique grâce à la méthode Montessori, ça donne envie

Parmi ces écoles alternatives (comme Freinet et Steiner), Montessori fait l’objet d’un engouement particulier, en raison de son attachement au libre choix  des activités, à l’accompagnement bienveillant et au développement naturel de l’enfant explique Nadia Hamidi, de l’Association Montessori  de France (la branche française de l’AMI) :

« Montessori, c’est apprendre de manière ludique, nourrir la curiosité naturelle de l’enfant. L’adulte est là pour guider, observer, aider à développer ses potentialités. »

La pédagogue et médecin Maria Montessori avait dessiné des plans de développements pour toutes les tranches d’âge en fonction des caractéristiques et besoins de l’enfant. « Par exemple, entre 0 et 6 ans, l’enfant absorbe tout », explique Nadia Hamidi. « On travaille les images mentales, la manipulation d’objets, le développement sensoriel ».

Selon ces besoins, l’environnement de classe est préparé avec un matériel spécifique, établi par Maria Montessori : épuré, en matériau « noble » et aux couleurs vives, auto-correctif (l’enfant peut y corriger son erreur), concret (il peut casser). « L’adulte présente les objets à l’enfant, qui peut ensuite choisir duquel il se saisit, et y passe autant de temps qu’il le veut ».

Des parents plus attentifs au bien-être

Bref, tout est fait pour développer l’autonomie du bambin. Les classes vont de 25 à 30 élèves pour un éducateur et un assistant. Et ça, cela plaît de plus en plus aux parents, notamment les nouvelles générations, estime Nadia Hamidi :

« Les parents d’aujourd’hui ont un ou deux enfants, et font le maximum pour leur épanouissement. Ils s’instruisent sur l’éducation. Celle de Montessori, qui englobe le respect, la bienveillance et le développement social est peut-être une réponse à ce qu’ils auraient voulu avoir pour eux. »

« Ils voient aussi que l’école se primarise », ajoute Chrystel Huard. « On veut mettre des évaluations dès 3 ans. Pour beaucoup de parents, ça ne convient pas. Ils sont en recherche d’autre chose ».

Une évolution qui va de pair avec le changement de la place de l’enfant dans la société, estime Fabienne Serina-Karsky, docteure en sciences de l’éducation :

« On est plus attentifs au bien-être. Les parents ont compris que Montessori le prenait en compte et proposait un apprentissage joyeux et concentré. »

Montessoriche : entre élite aisée et milieux intellos

La chercheuse pointe que certains de ces parents, qui souhaitent que l’école publique change, décident de créer leur propre école Montessori… privée. L’écrasante majorité des écoles Montessori sont « hors contrat », donc non subventionnées par l’État (mais pas toujours gérées par des parents).

Les familles assument donc la totalité des frais, et paient entre 6.000 et 10.000€ par an pour la scolarité de leur enfant. Le prix de certaines écoles va même jusqu’à 14.000€, comme The Bilingual Montessori School of Paris.

Marie-Laure Viaud pointe dans ses recherches qu’une partie des écoles Montessori mettent en avant cette image de milieu privilégié et d’éducation d’excellence. « Peut-être que les parents voient que les élèves sont très en avance en mathématiques », avance Nadia Hamadi de l’AMF. « Certains sont capables de comprendre le système décimal à 4 ans par exemple ». Les rares études sur le niveau des enfants en Montessori relèvent surtout de très bonnes capacités en lecture en école maternelle

Marie-Laure Viaud constate également que ces écoles plus élitistes jouent sur l’envie de familles bourgeoises de faire comme les « stars » qui ont bénéficié de la pédagogie Montessori (le prince George, fils du prince William, Jeff Bezos, etc.). C’est que l’enseignement bilingue dès la maternelle et l’entre-soi de classes supérieures voire d’expatrié·e·s, de diplomates et consorts séduit encore.

Surtout, c’est la « moins subversive des pédagogies alternatives », d’après Marie-Laure Viaud, et la plus compatible avec un enseignement religieux (contrairement à la pédagogie Freinet, d’inspiration communiste et laïque). Celle de Rennes est une école catholique par exemple.

« L’entre-soi dans les écoles alternatives existe clairement », indique Chrystel Huard. « Mais il était plus évident il y a quelques années, quand la méthode était moins connue, moins visible. »

Les écoles Montessori : une volonté timide de démocratisation

Aujourd’hui, elle séduit bien plus largement : « il s’agit plutôt d’une question de niveau culturel », estime Chrystel Huard, qui indique que des parents pas forcément « aisés » font un sacrifice financier pour payer les frais élevés de scolarité. « Ils cherchent un enseignement plus respectueux d’un certain nombre de valeurs, et qui respecte l’individualité de l’enfant, son parcours intrinsèque ».

Ces écoles moins élitistes sont plutôt installées dans des quartiers mixtes socialement, où l’on trouve des foyers au capital culturel important (professeurs, psys, journalistes…), et insistent sur l’entraide et la solidarité. Certaines de ces écoles affichent une volonté de mixité, et adaptent leurs tarifs en fonction des budgets. À l’école du Colibri, dans la Drôme, les parents participent aux tâches (préparation des repas, travaux…) et ne paient « que » 115 euros par mois.

Dans de très rares cas, des écoles sont subventionnées, comme celles de Rennes, Roubaix et Latresne. Une manière d’offrir aussi aux familles de « classe moyenne en ascension sociale », pour reprendre les mots de Marie-Laure Viaud, « une pédagogie vécue comme à la fois élitiste et favorisant la réussite de tous ».

À lire aussi : L’école maternelle rend-elle les enfants sexistes ?


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

10
Avatar de Cmoilechat
30 juin 2021 à 12h06
Cmoilechat
Pas besoin d'être riche pour faire du Montessori, ça c'est ce que les gens qui le vende veulent faire croire.
Ma fille en 1ère année de maternelle avait une parti de sa journée rythmé par des "ateliers", en gros des activités Montessori a disposition sur une grande étagère, les enfants choisissaient l'atelier qu'il voulait faire, le déballe, "joue/travaille" et range. Les ateliers sont fait avec des objets du quotidiens, du sable, des graines, des figurines, des fruits de dinettes, des fiches plastifiées etc...
Quand je vois les prix des jouets "Montessori" qualifié de jeux libre ben mince !!!! alors que des Duplo (c'est cher aussi mais trouvable d'occasion) des playmobils, des cubes, des cailloux des feuilles du sable de l'herbe, le jeux libre est partout !
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