- Prénom ou pseudo : Kim*
- Âge : 45 ans
- Lieu de vie : une petite ville dans la métropole lilloise
- Orientation sexuelle et/ou romantique : réciprosexuelle. Je ne suis attirée que par les personnes qui me désirent, et j’ai attiré une majorité d’hommes.
Depuis combien de temps êtes-vous célibataire ?
Je me suis séparée du père de mes enfants il y a neuf ans. Puis j’ai eu une relation non cohabitante de deux ans qui s’est terminée il y a un an.
J’ai eu mon premier enfant à la vingtaine. J’ai vécu la grossesse, l’accouchement et ses premières années seule, et je ne cherchais déjà à l’époque pas forcément à rencontrer quelqu’un. En tout cas, je n’estimais pas avoir besoin d’être en couple pour être épanouie. Puis j’ai rencontré un homme, avec qui je suis restée dix ans. Je pensais avoir besoin de stabilité, alors je me suis laissée porter.
Pendant ma relation avec le père de mes enfants, je prenais la plupart des décisions, et je gérais intégralement le quotidien. Il était assez angoissé, et disait que cette charge était trop lourde pour lui. J’ai mis de côté ma vie professionnelle, à l’époque je pensais que c’était pour mes enfants, je me rends compte aujourd’hui que c’était surtout au bénéfice de leur père et de sa carrière. L’idée qu’il aurait pu faire sa part m’effleurait à peine à l’époque. Je bossais pourtant dans une asso féministe…
J’ai vécu ma séparation comme une vraie libération. Déjà, au quotidien, une personne en moins à gérer ! Je suis restée seule cinq ans après ça, je réalise aujourd’hui que j’avais aussi quelques traumas à digérer… Et j’avais peu confiance en moi, peur du regard d’un autre homme, et globalement pas envie de m’embêter avec ça ! J’ai testé les sites de rencontre à l’époque, mais ça m’ennuyait tellement… Je les désinstallais au bout de trois jours.
Finalement, au bout de cinq ans, j’ai réalisé que la solitude me pesait, et que certaines choses valent surtout quand on les partage. J’ai rencontré quelqu’un via une appli, et j’ai vécu deux ans d’une relation relativement toxique. C’était tellement agréable d’être aimée, désirée, de se croire écoutée. Mais c’était un homme dominateur, jaloux, exigeant… J’ai finalement réussi à le quitter, et aujourd’hui, au bout d’un an, je m’en remets doucement. Malgré mes quinze années d’expérience professionnelle dans le domaine du féminisme, je n’ai pas su réagir aux red flags, pourtant nombreux. Et je réalise que cette relation m’a rendue misandre, elle m’a donné une image des hommes catastrophique ! Je suis devenue incapable de relationner avec des hommes cis hétéros, je suis épuisée de devoir les « éduquer » aux bases de l’égalité. C’est quand même un comble de devoir lutter pour être juste considérée comme une égale et respectée à ce titre, y compris dans la sphère intime ! Ça me donne l’impression de bosser 24 heures sur 24.
Comment décririez-vous votre célibat ?
J’apprécie la solitude, j’ai plaisir à faire les choses seule : aller au ciné, en concert, en vacances.. J’ai toujours géré les choses par moi-même, y compris quand j’étais en couple (la fameuse charge mentale !), c’était donc une continuité, mais avec énormément de contraintes en moins.
Cela dit, c’est parfois difficile de prendre seule les décisions importantes, ça a un côté vertigineux par moments. Et ces dernières années, j’ai traversé pas mal d’épreuves compliquées. J’essaie depuis quelques mois de doucement me débarrasser de mon côté très endurci. C’était un réflexe de survie, mais ça finit par me peser. Cela dit, étant seule, je peux gérer toutes ces évolutions émotionnelles à mon rythme.
Votre célibat a-t-il une incidence sur votre vie amicale ou familiale ?
Je suis plus libre de mes mouvements, j’ai une vie amicale plus riche qu’avant. Je sens bien que la figure de la célibataire fait parfois un peu peur, je ne suis plus invitée aux « dîners de couples » traditionnels, mais c’est surtout la différence d’âge des enfants qui joue : mes amis ont des enfants en bas âge, quand les miens approchent de l’indépendance (et moi aussi !).
Au niveau familial, mes enfants ont un peu l’habitude de m’avoir pour eux seuls, mais ils ont très bien vécu ma dernière relation, je ne souhaitais de toute façon pas mélanger les choses. J’estime qu’à nos âges, on n’a plus à se contraindre à faire les présentations à la famille, et je préférais garder ma vie privée pour moi.
Quant à ma famille, ils sont assez tradis et ne conçoivent même pas que je puisse rencontrer quelqu’un (quel intérêt puisque j’ai déjà rempli ma fonction reproductive ?). Mais mon statut de célibataire m’a fait redescendre à une place quasi infantile : je ne suis plus invitée à certains repas, j’ai été déclassée. Par contre on me demande toujours comment va le père de mes enfants ! Qui d’ailleurs voit ma famille plus souvent que moi.
Estimez-vous que le célibat a un impact sur votre moral, au quotidien ?
C’est le sentiment de liberté qui prédomine. Et puis je suis très douée pour mettre le couvercle sur certaines émotions. Mais il m’arrive de temps en temps, dans les moments de vulnérabilité et de fragilité, de me sentir très seule et de rêver d’un peu de tendresse.
Pensez-vous qu’être célibataire vous permet des choses que vous ne pourriez pas faire en couple ?
Je suis plus libre de mes mouvements, ça c’est sûr ! Je fais les activités qui me plaisent, je sors, ou pas, je découvre de nouveaux lieux, concerts, théâtre… Ou je reste tranquillement chez moi si j’en ai envie.
J’évolue constamment aussi dans mon rapport au corps, à la séduction. Si j’ai beaucoup aimé en jouer à un moment, aujourd’hui je jouis de me libérer de ces carcans, je cherche moins à plaire, je me fais plaisir sans souci du regard des autres.
À l’inverse, pensez-vous qu’être célibataire vous empêche de faire des choses que vous pourriez faire si vous étiez en couple ?
Je n’ose pas encore aller danser seule, mais c’est en chemin. J’ai toujours rêvé de voyager en itinérance aussi, et je n’ose pas encore le faire seule. En même temps, quand j’étais en couple, je ne l’ai pas fait non plus.
Le lieu où vous vivez a-t-il un impact sur votre rapport aux relations amoureuses ?
Je suis un peu éloignée du centre ville (25 km), je dois prendre la voiture quand je veux socialiser. Ca raréfie les rencontres impromptues.
Cherchez-vous activement à trouver une relation amoureuse ?
Pas vraiment. J’ai des phases où je me sens seule et où j’ai envie de tendresse et de contact physique, mais à chaque fois que je m’inscris sur une appli de rencontre, je tiens maxi trois jours, je ne supporte plus de devoir me vendre et choisir sur catalogue. Ça me déprime à chaque fois. J’ai eu quelques rencards, je me souviens surtout d’un grand sentiment de vacuité en rentrant chez moi, malgré de chouettes moments en terrasse. Le côté programmé de la rencontre me gâche un peu le plaisir, j’ai l’impression de passer un entretien d’embauche. J’ai besoin de spontanéité dans la rencontre.
Sachant que je ne cherche pas une relation classique : je ne souhaite pas habiter avec quelqu’un, ni qu’on se voit tous les jours. Concernant la monogamie, je ne suis pas très fixée. Bref, pas envie de rejouer l’escalator amoureux. Mais sur les sites, c’est un peu « cherche épouse, ou bout de barbaque ».
Et puis, il y a un boulot énorme à faire auprès des hommes de ma génération, et je n’ai plus envie de ça, c’est épuisant. Il y a toujours un moment où je réalise qu’un gouffre nous sépare. Je rejoins Wittig, Despentes, etc. : est-ce que ces hétéros aiment vraiment les femmes, pour en parler et les traiter comme ça ?
D’un autre côté, je trouve peu de femmes de mon âge sur les applis. Est-ce que ça signifie que toutes les lesbiennes de 45 ans sont casées ?
Le célibat amoureux a-t-il un impact sur votre vie sexuelle ?
Je me contente de l’autoérotisme! J’ai fait quelques rencontres juste pour le sexe, c’était sympa humainement, mais finalement, le côté très programmé du truc a minoré mon excitation. Et puis, ça demande un boulot de gestion sur les applis, ça me donne l’impression de gérer une boîte dont je serais le produit. Trop de travail pour juste un plan cul. J’ai testé le libertinage en solo une fois, et le côté mécanique et performatif du truc ne m’amuse pas du tout. Je n’exclus pas d’y retourner pour tester à nouveau, mais je n’en ressens pas le besoin pour l’instant. Même dans la sexualité, j’ai besoin d’un échange, d’une complicité, et de légèreté.
Ressentez-vous une forme d’injonction à être en couple ?
Pas du tout. Je pense que tout mon entourage me voit comme célibataire, ils ont tellement l’habitude. Au niveau de la société, oui, je vois bien que l’archétype de la célibataire intrigue voire fait peur, ça m’amuse et m’agace en même temps quand on me parle de « mon mari ». Pour eux, une femme de 45 ans et 3 enfants a forcément un mari !
Estimez-vous que le célibat a un impact sur vos finances ?
C’est sûr que pour les prêts immobiliers, ça coince. Je vis chichement, mais j’arrive à partir en vacances pour pas cher, j’ai l’habitude de trouver des bons plans, de faire du troc, de cuisiner les restes… Si c’est le prix de l’indépendance, ça me va.
Quels sont vos projets pour le futur ?
J’ai décidé de suivre enfin mes envies, à mon rythme. C’est une phase de bilan de milieu de vie je pense. Je choisis de faire les choses qui m’apportent du positif, y compris professionnellement. Je me sens un peu libérée de mes contraintes parentales, alors je pense qu’il est temps de vivre.
Avez-vous une anecdote sur le célibat à partager ?
Le dernier rencard que j’ai eu sur une appli, avec un fan de rando comme moi. À un moment, il m’a demandé si j’avais des problèmes d’articulations ou de genoux. J’ai stupidement répondu que non, en bonne fille bien élevée à faire plaisir. En rentrant chez moi j’étais effarée, et de sa question, et de ma réponse. Ça m’a définitivement vaccinée des sites de rencontre, et du « marché de la bonne meuf ».
* Le prénom a été modifié.
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Les Commentaires
Plusieurs fois cela s'est retourné contre moi et ma compagne mon côté gentille qui est d'accord au départ pour faire plaisir puis qui change d'avis, etc...
Bref, comme je disais, l'art du compromis " éclairé ".