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Cinéma

A Good Man, mélo casse-gueule sur la grossesse d’un homme trans

Malgré le choix louable de montrer le désir d’enfant dans un couple composé d’un homme trans et d’une femme cisgenre, A Good Man, qui sort cette semaine, n’évite pas quelques maladresses.

Aude et Benjamin, jeune couple installé sur une île bretonne, file le parfait amour — lui infirmier à domicile, elle professeur de danse. Alors qu’Aude ne peut pas avoir d’enfant, Benjamin prend une décision : puisqu’il le peut, étant un homme trans, il décide de porter leur futur bébé.

La réalisatrice de A Good Man, Marie-Castille Mention-Schaar, s’est inspirée de la vie de deux hommes trans américains : Thomas Beatie, militant qui a été plusieurs fois enceint et qui a notamment participé à l’émission Secret Story en 2016, et Jacob Hunt, décédé en 2019, que le public avait découvert à travers le documentaire Coby

Elle a confié le rôle de Benjamin à Noémie Merlant, actrice fraîchement révélée par le chef d’œuvre Portrait de la jeune fille en feu avec laquelle elle a déjà tourné par le passé. C’est donc une femme cisgenre qui a joué le rôle d’un homme trans, répétant ainsi le schéma bien connu que la communauté trans dénonce depuis plusieurs années.

C’est pour cette raison qu’A Good Man est scruté depuis sa présentation à Cannes en 2020 et a déjà fait l’objet de virulentes critiques.

Pourquoi ne pas avoir confié le rôle de Benjamin à un homme trans ? Marie-Castille Mention-Schaar avait justifié son choix par des explications qui n’avaient que peu convaincu la communauté trans.

Au-delà de la polémique initiale, que retenir de A Good Man ?

Le couple plutôt que la parentalité

Beaucoup de médias le décrivent comme un film qui aborde la parentalité trans, mais en vérité, A Good Man montre au mieux la grossesse d’un homme trans — comment celle-ci va bouleverser son entourage, et dans une moindre mesure, comment elle défie notre idée de la masculinité. Que signifie être un homme, quand justement celui-ci vit une grossesse, expérience qui aux yeux de la société est un symbole de féminité ?

Être un parent trans, élever un enfant dans une société transphobe n’est finalement pas l’enjeu du film, puisqu’aux yeux de la société, Aude et Benjamin sont un couple tout à fait comme les autres. Dans A Good Man, c’est donc davantage leur relation, justement, qui est mis à rude épreuve par la grossesse de Benjamin.

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Noémie Merlant et Soko dans A Good Man

On retombe alors sur le même travers qu’Il est elle, à savoir qu’un personnage trans, que ce soit par son coming out, sa transition, ou ici sa grossesse, va perturber son entourage ou son couple, le faire imploser.

Un avant/après très cliché

Toute la première partie du film semble construite pour nous montrer à quel point Benjamin et Aude sont un couple comme on en croise tous les jours, dans leur petite vie tranquille au coeur du village côtier où ils se sont installés.

Benjamin est un homme trans, mais cela ne le définit pas : on le voit au travail, en famille, avec ses amis. Son identité de genre n’est pas centrale, et c’est un point suffisamment rare pour être souligné.

Après des années de représentations qui ne montraient que de la souffrance ou du mal-être, avoir un personnage comme Benjamin, épanoui, serein, n’est-ce pas là une façon différente de montrer un vécu trans, en l’ancrant dans le quotidien, dans une réalité qui parle à tout le monde ?

Mais après nous avoir montré la vie de Benjamin, la réalisatrice ponctue le film de quelques flashbacks pour montrer la vie d’avant sa transition, et la rencontre avec Aude. Était-ce utile ?

https://youtu.be/THyACbCB-HM

Hormis pour satisfaire la fascination du grand public pour les avant/après, entretenir l’idée d’une transition serait « réussie » parce qu’elle est indétectable, ces scènes n’apportent finalement que peu de choses à l’intrigue.

Sans oublier, que cet avant/après n’évite pas quelques lieux communs un peu lourds sur la féminité et la masculinité : avant sa transition, Benjamin boit du sirop d’orgeat quand il sort en boîte, après sa transition, il empoigne virilement sa bière au bar avec ses copains.

Personnage un peu taiseux et pragmatique, Benjamin ne s’épanche pas sur qui il est. Cela aurait pu être passionnant à regarder si cela n’était pas tombé dans des poncifs de la masculinité (jouer avec agressivité aux jeux vidéo, exiger son Big Mac quand il a faim) qui tombent, il faut bien le dire, à plat.

Un mélo qui étouffe la réflexion sur le genre

Impossible de ne pas sentir les bonnes intentions de la réalisatrice qui semble vouloir nous faire réfléchir sur ce qui fait un homme à travers la grossesse d’un futur père enceint, sur la façon dont son entourage la perçoit, la découvre, l’accepte ou la rejette.

Mais à être trop mélodramatique, A Good Man étouffe tout questionnement, ne pousse jamais à interroger nos normes, nos stéréotypes sur la famille, les rôles genrés, ce qu’est un homme ou un père.

Le film bifurque à mi-parcours sur les états d’âme du personnage d’Aude qui ne trouve plus sa place dans son couple. La grossesse finit par presque passer au second plan et l’intrigue semble patiner, multipliant des rebondissements pas toujours utiles, pour finalement résoudre tous les problèmes en vitesse afin de clore en happy end.

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Noémie Merlant et Soko dans A Good Man

La réalisatrice a voulu sensibiliser le grand public sur la transidentité, lui « ouvrir les yeux sur ce sujet », sans tomber dans de grands discours pédagogiques autour du genre on des théories queer. C’est très louable.

Mais malgré ses intentions et la conviction de ses actrices Noémie Merlant et Soko, le film reste finalement assez classique, presque un peu fade car desservi par des dialogues qui sonnent plus comme des envolées lyriques que comme des discussions entre de vraies personnes. Dommage.

À lire aussi : Que vaut Il est elle, le téléfilm TF1 sur une ado trans ?

Crédit photo : Pyramide Distribution

Les Commentaires

13
Avatar de Cococinulle
10 novembre 2021 à 15h11
Cococinulle
@Rose_Eth Attention, on évite de parler « d'une femme qui entame un parcours de transition pour devenir homme ». Les personnes trans, avant comme après leur transition, ont le même genre : celui qu'elles ressentent. Ce n'était pas une femme avant, c'était un homme, simplement un homme dans un corps considéré comme féminin.
Ce sont des sujets encore méconnus, c'est normal de faire des erreurs de bonne foi et de se poser des questions ! J'en profite juste pour rappeler ce point

Et j'ajouterai à ce message très juste qu'il y a aussi des personnes trans qui ne font pas de transition physique, et pour autant sont des hommes trans et des femmes trans.
Un homme trans (donc genre homme, mais avec un physique considéré comme féminin) est un homme, malgré son physique qui renvoit une autre imahe. (et idem pour une femme trans).
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