Attendu depuis deux ans… et pas très reluisant. Il y a quelques semaines, Causette révélait l’existence d’un rapport commandé par la préfecture au centre Hubertine Auclert en 2018 pour faire un état des lieux de l’accueil des femmes victimes de violences conjugales et/ou sexuelles dans les commissariats de Paris et sa petite couronne.
Problème : terminé en 2019, le rapport et ses conclusions n’ont pas été rendues publiques. Ce que n’a pas manqué de signaler la conseillère de Paris EELV Raphaëlle Rémy-Leleu, en interpellant le préfet de police Didier Lallement en novembre dernier.
La journaliste politique Léa Chamboncel a révélé ce jeudi 28 janvier sur Twitter que le fameux rapport a été mis en ligne sur le site de la préfecture de police, vraisemblablement ni vu ni connu.
Trois commissariats de Paris et de petite couronne ont été évalués à travers des entretiens, des observations, la collecte et l’analyse de procès verbaux, entre septembre 2018 et mai 2019.
Que nous montrent ces évaluations ? Déjà, que de grandes améliorations doivent être engagées.
Tout un ensemble de violences laissé de côté
Le relevé des violences laisse par exemple à désirer : seules les violences physiques graves sont considérées, laissant de côté d’autres types de violences, moins visibles, mais qui relèvent pourtant du cadre des violences conjugales, « psychologiques, sexuelles, économiques ».
De plus, certaines violences physiques sont clairement négligées car moins spectaculaires, comme les « gifles » et les « bousculades » :
« Pour les désigner, certains policiers ou policières parlent de “poussette”. Cela est d’autant plus dommageable que la victime elle-même peut avoir tendance à minimiser ces faits, y compris au cours de l’audition elle-même, et que ces faits doivent également être remis dans leur contexte pour en mesurer la gravité. ».
Concernant le harcèlement et le cyberharcèlement, ces manifestations de violences sont là aussi peu prises en compte, notamment parce que les traces numériques ne sont pas systématiquement considérées comme des preuves.
Enfin, les violences sexuelles ne sont que peu relevées : « Les viols conjugaux sont peu repérés et jugés difficilement caractérisables ».
Des clichés tenaces à l’égard des victimes
Le rapport constate un manque de confidentialité dans toutes les étapes de la procédure : de la salle d’accueil, où le passage et la présence d’autres personnes peut déstabiliser la victime, aux bureaux partagés où elle doit rendre compte de ce qu’elle a vécu, le processus n’est clairement pas en faveur d’une mise en confiance des personnes qui souhaitent porter plainte.
Le rapport signale aussi « une réelle difficulté à écouter la “victime”» et pointe le comportement adopté par les policières et les policiers comme « peu bienveillant » et « peu adapté ».
Il en ressort aussi que l’idée d’une bonne victime, qui serait capable de livrer un récit clair et détaillé des violences subies, sans oubli, sans hésitation, est encore très ancrée dans l’esprit des policiers et policières. « Les refus ou retraits de plainte, les incohérences dans le déroulé des propos, des attitudes de protection vis-à-vis de leur agresseur… sont des attitudes courantes des victimes qui sont encore sous l’emprise du partenaire violent et doivent gérer la peur des représailles », rappelle pourtant le rapport.
Certaines affaires sont encore enregistrées à travers le mobile « passionnel », montrant ainsi que la romantisation des violences dans le couple est encore bien présente.
Un « morcèlement de certains dossiers, au détriment des victimes », mais aussi un manque de « “culture“ de l’évaluation du danger » ont aussi été observés.
Le rapport fait également état d’une forme de démotivation : « Les policiers et policières nous ont fait part de leur “lassitude” ou “impuissance” en particulier face aux affaires dites “connues”, pensant que leur travail est vain, car la victime ne part pas du domicile ou ne veut pas déposer plainte. »
Or, indique le rapport, c’est justement dans ces situations qu’il faut redoubler de vigilance :
« Il est important que le policier et la policière prenne en considération le fait que ces interventions multiples, ces dépôts de plaintes et retraits éventuels font partie du parcours de la victime, et que chaque procédure effectuée de leur côté est utile dans ce parcours. La qualité du lien de confiance qui sera établi dès la première intervention de la police sera déterminante pour le parcours de la victime. »
Pour la préfecture de police, les choses vont déjà mieux
Le rapport indique aussi les bonnes pratiques, celles déjà mises en œuvre et constatées dans les commissariats évalués, et celles recommandées pour améliorer de façon concrète cet accueil des victimes de violences conjugales, qui est loin d’être à la hauteur.
Après avoir enterré pendant deux ans le rapport, pourquoi la préfecture de police a-t-elle – très discrètement – changé d’avis ? « Les dispositifs ont largement évolué depuis. Il ne reflète plus la réalité de la prise en charge des commissariats », a-t-on indiqué à Causette.
De l’histoire ancienne, donc ? On se permet d’en douter : Selon l’enquête menée par Nous Toutes en mars 2021, 66% des répondantes font état d’une mauvaise prise en charge par les forces de l’ordre lorsqu’elles ont voulu porter plainte pour des faits de violences sexuelles.
À lire aussi : Les victimes de violences conjugales pourront porter plainte ailleurs qu’au commissariat. Une bonne nouvelle, vraiment ?
Crédit photo : MART productions via Pexels
Si vous ou quelqu’un que vous connaissez est victime de violences conjugales, ou si vous voulez tout simplement vous informer davantage sur le sujet :
- Le 3919 et le site gouvernemental Arrêtons les violences
- Notre article pratique Mon copain m’a frappée : comment réagir, que faire quand on est victime de violences dans son couple ?
- L’association En avant toute(s) et son tchat d’aide disponible sur Comment on s’aime ?
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Les Commentaires
1) une de mes connaissances a voulu devenir flic. Il a été sidéré par leur manque de moyens, partout, pour tout, ainsi que leurs recrutements avec attentes au rabais. Et quand je parle de moyens, c'est aussi bien humains que financiers.
2) possible que ça aie changé depuis,.mais en 2019 leur formation pour prendre en charge les victimes de violences conjugales c'était... 3 heures de formation dont 2 heures de film ! Autant dire qu'une fois face à une victime, ils devaient improviser ! Pas étonnant que les accueils aient été si inhumains, en 3 heures on ne retient pas les signes, on ne comprend pas ce que traverse une personne sous emprise, on apprend seulement que ça existe ! Après les détails... pas l'temps...
J'espère vraiment qu'ils seront mieux formés, et pas que sur base du volontariat. Mais comme toujours. Auront-ils le temps et les moyens nécessaires ?