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Source : Alex Green
Société

Les ados aussi peuvent être victimes de violences conjugales, et c’est une réalité sous-estimée

Les adultes ne sont pas les seules personnes à pouvoir être victimes de violences conjugales. Cela peut aussi concerner des ado, donc des personnes mineures, à un âge où l’on est particulièrement vulnérable et pas toujours pris·e au sérieux. Sans compter le fait que ces violences conjugales peuvent aussi se dérouler dans le dos des parents. Témoignages et décryptage.

Dans l’imaginaire collectif, la victime de violence conjugale est une femme adulte battue avec des enfants, eux aussi, victimes. Néanmoins, les violences conjugales ne se résument pas qu’aux coups, et les victimes ne sont pas que des mères de famille. Mal informées, trop peu accompagnées et encore moins entendues que leurs aînées, les jeunes femmes ou adolescentes passent totalement sous le radar.

« J’étais avec un mec qui était un grand sportif, joueur de rugby en semi-pro, très musclé […]. Comme j’étais la petite meuf grosse du lycée, j’étais très surprise qu’il accepte de sortir avec moi », se souvient Laetitia, aujourd’hui trentenaire. Si cette première histoire semble démarrer de manière idyllique pour elle, la relation prend peu à peu un autre tournant : « Il contrôlait mon alimentation. Je devais lui envoyer des photos de tout ce que je mangeais. Quand on était au resto, c’est lui qui choisissait mes plats. » Ces comportements, que Laetitia qualifie aujourd’hui de grossophobes, s’apparentent aussi à des violences conjugales.

Pourquoi les violences conjugales entre ados sont-elles déconsidérées ?

Humiliations, chantages, violences sexuelles, physiques ou verbales, contrôle coercitif… Un sondage réalisé en 2021, sur un panel d’environ 3 000 jeunes femmes de 12 à 24 ans, faisait le constat édifiant de 9 victimes sur 10 de violences conjugales au cours de leur adolescence et vie de jeune adulte. Pour lutter contre cet inquiétant phénomène, Ynaée Benaben a cofondé l’association En avant toutes il y a dix ans. Elle explique pourquoi les violences vécues par les adolescentes sont autant déconsidérées : « Les premières amours sont perçues dans la société comme quelque chose de beau, de naïf, de pas très important à cet âge-là. En réalité, avoir moins de 25 ans, c’est être vulnérable, c’est un moment de rupture, de distanciation, où l’on peut être particulièrement isolé·e. On a un besoin de se prouver des trucs à soi, on va davantage résister à demander de l’aide. »

En mettant en place un tchat en ligne, accessible tous les jours sauf le dimanche, 13 salarié·e·s de l’association se relaient pour répondre à plus de 6 000 demandes chaque année : « On a très vite compris que si les jeunes filles n’allaient pas vers les structures en place, c’est que ça ne leur parlait pas, que ce soit dans les dispositifs ou dans les campagnes de pub. Téléphoner fait peur, alors qu’on écrit tout le temps, du coup, le tchat semblait plus adapté », analyse-t-elle.

Un problème qui touche aussi les jeunes LGBTQI+ 

Si la majorité des victimes sont des jeunes femmes dans des relations hétéros, la directrice de l’association constate une hausse de demandes de la part des jeunes LGBTQI+ : « C’est un public qui subit aussi d’autres types de violences, qui est parfois encore plus isolé avec un rejet de l’entourage et peu de personnes à qui se confier. » Sur le site Comment on s’aime de l’association, des articles explicatifs sur les relations sont disponibles en plus du tchat.

Des ressources plus que nécessaires qu’aurait aimé trouver Nora, à l’époque où elle sortait avec une fille, qui se disait pourtant féministe : « Ça a commencé par des remarques désobligeantes, puis un contrôle de mes sorties, de mes tenues. J’étais en hyper vigilance, j’avais tout le temps peur de dire ou faire un truc qui n’allait pas et de me faire engueuler par derrière. » La relation s’envenime vite, avant d’atteindre un point de non-retour après une énième dispute où Nora ose faire part de son désaccord : « Elle m’a alors projeté contre le mur, puis m’a rouée de coups, mordue, griffée, toute la nuit. » Elle décide ensuite de partir pour de bon, profondément traumatisée. Mais avant ce violent déclic : « J’étais totalement dans le déni, je lui trouvais des excuses, je me disais que ça ne pouvait pas m’arriver à moi, aux hétéros oui mais pas aux lesbiennes », explique-t-elle.

Cette honte de parler, c’est aussi ce qu’a vécu Gunter, jeune homme trans de 28 ans, qui, avant son coming-out, a vécu une relation avec un garçon cis-hétéro à la sortie du lycée. « On était dans une ville où il commençait à être un peu connu localement avec sa musique. Il était très dépensier, il me mettait une grosse pression pour que je lui achète des trucs, j’ai même pris un crédit pour lui. »  Alors que son ex l’isole, lui interdit peu à peu de voir d’autres personnes, contrôle sans arrêt son ordinateur et son téléphone, son entourage ne se rend compte de rien : « Ma famille l’adorait, ses potes le trouvaient génial, on était considéré comme un couple modèle. Mais de l’intérieur, c’était un enfer. Ce type reste une ordure et personne ne le sait. »

S’en sortir 

Pour l’une, il s’agissait d’un rugbyman considéré prometteur, pour la deuxième une militante féministe, et pour le dernier un aspirant rappeur. Si Laetitia, Nora, et Gunter ont chacun·e vécu une histoire différente, tou·te·s relatent des mécanismes semblables : l’isolement, la dévalorisation, l’inversion de la culpabilité, des menaces pour créer la peur au sein du couple, et assurer son impunité en dehors aux yeux des autres, avant de se conclure par d’autres violences plus pressantes encore.

Pourtant, ce cycle peut être brisé, et les proches, ami·e·s, familles, personnels éducatifs, collègues ont un véritable rôle à jouer. Selon Ynaée Benaben : « Chaque année sur le chat, nous avons 5 à 10 % de questions venant de témoins qui veulent aider un.e proche. » Pour la responsable associative, en parler ne suffit pas, il faut également que les dispositifs – qui existent pourtant – soient mieux coordonnés : « On a un éparpillement de mesures qui existent pour le logement, la santé, l’emploi mais qui ne sont pas reliés, ce qui fait perdre un temps monstre. Il faut certes plus d’argent, mais aussi plus de cohésion entre tous les dispositifs, entre l’État et les associations. »

L’autre aspect primordial pour elle, c’est la prévention. « On ne peut pas faire que du palliatif, il faut s’attaquer à la racine du problème. Il faut développer des pédagogies, déployer des interventions massives auprès des jeunes. C’est du long terme. »

Si vous vous posez des questions, si vous sentez qu’une ou un proche a besoin d’aide, vous pouvez consulter le site Comment on s’aime, et dialoguer dans le tchat.

Violences conjugales : les ressources

Si vous ou quelqu’un que vous connaissez est victime de violences conjugales, ou si vous voulez tout simplement vous informer davantage sur le sujet :


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Les Commentaires

8
Avatar de Pipistrelle.
6 novembre 2023 à 07h11
Pipistrelle.
S'agissant des hommes violés, hier je suis tombée sur une vidéo qui en parlait. En voyant le titre de la vidéo je me suis demandé s'ils allaient aborder les hommes violés par des femmes et il y a bien eu un témoignage, les autres étant des hommes violés par des hommes. Le sujet est un tabou absolu. C'est déjà dur d'en parler pour un mec quand il a été victime d'un homme, mais alors d'une femme... Enfin j'imagine les regards en coin et les rires goguenards des policiers qui recevraient ce genre de plainte. Pourtant je connais au moins deux mecs à qui c'est arrivé et je suis sûre qu'il y a plein d'autres cas qui pourraient être considérés comme tels, sauf qu'ils passent complètement inaperçus à cause des représentations dominantes sur la sexualité hétéro. Même les femmes violeuses ne doivent pas se rendre compte qu'elles franchissent une ligne jaune, puisque les hommes sont supposés être toujours partants.
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Voir les 8 commentaires

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