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Droits fondamentaux // Source : Matt Hrkac
Société

Un an après Roe vs. Wade, un documentaire brillant analyse les menaces qui pèsent sur l’IVG en Europe

Le 24 juin 2022, les États-Unis entamaient un retour en arrière majeur avec l’abrogation historique de l’arrêt Roe vs. Wade, qui garantissait depuis près de 50 ans le droit à l’IVG pour des millions d’États-uniennes. Esther Meunier et Marie de Brauer, réalisatrices, se sont intéressées à ce moment de bascule et aux menaces qui pèsent sur les droits reproductifs et sexuels en Europe. Leur documentaire, d’utilité publique, est en accès gratuit sur YouTube. Rencontre.

En juin 2022, la Cour Suprême des États-Unis, à majorité conservatrice, décidait de révoquer l’arrêt Roe vs. Wade, en place depuis une cinquantaine d’années. Dans la foulée, près de la moitié des États du pays choisissaient de mettre en place des lois restrictives pour entraver, ou interdire entièrement, le droit à l’avortement de leurs citoyennes.

Qu’en est-il en Europe ? Nos droits reproductifs et sexuels sont-ils menacés ? Doit-on craindre pour notre accès à l’IVG, à la contraception, à une éducation sexuelle de qualité ? Dans un nouveau documentaire proposé en libre accès sur YouTube, Esther Meunier et Marie de Brauer reviennent sur ce climat d’incertitudes et dressent un portrait rempli d’espoir de celles qui se battent au quotidien pour affirmer ou reconquérir nos droits.

Interview d’Esther Meunier, journaliste, autrice et coréalisatrice de « Vous devrez rester vigilantes ».

Madmoizelle. Quelle a été la genèse du projet ?

Esther Meunier. C’est un projet qui a germé il y a environ cinq ans. À l’époque, je travaillais comme journaliste pour Madmoizelle et avais monté une série de reportages dans différents pays où le droit à l’IVG était illégal ou menacé. Nous avions prévu un dernier volet aux États-Unis, où nous sentions une fragilité certaine… Mais ce projet n’a finalement pas vu le jour. En 2022, l’abrogation de Roe vs. Wade a agi pour moi comme un catalyseur. J’ai su qu’il fallait que je termine ce que j’avais entrepris.

Pourquoi avoir choisi cette phrase de Simone de Beauvoir, « Vous devrez rester vigilantes » comme titre pour votre documentaire ?

Parce qu’elle résume parfaitement l’enjeu du documentaire. Elle symbolise cette urgence à rappeler que, si la situation se détériore dans beaucoup d’endroits, elle peut aussi s’améliorer à condition de ne pas baisser la garde. Le backlash que nous observons ne date pas d’hier. Ne le minimisons pas, mais ne le surestimons pas non plus.

Aujourd’hui, ce qu’il faut retenir, c’est cette forme de nouvelle offensive, ce sursaut de survie que l’on observe à une multitude d’endroits. C’est pour cela que nous voulions montrer les visages de ces militantes, qui se battent au quotidien pour reconquérir nos droits, dire qu’il est possible de les rejoindre, de se mobiliser à leurs côtés.

Paxton Smith, l’activiste texane que j’interroge dans le documentaire, le dit très bien : les choses iront mieux, mais avant cela, elles vont aller bien plus mal. Cela ne veut pas dire que la bataille est perdue d’avance. Loin de là. Gardons espoir.

Vous faites un parallèle entre le droit à l’avortement, les droits des personnes LGBTQIA+, les droits des femmes… Pourquoi est-ce important ?

Tout est lié. Ensemble, ces droits forment ce que l’on appelle « les droits reproductifs et sexuels ». Les groupes qui en attaquent un, attaquent rapidement le reste. Qu’ils commencent par s’en prendre à la contraception ou aux droits des personnes trans importe peu : leur agenda politique global est, de toute façon, fondé sur des dynamiques racistes et un objectif d’hégémonie patriarcale cis-hétérosexuelle.

L’European Parliamentary Forum le montre bien dans ses rapports : il existe une constellation d’organisations en Europe qui œuvrent ensemble pour pousser une vision ultra-conservatrice de ce à quoi nos sociétés devraient ressembler.

Il faut faire attention aux signaux envoyés par certains partis politiques (comme le Rassemblement National) en matière de droits sexuels et reproductifs qui se cachent derrière des arguments natalistes.

Dans le documentaire, vous montrez que des personnes ont toujours avorté et que d’autres ont toujours voulu les en empêcher…

Oui, c’est un rappel historique : vous ne pourrez jamais interdire l’avortement, vous interdirez seulement l’avortement sécurisé. Les militants qui se disent pro-vie sont loin de l’être : leurs actions mettent en péril la santé et la vie d’autrui. Il est parfois moins risqué d’avorter que de mener une grossesse à terme !

Si ce débat a toujours existé, en quoi l’abrogation de Roe vs. Wade constitue-t-elle un tournant ?

On ne peut pas négliger le rôle du modèle culturel proposé par les États-Unis, ni l’influence considérable du soft power américain. L’abrogation de Roe vs. Wade a donné une sorte de légitimité aux autres gouvernements du monde entier : voir qu’un droit que l’on pensait inaliénable puisse être ébranlé si facilement aux USA, donne du poids à ceux qui refusent de le légaliser chez eux, ou qui souhaitent revenir en arrière. On le voit en Pologne ou en Hongrie, où les lois restrictives se sont multipliées ces derniers mois.

Hazal Atay, chercheuse sur les politiques de genre en Turquie que nous interrogeons dans le documentaire, le dit bien : un modèle qui existe une fois quelque-part inspire d’autres pays à faire de même. Cela veut dire qu’il est crucial de permettre à des modèles positifs d’exister. La France qui propose de constitutionnaliser le droit à l’IVG est un pas dans la bonne direction : c’est un exemple fort, qui dit que nous considérons l’accès à l’avortement comme un droit inaliénable.

Le documentaire « Vous devrez rester vigilante » est disponible sur la chaîne YouTube Esther Reporter et sous la forme d’extraits publiés régulièrement sur les comptes Instagram et Tik-Tok @estherreporter et @mariedebr


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