La charge mentale écologique au sein du foyer et le travail domestique gratuit reposent majoritairement sur les femmes, les femmes et minorités sont les premières victimes du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, le soin des humains comme des non-humains est un sujet majoritairement pris en charge par les femmes — notamment à cause de l’éducation patriarcale…
L’écologie et le féminisme sont intrinsèquement liés ; l’éco-féminisme n’a jamais eu autant le vent en poupe en France.
Quels sont les liens entre écologie et oppression des femmes ? Comment s’exprime le patriarcat face à l’écologie ?
Un décryptage s’impose pour que vous puissiez y voir plus clair !
La charge mentale écologique, une pression de plus pour les femmes
Végétaliser l’alimentation, trouver les alternatives écologiques aux produits du quotidien, pratiques zéro déchet…
Si elle peut être satisfaisante et gratifiante, l’écologie du quotidien est une charge mentale supplémentaire pour les femmes et les enferme souvent dans une culpabilisation individuelle, une volonté de tout bien faire au sein de leur foyer qui ne leur permet pas une émancipation politique.
Les femmes et minorités : premières victimes du dérèglement climatique
Comme évoqué dans mon article Pourquoi l’écologie individuelle ne résoudra pas la crise environnementale, les premières victimes du dérèglement climatique sont les femmes (ainsi que les classes populaires, les minorités et personnes racisées).
Les femmes, principalement des pays dits du Sud, sont en première ligne des catastrophes naturelles : sécheresses, tempêtes, inondations… Selon une étude d’Oxfam publiée après le tsunami dévastateur en Indonésie (2004), 70% des victimes d’une région étudiée étaient des femmes.
80% des personnes déplacées par les catastrophes et les changements climatiques dans le monde sont des femmes et des filles.
Les femmes sont 14 fois plus susceptibles de mourir lors d’une catastrophe naturelle que les hommes (Genre et Catastrophes, Bureau pour le prévention des crises et le relèvement, PNUD, 2010) : dans certaines régions sensibles, elles n’ont pas accès au système d’information et d’alerte lorsqu’elles sont enfermées chez elles ou n’ont pas le droit de sortir toutes seules. Les femmes sont également ralenties dans leur fuite puisqu’elles cherchent davantage à protéger leurs enfants. Elles sont également souvent exclues des prises de décisions politiques qui ont un impact déterminant sur le dérèglement climatique.
Selon l’organisation Care :
« Face aux impacts du changement climatique sur les moyens de subsistance, la migration est une stratégie principalement utilisée par les hommes, et les jeunes femmes restées au village font face à une charge de travail supplémentaire. »
Le soin des humains et des autres, la tâche des femmes
Le care (soin et attention portés aux autres) est principalement porté par les femmes au quotidien — non pas parce que ce sont des qualités féminines par essence, mais parce que les instances de socialisation (parents, école, famille…) leur apprennent à être plus douces, plus attentives aux autres, etc.
L’observatoire des inégalités mentionne que :
« Les femmes sont surreprésentées dans les professions incarnant les “vertus dites féminines” (administration, santé, social, services à la personne) : 97% des aides à domicile et des secrétaires, 90% des aides-soignants, 73% des employés administratifs de la fonction publique ou encore 66% des enseignants sont des femmes. Des métiers souvent peu rémunérés. »
D’ailleurs, 77% des rendez-vous pris pour un proche sur Doctolib ont été réservés par des femmes en 2022 — cela fait partie de ce qu’on appelle la charge médicale. (Moi qui pensais que les hommes savaient utiliser Internet !)
Il paraît donc logique que les femmes portent davantage l’écologie dans leur vie quotidienne, puisque l’écologie est également basée sur le soin et l’attention portée aux humains, aux humaines et aux autres formes de vie, pour éviter les causes et conséquences du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité.
Mais quels sont les comportements dits « masculins » qui renforcent les inégalités de genre sur la question climatique ? Nous allons voir que, sans surprise, le patriarcat — et le virilisme qui en découle — est une des causes de la catastrophe climatique…
Les hommes, plus enclins à la pollution individuelle et au climato-scepticisme
Dans un article de Médiapart dédié au genre dans la question climatique, la chercheuse américaine en sciences politiques Cara Daggett explique notamment une lecture féministe passionnante du climato-scepticisme (aussi désormais appelé « climato-négationnisme ») grâce au concept de « pétro-masculinité ».
Ce concept défini en 2018 permet de faire le lien entre la consommation d’énergies fossiles, le climato-scepticisme, la société conservatrice occidentale / extrême-droite et la masculinité hégémonique. (À noter que l’extrême-droite met toutefois de plus en plus en avant l’écologie dans ses argumentaires, donnant lieu à une menace éco-fasciste de plus en plus prégnante.)
Le lien entre virilité, pollution individuelle et défiance vis-à-vis de l’écologie se confirme également dans une étude parue sur le Journal of Consumer Research relayée et décryptée par Scientific American un an plus tard.
Une autre étude publiée dans le Journal of industrial ecology, revue scientifique affiliée à l’université de Yale aux États-Unis, montre le lien entre passions dites « masculines » et pollution en révélant notamment que les hommes suédois dépensent 70% de plus de carburant que les femmes. Un article de Reporterre relatant cette étude explique :
« Pour un niveau de dépenses à peu près égal, les hommes émettent 16% de CO2 de plus que les femmes, notamment en raison de leur usage plus prononcé des véhicules à quatre roues.
Pour le dire autrement, un Suédois émet 10 tonnes de gaz à effet de serre tous les ans, contre 8,5 pour une Suédoise. »
Par ailleurs, le mode d’alimentation des hommes émet 41% plus de gaz à effet de serre que le mode d’alimentation des femmes, selon une équipe de chercheurs britanniques. La cause : la consommation de quantité disproportionnée de viande et de boissons hors-eau.
Le lien entre masculinité hégémonique et alimentation carnée se confirme à d’autres égards puisque 24% des hommes se nourrissent de viande tous les jours contre 15% de femmes selon un sondage effectué par l’institut DemoSCOPE mandaté par l’organisation Swissveg en Suisse.
Par ailleurs, 70% des personnes végétariennes en France sont des femmes. En revanche, 60% des personnes qui excluent tout produit d’origine animale de leur alimentation (végétalisme) sont des hommes (le virilisme / jusquauboutisme peut là encore expliquer ce chiffre ainsi).
Comme quoi, quand les hommes cuisinent, ils peuvent le faire sans produits d’origine animale, voilà qui est rassurant !
Comme vous pouvez le constater, patriarcat et écologie ne sont donc pas compatibles… Alors à nous de lutter contre le premier et les comportements qui en découlent collectivement pour construire une société plus juste, socialement et écologiquement !
Crédits de une : Callum Shaw / Lewis Parsons / Unsplash
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Les Commentaires
Je suis tout à fait d'accord avec toi pour dire que le féminisme est une grille de lecture parmi d'autres et qu'elle a son intérêt. Après tout, la quasi-totalité des sociétés - au moins en Occident - est patriarcale et la vision féministe peut permettre de mettre en évidence la composante patriarcale de chaque sujet, y compris l'écologie. Si je peux prendre une métaphore géométrique, chaque sujet est un vecteur dont les composantes - ou coordonnées - peuvent être déterminées par une projection dans le plan approprié. Le patriarcat est un de ces plans et le féminisme est la projection associée.
Le problème, selon moi, c'est la pensée de système qui consiste à considérer qu'un seul plan est représentatif de l'ensemble des plans (pour filer la métaphore, ça consisterait à dire que le vecteur est en réalité unidimensionnel) de sorte qu'une grille de lecture serait suffisante en ce qu'elle englobe et dépasse toutes les autres. Je retrouve des indices de cette pensée de système dans l'article, notamment par l'interprétation pour le moins alambiquée des statistiques qui s'apparente à de la mauvaise foi et à une volonté d'expliquer absolument tout par le seul patriarcat. Utiliser une grille de lecture féministe oui, faire "rentrer au chausse-pied" tout élément d'information dans cette grille de lecture, non.
Par ailleurs, à vouloir faire du féminisme une idéologie totale, on en oublie son intérêt premier - et je suis d'accord avec toi à ce sujet - : défendre la cause des femmes. En extrapolant le féminisme à des sujets connexes puis à des sujets de plus en plus éloignés, on délaisse le cœur (les droits des femmes) au profit de l'intersection du féminisme avec les autres sujets (écoféminisme, féminisme décolonial, antiracisme féministe, féminisme anti-libéral, etc.).