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Féminisme

Le saviez-vous ? Sans le patriarcat, on aurait eu des valises à roulettes bien plus tôt

Un homme, un vrai, ça porte sa valise tout seul, n’est-ce pas ? Figurez-vous que c’est à cause de cette idée idiote que la commercialisation de la valise à roulettes a mis tant de temps. Dans C’est bien une idée de fille !, l’autrice Katrine Marçal raconte la sexiste histoire des innovations.

Nous connaissions la roue depuis des millénaires et pourtant l’être humain n’a pensé à mettre des roulettes à sa valise qu’au XXe siècle.

C’est par ce constat mi-effaré mi-amusé que débute le livre de l’autrice suédoise Katrine Marçal C’est bien une idée de fille ! Comment le monde claque la porte aux idées des femmes, publié chez Autrement en octobre dernier.

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Elle y décortique comment le sexisme et les stéréotypes de genre ont forgé les innovations mais aussi provoqué certains retards et certaines erreurs, comment, si l’on avait su au bon moment mettre de côté les préjugés, des avancées et des progrès auraient pu être accomplis.

L’échec de la valise à roulettes

C’est un certain Bernard Sadow qui, après avoir songé à fixer des petites roues à ses valises, a déposé le brevet de son invention en 1972 :

« Quand Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins revinrent sur Terre, ils prirent leurs valises par la poignée, les portant comme cela se faisait depuis l’invention de la valise moderne au milieu du XIXe siècle.

La question n’est donc pas de savoir pourquoi Bernard Sadow a eu l’idée qu’il fallait des roulettes aux valises, la vraie question est : pourquoi cette idée ne nous est-elle pas venue plus tôt ? »

Avant ce bon vieux Bernard Sadow, d’autres avaient pourtant essayé sans rencontré de succès retentissant.

Dans les années 1940, en Angleterre, deux inventeurs avaient inventé un dispositif de sangles et de roues permettant de tirer sa valise. Idem pour Sylvan Goldman aux États-Unis, qui avait imaginé un caddie roulant une décennie plus tôt — l’objet n’avait pas rencontré non plus son public.

Dans les années 1960, Bernard Sadow fait lui aussi chou blanc avec son invention révolutionnaire, et pour cause : la société n’est tout simplement pas prête, explique Katherine Marçal. La valise à roulettes fait davantage sourire qu’elle ne convainc les acheteurs.

« Nous rejetons généralement les nouvelles idées si nous les percevons comme trop “simples” ou “évidentes” » explique l’autrice pour justifier l’échec d’alors.

Une roulette trop évidente… mais pas que

Mais ce n’est pas uniquement la simplicité de la roulette pour déplacer un objet lourd qui est en jeu. Il est aussi question de normes de genre.

En lui permettant de faire rouler sa valise sans effort, l’homme était privé de faire la démonstration de sa force, et donc de sa masculinité. Comment faire preuve de galanterie sans porter les bagages de sa femme avec ses gros muscles ? Comment montrer sa place de chef de famille sans pouvoir porter la charge de tout le foyer sur ses épaules solides ?

Oui, ces petites roulettes, d’apparence inoffensives, avaient un sérieux pouvoir émasculateur

D’autant que l’arrivée de la valise à roulettes permet aux femmes de se déplacer en toute autonomie et sans l’aide de personne. Une véritable preuve d’émancipation qui accompagne une révolution pour le marché de la bagagerie.

« Comment cette notion plutôt hasardeuse selon laquelle “un homme, un vrai, porte sa valise” a-t‐elle pu être assez forte pour contrecarrer ce que nous considérons maintenant comme une innovation évidente ?

Comment notre vision dominante de la virilité a-t‐elle pu être plus obtuse que le désir du marché de gagner de l’argent ?

Et comment l’idée rudimentaire que les hommes devaient porter des choses lourdes a-t‐elle pu nous aveugler au point de ne pas voir le potentiel d’un produit qui allait transformer toute une industrie mondiale ?

Voilà comment, à travers l’invention de la valise à roulettes telle que nous la connaissons aujourd’hui, Katrine Marçal défend l’idée que l’innovation doit s’envisager aussi au travers du prisme de l’évolution de la société.

« La capacité à changer un mode de pensée est l’ingrédient qui manquait pour qu’une valise à roulettes devienne réalité. Il fallait pouvoir se représenter des consommateurs masculins privilégiant le confort à l’effort, ainsi que des femmes voyageant seules. Alors seulement la valise à roulettes pouvait s’imposer pour ce qu’elle était : une innovation qui tombe sous le sens. »

Envie d’en savoir plus sur ces grands progrès ? Le livre de Katrine Marçal regorge d’anecdotes et d’histoires pour comprendre les grands progrès contemporains à la lumière du genre.

Dévorez C’est bien une idée de fille !, 19,90€

À lire aussi : Avant Harry Styles et Lil Nas X, ces hommes ont dégenré la mode chacun à sa façon

Crédit photo : Daria Shetsova via Pexels


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Les Commentaires

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Avatar de shigurette
27 août 2023 à 15h08
shigurette
Quant à la thèse selon laquelle le patriarcat serait responsable du peu de succès commercial de la valise à roulettes, on est face à un sophisme manifeste : supposer qu'une explication – parce qu'elle est possible – est nécessairement l'explication ; ce sophisme étant ici rendu possible par le fait que la conclusion a en fait précédé l'analyse.
Alors pour avoir lu le livre, l'effet du patriarcat sur les inventions et les innovations est l'angle du livre (qui n'est pas un ouvrage scientifique, mais un essai qui défend une thèse). Tous les exemples du livre sont donc étudiés sous cet angle. ça ne veut pas dire que c'est la seule explication, c'est juste que c'est la seule à laquelle on s'intéresse pour décrire un système plus long. Il ne s'agit pas tant de faire une histoire complète et exhaustive de l'invention de la valise à roulette que d'utiliser cette histoire pour expliciter et illustrer un argument.
L'idée sur l'exemple de la valise à roulette est que c'est une idée simple qui a émergé tard dans l'usage de la valise, à multiple moment et n'a pris que quand la valise à roulette a été utile aux hommes (plus précisément les pilotes de lignes). D'autant plus qu'avant, il était relativement mal vu qu'une femme voyage seule et librement.
Bref, pour qu'une invention soit commercialisée à grande échelle, il faut qu'elle s'intègre dans les mentalités de l'époque et en particulier ne s'oppose pas aux stéréotypes de genre.
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