130 millions de dollars au box-office, une comédie musicale à Broadway, des inspirations presque quotidiennes à travers des gif, des répliques qu’on connait par cœur, ou encore, un clin d’œil signé Ariana Grande. L’aura de l’iconique Mean Girls est bien trop lucratif pour ne pas attirer l’attention des producteurs. Moins de vingt ans après le film de 2005, ce qui devait arriver arriva : Paramount débarque avec une nouvelle version, qu’on a envie d’aller voir ne serait-ce que pour comprendre ce qu’elle a bien trouvé à ajouter au film original.
Mean Girls, de quoi ça parle ?
Après avoir grandi au Kenya, Cady Heron débarque dans un nouveau lycée, dont elle côtoie rapidement l’élite sociale, « Les Plastiques », dirigé par leur queen Regina George et ses sous-fifres Gretchen et Karen. Mais quand Cady a un crush sur Aaron, elle ne réalise pas tout de suite qu’elle vient de commettre une grosse erreur… sa nouvelle bestie va se transformer en ennemie. Cady décide de renverser l’ordre établi avec l’aide de ses amis losers, Janis et Damian. Parviendra-t-elle à imposer ses règles dans la jungle impitoyable du lycée ?
Être féministe, queer et antiraciste, c’est être moins drôle et moins créative. Vraiment ?
Aux commandes de Mean Girls, on retrouve la scénariste du teen-movie original, Tina Fey qui reprend son poste, ainsi que celui de productrice. Si le quatuor iconique du film de 2005 laisse place à des actrices assez peu connues, la présence en tête d’affiche de la chanteuse queer Renée Rapp avait quand même de quoi piquer notre curiosité. Et on a eu raison : parce qu’elle insuffle une « bad bitch energy » vraiment incarnée et digne du premier film, Renée Rapp est à peu près le seul point positif de ce naufrage qui frôle l’indigestion.
Si l’on a trouvé bien peu à se mettre sous la dent en dehors des regards furieux et des titres incroyables de Rapp, une question nous a hantée devant le film. Dans quelle mesure la poule aux œufs d’or Barbie a-t-elle donné l’envie à certains investisseurs de retenter un braquage tout en rose ?
De fait, il est impossible de ne pas penser aux 50 shades of pink du chef-d’œuvre de Greta Gerwig devant la campagne marketing de Mean Girls. D’autant plus que les liens entre les deux films ne s’arrêtent pas là. En effet, on l’a lu dès la campagne de promotion de ce remake : le créneau du nouveau Mean Girls, c’est d’être « moins problématique » que l’original. On nous promettait de nous resservir notre film doudou (et effectivement, la nouvelle version ressemble parfois à une copie au détail près de l’original) en balayant son hétéronormativité, sa grossophobie et son racisme.
Le problème, c’est que Mean Girls fait partie de ces films contemporains qui propagent l’idée que ne pas être problématique, c’est être moins drôle, moins impertinent et moins créatif. Or, c’est tout l’inverse – et Barbie n’en est qu’une preuve, parmi un milieu d’autres œuvres signées par des féministes.
Mean Girls pour les 5-10 ans : une vraie fausse bonne idée
Ainsi, les comparer n’est jamais aussi éclairant que lorsque l’on comprend que Barbie et Mean Girls sont de parfaits opposés. Là où Greta Gerwig nous faisait sans cesse éclater de rire ou nous émouvait pour mieux célébrer la nature grandiose et si complexe du féminisme, qui, tous les jours, doit composer avec la bêtise de la masculinité et l’immondice du capitalisme, Mean Girls, lui, ne s’encombre pas de ces questions. Dans ce remake, le féminisme se résume à des couples gays en arrière, arrière-plan de l’image, ou à trois lignes de dialogue « woke » qu’on croirait adressées à des enfants de 9 ans.
Prenons un exemple concret, avec cette séquence de Barbie où Ken joue de la guitare et chante en minaudant devant Barbie. C’est alors que la caméra recule et nous donne à voir des dizaines de mecs faisant la même chose avec des filles. Avec un geste de mise en scène simple et impertinent, qui remplace le dialogue par le rire et le malaise, Greta Gerwig nous fait éprouver l’absurdité du mansplaining, qui est aussi grotesque que bête et méchant.
Prenons maintenant l’exemple de Mean Girls : dans une scène, Caddy fait croire à Aaron qu’elle est nulle en maths pour lui plaire. Comment se résout cette problématique féministe ? Avec cette phrase de sa copine : « Non Caddy, tu ne dois pas faire croire à Aaron que tu es nulle en maths pour qu’il se sente intelligent, ce n’est pas féministe ! ». Déprimant, n’est-ce pas ?
Là où le film avait un boulevard pour réinventer l’humour du Mean Girls 2005, il préfère donner à voir des personnages tellement caricaturaux qu’ils semblent avoir été passés 100 fois au scanner, pour les rendre le plus lisse possible. Pour compenser ce manque de punch et d’incarnation, le film se vautre dans une avalanche de références à TikTok difficiles à suivre et de blagues pas vraiment drôles, qui s’enchainent vite pour ne pas qu’on s’y attarde.
La caution « woke » du film passe d’autant moins que Mean Girls opère des choix de casting très bizarres. Il a beau revendiquer son progressisme, les personnages queer et racisés restent cantonnés au second plan, tandis que l’histoire d’amour centrale se joue entre deux personnages blancs et hétéros (qui, entre nous soit dit, se ressemblent beaucoup trop physiquement.)
Et, on l’avoue, on aurait adoré que Caddy pécho Regina, parce qu’elle est objectivement, beaucoup plus fraîche et intéressante que le morne Aaron. Ça, ça aurait été un Mean Girls 2024 qui claque.
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Les Commentaires
Connaissant le travail de Tina Fey qui a toujours eu le sens de la caricature et du bon mot, ça sent le rouleau compresseur marketing du "pasdevagues", et "ohmondieumaisçavapasdefairecetteblagueen2023 ! ". Du coup, on a mis son nom dessus pour le vendre, elle a du militer pour deux trois trucs qui lui plaisait (le casting ente autres) et le reste a été effacé.
Mean Girls était passé sous le radar des studios à l'époque. Tina Fey avait pu faire ce qu'elle voulait parce qu'ils le voyaient comme un "film de filles rose bonbon". C'est la popularité à posteriori du film qui lui a valu toute cette attention. S'il avait été sous le radar à l'époque, il aurait été beaucoup plus puritain.