Après Priscilla de Sofia Coppola, May December de Todd Haynes est le deuxième rendez-vous annuel marquant le retour d’un cinéaste culte. Le réalisateur de Carol et Far from Heaven signe ici son onzième film, porté par un duo d’actrices iconiques, Julianne Moore et Natalie Portman, qui donnent à May December toute son inquiétante étrangeté.
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May December, de quoi ça parle ?
Dans May December, Natalie Portman incarne Elizabeth, une star de la télévision qui, pour les besoins d’un rôle, se rend en Géorgie, à la recherche de Gracie Atherton-Yoo, une femme qu’elle va devoir interpréter dans un biopic.
Cette dernière a enflammé la presse et les tabloïds vingt ans plus tôt pour avoir entretenu une relation avec Joe, un collégien de 13 ans quand elle en avait 36.
Après avoir purgé une longue peine de prison, Gracie a épousé Joe, une fois ce dernier majeur. Ensemble, ils ont fondé une famille apparemment heureuse…
Le trouble derrière une apparente perfection
Le décor feutré d’une maison dans la ville côtière de Savannah, au Sud des États-Unis. Une femme apparemment passionnée par la pâtisserie, un homme obsédé par les papillons. Un couple et ses enfants, qui semble avoir tout de la famille idéale.
En surface, May December serait presque un portrait du rêve américain. Et pourtant : le trouble, le malaise, la perversion est juste sous nos yeux. Il est palpable jusque dans le titre du film, « May December », une expression américaine assez ironique désignant un couple séparé par un écart important, comme le sont mai et décembre dans l’année.
Le film ne le cache pas : la maison du bonheur est construite sur le brasier d’un scandale, péniblement éteint après vingt ans, et des années que Gracie a passées en prison. Évoquant un fantôme dont on ne se débarrasse pas, l’évènement est d’autant plus perturbant pour le spectateur que Todd Haynes l’a imaginé à partir d’un fait divers bien réel : l’affaire Mary Kay Letourneau. Dans les années 1990, on apprenait que cette professeure de mathématiques avait des relations sexuelles avec son élève, alors âgé de 12 ans.
Seulement, dans le film, il ne s’agit ni d’explorer toutes les facettes du fait divers, ni d’être fasciné par lui. Todd Haynes est tout l’inverse des tabloïd qui se sont emparés de l’affaire vingt ans plus tôt.
À travers ce drame qui multiplie la figure du double et du miroir, ce qui intéresse le réalisateur, c’est plutôt la question de l’identification, de l’imitation d’une femme par une autre. Plus Elizabeth observe Gracie, plus cette dernière lui échappe…
Face à cette actrice qui prend son rôle très à cœur et flirte avec le method acting, on ne peut qu’être glacé par l’impression de voir ce rêve américain transmis et rejoué à l’infini, alors même que ses racines sont pourries. Devant ce film dont on ne préfère pas trop dévoiler les contours, on oscille de questionnement en questionnement, face à un double portrait insaisissable et perturbant…
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