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Société

Sexe sans consentement : « C’est un film pour entamer une discussion » selon sa réalisatrice

Delphine Dhilly et Blandine Grosjean ont écrit le documentaire « Sexe sans consentement », un film d’utilité publique. Elles nous racontent sa genèse.

Mardi 6 mars, l’émission Infrarouges sur France 2 a diffusé le film documentaire Sexe sans consentement.

Je vous en parlais déjà il y a quelques semaines : j’ai vu le film en avant-première, et il m’a marquée. Il est à mon sens d’utilité publique.

Co-écrit par Blandine Grosjean et Delphine Dhilly, il est également réalisé par cette dernière. Je me suis entretenue avec elles deux sur la genèse du film, son élaboration et ce qu’elles en attendent.

Le voici en intégralité sur YouTube.

https://www.youtube.com/watch?v=8Lqye0w4MH8

La douce prise de conscience face au non-respect du consentement

Blandine Grosjean a de l’expérience. Longtemps journaliste à Libération, elle est ensuite devenue la rédactrice en cheffe de Rue 89.

Elle racontait en janvier, dans une tribune au Monde, sa lecture de l’article « Too embarrassed to protest» [ndlr : « Trop gênée pour dire non »], écrit en 2007 par Esther Freud.

« Avant même de le lire, je sais de quoi il s’agit. Nous savons toutes de quoi il s’agit », raconte-t-elle.

Sans pour autant qu’elle pose les mots « agression », ou « atteinte » dessus.

Puis vient 2010. Alors qu’elle dirige la rédaction de Rue 89 elle se heurte à des points de vue qui diffèrent du sien au moment de l’affaire Assange. Les plus jeunes de ses journalistes en particulier ont des points de vue bien arrêtés : on parle de viol.

« Je pense que c’est dû au fait qu’on aille globalement vers plus d’égalité. Les jeunes femmes osent affirmer ce qu’elles veulent faire de leur vie, communiquent plus entre elles…

Des choses que nous gardions pour nous, et que nous intériorisions comme « normales », elles peuvent désormais les dénoncer. »

À lire aussi : «Le silence est mort, et nous ne le regretterons pas » — Le billet de Sophia Aram

Faisant référence à l’éducation genrée, elle explique qu’on apprend davantage aux petites filles à être polies et douces, à ne pas déranger…

« J’ai une amie, beaucoup plus jeune que moi, qui me racontait que sa mère lui avait toujours appris que si à un moment elle était avec un garçon, mais qu’elle aurait préféré être ailleurs, il fallait qu’elle rentre immédiatement.

C’est hyper important de la part des parents d’inculquer ça à leurs enfants, de parler de consentement en même temps qu’on aborde le préservatif, la contraception, avant que les premières expériences sexuelles se produisent et pas après. »

Son questionnement par rapport au consentement, elle a donc décidé d’en faire un film. Pour entamer, collectivement, cette discussion.

Sexe sans consentement : de l’idée à la réalisation

Blandine avait donc l’idée du film, elle a contacté Delphine – entre autres réalisatrices – comme me le raconte cette dernière :

« Elle avait vu mon film Les Lovers. Quand elle m’a raconté son projet j’ai été très émue, car mes premières fois, c’était ça. Je n’ai pas réussi à dire non, donc je voyais exactement ce dont elle parlait.

On l’abordait peu avec mes amies. C’était des « trucs pas cool »… Mais moi, ça a marqué ma vie sexuelle, mon intimité.

Le but du film, c’était donc de raconter ce truc hyper important, mais tabou. »

Pour elle, c’était aussi un « challenge énorme » qui l’a tout de suite intéressée :

« C’est une série de témoignages, ce qui est déjà un enjeu en soi. Le but était en plus de dépasser l’intime et le psychologique pour parler de vrais enjeux sociaux. »

Faire témoigner des jeunes à visage découvert dans Sexe sans consentement

Ce challenge, elle l’a abordé tôt. Avant même que le film soit vendu, elle a commencé à en parler autour d’elle.

« J’avais besoin d’en parler pour comprendre. »

Puis elle a débuté la recherche des témoignantes. Sur un sujet tel que celui-ci, trouver des personnes prêtes à témoigner à visage découvert n’était pas gagné d’avance.

« On a tout de suite indiqué de quoi il s’agissait, clairement, dans les appels à témoin. On les a fait circuler par mail, dans des réseaux féministes… Et aussi par exemple sur madmoiZelle. »

Elle m’explique avoir généralement rappeler les première témoignantes dès lors que ce n’était pas un viol avec violence. Essentiel, puisqu’il s’agit ici de s’attarder sur ce qui est parfois perçu comme une « zone grise ».

sexe sans consentement alire

« On s’est appuyées sur la précision de leur histoire, la solidité des filles, ce qu’elles racontaient… Je leur ai parlé au moins deux fois par téléphone, puis je les ai rencontrées une fois ou deux, en essayant de sonder si elles se sentaient capables de faire ce film et pourquoi.

C’est épatant, mais toutes ont très vite dit « Je ne le fais pas uniquement pour moi, c’est un acte militant ». J’ai été bluffée. Au final on avait 12 filles dont le profil correspondait qui étaient prêtes à témoigner à visage découvert devant la caméra. »

Et à force d’échange et de confiance, six d’entre elles livrent leur histoire et leurs ressentis dans le documentaire. Des histoires particulières qui ont toutes certains traits communs : un non pas écouté, une posture de refus qui n’est pas analysée comme telle par le garçon qui est face à elles.

Les hommes et le consentement

Les garçons justement. Ils sont là, interviewés sur leur rapport à la drague, au consentement. Delphine m’explique leur présence, dans un film centré sur l’expérience des jeunes femmes :

« Quand tu fais un film, tu as une question. Moi, je comprends les filles, c’est mon point de vue. Mais les garçons… je voulais vraiment savoir. Donc on les a abordés sans pièges, c’était vraiment des questions sincères. »

La réalisatrice est allée à leur rencontre dans des festivals, où elle a aussi tourné de nombreuses scènes de danse, « où l’on voit les corps », des lieux « très riches visuellement ».

« Ils peuvent apparaître comme des idiots – et pourtant on n’a pas mis les plus caricaturaux – mais ce n’était pas du tout l’objectif », explique Blandine Grosjean.

Delphine Dhilly complète :

« C’était assez joyeux comme échange, fascinant et surprenant, de façon un peu terrible devant les énormités que certains disaient. Mais poétique aussi avec leurs contradictions parfois désolantes, mais touchantes, d’autant plus que les discours de certains évoluent au fil du film.

Ces jeunes ils ne sont pas méchants, mais on ne leur a jamais dit pour le consentement. Ils sont aussi face à des injonctions de virilité… Il y a presque un autre film à faire honnêtement. »

Sexe sans consentement : entamer le dialogue

Bien sûr, l’idée n’était pas de les mettre au centre d’un film qui tourne avant tout autour de ce qu’on vécu les jeunes femmes qui témoignent. Simplement de nuancer.

Finalement, il est construit comme les prémisses d’un dialogue que Blandine et Delphine veulent entamer :

« L’idée est d’aller vers un changement de paradigme : arrêter de croire au prince charmant, ne plus avoir peur d’une fille qui prend les devant et drague… »

À aucun moment le film n’est dans l’injonction. Même son titre repose sur ce postulat selon Blandine :

« Le titre « Sexe sans consentement », c’est le corps et le cœur du projet. Dès le départ c’était clair pour nous qu’on ne voulait pas trancher : est-ce du viol, ou non ? Les filles le disent si elles le veulent. Certaines mettent les mots dessus, d’autres pas exactement.

Ce n’est pas un film qui dit qu’il faut pénaliser ces atteintes : on voulait à tout prix éviter de dire qu’il fallait faire évoluer la loi. L’objectif était simplement d’ouvrir le débat sur ce continuum. »

Raison pour laquelle Delphine tient à préciser une chose :

« Il faut voir le film en entier. Il se tient en tant que film, il y a une cohérence narrative. Les extraits, sortis de leur contexte, disent assez peu de choses. »

Alors pour la prendre au mot rendez-vous sur France 2 à 22h55 ce 6 mars, ou en replay ensuite !

À lire aussi : Sexe sans consentement, le film d’utilité publique qui lève le voile sur « la zone grise »


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