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Vie quotidienne

J’ai raté le barreau, j’ai vu mon rêve s’effondrer… et je me suis relevée

À 22 ans, cette madmoiZelle n’avait qu’un rêve : devenir avocate en passant le barreau et l’examen du Grand Oral. Après un échec, elle a dû reconsidérer tous ses choix de vie.

Publié le 21 novembre 2019

J’ai toujours été une bonne élève. Pas excellente mais bonne grâce à un travail acharné.

J’avais quelques facilités, mais pas comme certains et certaines qui réussissent sans travailler. J’ai toujours dû cravacher pour réussir mes examens.

Des sacrifices pour mes études de droit

Après avoir fait un bac scientifique par obligation et non par choix, je me suis tournée vers une classe préparatoire et la fac de droit.

Un monde nouveau dénué de maths s’est ouvert à moi.

Pourtant, même si j’ai aimé ça très rapidement, il faut l’admettre : avec le droit, on ne se fend pas la gueule tous les quatre matins.

A donc commencé un long chemin parsemé de journées entières à la BU, à apprendre 500 arrêts de jurisprudence par semestre, des dissertations et commentaires à rendre chaque semaine, des longues nuits à réviser…

Bref, des sacrifices à foison.

Quand mes amies faisaient la fête le jeudi, vendredi, samedi soir, je travaillais. Si je sortais, je rentrais relativement tôt pour pouvoir réviser le lendemain et jamais en semaine.

Mais les sacrifices ont porté leurs fruits : les résultats étaient là, j’avais de bonnes notes, je validais chaque année avec mention. J’ai pu rentrer dans le meilleur master dans ma spécialité.

Bref, tout roulait malgré un bon syndrome de l’imposteur (toujours présent ce bon con).

Le choix de me lancer dans le marathon du barreau

J’ai toujours été très extravertie, j’adore m’exprimer en public et convaincre, j’ai des convictions bien ancrées, donc mes proches et mes profs m’ont grandement incitée à passer le barreau pour devenir avocate.

Le port de la robe et le fait de pouvoir plaider était un rêve qui se dessinait de plus en plus. Je me voyais déjà me faire appeler Maitre, pouvoir être utile à la société et défendre des causes qui me tenaient à cœur : le graal !

J’étais donc décidée : je me suis inscrite à l’examen d’entrée au barreau de Paris.

Pourtant le métier d’avocate n’est pas aussi beau que l’on pourrait le croire.

Les débuts sont très difficiles ! Des horaires de chien (genre 9h-1h du matin) pas de RTT, pas de jours fériés, travailler le week-end, un salaire peu mirobolant malgré un Bac +7…

Je faisais fi de toutes ces contraintes tant j’avais envie de prouver à tout le monde que j’étais capable de le faire.

Je viens d’une famille nombreuse où la réussite est une évidence : entre un ingénieur d’une des meilleures école de France, un médecin, une juriste, passer derrière a toujours été compliqué tant les comparaisons étaient récurrentes.

Toute à ma détermination, je me suis lancée dans le marathon du barreau.

Le marathon du barreau : le 7e cercle de l’enfer

Après avoir fini mon Master 2, et un stage en cabinet d’avocat un peu dur, je me lance dans les révisions pour passer l’examen d’entrée en septembre. J’avais pris une prépa privée pour réussir à supporter l’été de révision.

J’avais la chance d’être avec deux de mes meilleurs amis, ce qui fut un soutien sans faille.

L’épreuve du barreau se découpe en deux phases :

  • Une phase écrite avec quatre épreuves : une note de synthèse de 5h, une épreuve de droit des obligations de 3h, une épreuve de spécialité de 3h, ainsi qu’une épreuve de procédure civile, pénale ou administrative de 2h,
  • Si tu es admissible tu peux aller à la session des oraux avec un oral de langue et… le Grand Oral : l’épreuve la plus redoutée de tout candidat.

Mon été de révision a été difficile.

Réviser 10h par jour pendant que les copains sont en vacances à la plage ou à l’autre bout du monde pendant qu’il faut apprendre des centaines d’arrêts de jurisprudence sous une canicule…

Ce fut éprouvant, très éprouvant même.

Mais j’ai eu la chance d’avoir des parents et amies hyper présents qui m’ont extrêmement soutenue ! Malgré tout, des phases de stress m’ont parfois pris à la gorge. J’ai perdu plus de 7kg pendant cet été…

Arrive le grand jour : le début des épreuves écrites début septembre.

Ces dernières se passent plutôt bien pour mes amis et pour moi. Une fois ces quatre épreuves terminées, il faut se relancer dans les révisions si jamais l’admissibilité est décrochée !

Il faut donc continuer à réviser sans savoir si le voyage continu ou si tout s’arrête.

Mes premiers résultats à l’examen du barreau

Finalement, le 22 octobre arrive : jour des résultats. Je suis en panique généralisée. J’emmerde la terre entière de stress.

Le résultat tombe : je suis admissible ! Et mes deux amis aussi.

Là, explosion de joie. L’été de sacrifice n’avait pas servi à rien.

Cependant, il restait encore la phase des oraux. Malgré tout, je suis extrêmement sereine : j’ai un bon niveau en anglais et le Grand Oral, au contraire de bon nombre de mes camarades, ne m’inquiète pas du tout.

Je sais que je suis bien meilleure dans les épreuves orales qu’écrites. J’ai même hâte d’y aller ! Mes professeurs n’ont pas d’inquiétude pour moi tant il semble inconcevable que je puisse planter cet exam.

D’autant que la principale sélection a lieu pendant les écrits (30% d’admissibles environ tandis qu’il n’y a que 10% de recalés aux oraux).

La lettre a été tirée, je dois passer dans la dernière session du concours presque un mois après.

Le Grand Oral du barreau : l’expérience la plus traumatisante de ma vie

Je continue mes révisions en étant très sereine. Le Grand Oral consiste en un oral de 45 minutes face à un magistrat, un avocat et un professeur d’université.

Il touche aux droits et libertés fondamentales et est découpé en deux parties :

  • Une partie d’exposé sur un sujet tiré au sort, de 15 minutes
  • Une partie sur des questions posées par le jury en lien avec le sujet, puis sur les libertés fondamentales, pendant 30 minutes.

Le jour J arrive. Pardon : le grand massacre commence.

Je prépare mon sujet tiré au sort assez sereinement, je suis bien dans mes bottes. J’ai réussi mon oral d’anglais quelques jours auparavant, j’ai des points d’avance, mes oraux blancs se sont très bien passés.

En attendant devant la porte je vois le candidat avant moi sortir en pleurant. Je reste malgré tout sereine : il est courant que des étudiants craquent pendant le Grand O.

Bref, j’y vais sereinement. Et là, c’est le drame.

Le jury m’appelle, je m’assois, commence mon exposé toujours très à l’aise malgré un léger stress. Quand commence les questions, je sens tout de suite que quelque chose ne va pas.

Le magistrat m’enchaîne de questions en étant particulièrement virulent, et les deux autres membres du jury ne disent rien.

Mes questions ne tournent pas autour des libertés fondamentales mais sur du droit croate, des questions en latin, en finance internationale. J’essaie de garder une contenance mais au fond je sais que c’est foutu.

Je sors de la salle en essayant de rester digne malgré les 45 minutes de feu nourri qui m’ont donné l’impression d’être envoyée au peloton d’exécution.

En sortant, le magistrat dit une phrase que je n’oublierai sans doute jamais :

« C’est bien d’avoir le physique, ce serait mieux d’avoir l’intelligence. »

Allez ça c’est offert par la maison les gars.

Je sors, retrouve ma mère qui m’avait attendue et je m’effondre. Mon rêve vient de s’envoler. Mes proches me rassurent. Mais le résultat est sans appel : je suis recalée.

Quand est écrit « ajourné » à côté de mon nom, le jour des résultats, je m’effondre. Je remets tout en question : toutes ces années de sacrifices, ces 6 mois de travail acharné, mon rêve d’être avocate, bref, toute la vie que je m’étais fixée s’envole.

Je veux tout plaquer, partir vivre en Australie, élever des kangourous et faire un gros fuck au droit.

Se relever de l’échec quand on rate le barreau

Ma famille et mes amis ont été géniaux avec moi. Ils ont essayé de me faire positiver, de m’aider à trouver des plans B, en me disant de ne surtout pas me laisser abattre, et finalement ce fut la clé de la remontada.

J’étais écœurée par le droit, par ce jury qui avait décidé de m’incendier dès que je suis rentrée dans la salle. J’avais perdu toute confiance en moi.

Comment avais-je pu rater mon épreuve « reine », celle dans laquelle je devais m’éclater ?

Pourtant, après des encouragements, beaucoup d’écoute et de rhum arrangé, j’ai fini par digérer cet échec. J’en ai même tiré des leçons !

D’une part, si le métier me faisait rêver, une profession n’est pas toute une vie. Il est possible de s’épanouir dans un autre domaine que celui de l’avocature, qui peut s’avérer être un milieu de requins.

Et les mois de travail n’ont pas été vains !

Ils m’ont prouvé que j’étais capable de me donner à fond pour arriver où je voulais être. J’ai prouvé à ma famille que j’étais aussi capable que mes frères même si la fin n’a pas été couronnée de succès.

Je me suis dépassée comme je ne m’en croyais pas capable. J’ai beaucoup appris sur moi-même, j’ai énormément gagné en maturité.

Surtout, j’ai appris à relativiser, à prendre du recul et à me dire qu’un échec ne nous tue pas si l’on accepte de se battre.

Redéfinir mes objectifs et mes rêves après avoir raté le barreau

En décembre dernier j’étais une loque, je ne savais pas ce que j’allais faire de ma vie. J’avais perdu le peu de confiance que je pouvais avoir en moi.

J’étais au fond du trou.

5 mois plus tard, j’ai trouvé un emploi dans lequel je m’éclate, des amis que je peux enfin voir autant que je veux, un super copain et une famille toujours aussi exceptionnelle !

Avant le barreau, j’ai eu un Master de droit immobilier et de la construction. Ça m’a permis d’entrer dans une entreprise de construction.

J’ai hésité avant d’accepter. Mais finalement, le poste ne me demandait pas que des compétences juridiques mais aussi commerciales, de négociation et surtout de terrain.

Je m’épanouis énormément là-dedans.

J’ai retrouvé ce qui me plaisait dans l’avocature : être en contact direct avec le client, aller sur le terrain mais en gardant malgré tout une dynamique juridique.

J’ai pu trouver un équilibre entre mes envies de liberté sur le terrain, de possibilité d’aider des acquéreurs.

J’ai écris ce témoignage parce qu’après l’échec du barreau j’avais l’impression d’être nulle et que tout le monde allait réussir sa vie mieux que moi.

J’aurais bien aimé pouvoir lire le témoignage de quelqu’un qui l’avait raté et qui a relevé la tête.

Perdre son rêve c’est difficile, surtout quand on vient d’une famille où la réussite est une évidence. Même si je n’ai pas subi de pression directe par mes parents ou mes frères, elle est quand même présente !

Mais rater son rêve ne signifie pas qu’on ne peut pas s’en construire de nouveau. L’important c’est de relever la tête et de trouver de nouveaux objectifs !

À lire aussi : Je me suis trompée d’orientation et ça m’a fait souffrir

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Les Commentaires

31
Avatar de Maia Kovskaia
4 décembre 2019 à 15h12
Maia Kovskaia
Merci pour ce témoignage, très personnel et qui a dû lors de sa rédaction réveiller pas mal de mauvais souvenirs…

D'ailleurs ça m'a refait penser à mon premier gros échec perso, ma première grosse claque: avoir raté l'oral de Sciences Po. Ton témoignage résonne beaucoup en moi, même si toutes proportions gardées (j'imagine bien que l'examen du barreau est quand même beaucoup plus déterminante pour ta vie professionnelle que l'école dans laquelle tu rentres après ton bac), on m'avait aussi expliqué qu'il n'y avait pas moyen que je le rate, et ayant été dispensée des épreuves écrites qui était la plus grosse partie de la sélection, j'avais préparé l'oral sérieusement mais sans paniquer non plus.
Sans avoir eu un jury aussi puant que le tien, je m'étais pas du tout sentie à l'aise et j'ai eu l'impression d'être constamment à côté de la plaque tout le long. Une des jurée m'avait assené avec un mépris suprême que j'avais jamais fait de sociologie, que je n'y connaissais rien et que je ne pouvais pas dire que c'était une de mes matières préférée au lycée (j'ai fait un bac ES je précise).

Rater une épreuve qui semblait avoir été faite pour toi, quand tout le monde t'as encouragé et y croyait, c'es passablement traumatisant. Alors j'imagine même pas quand ça te refuse l'accès à la profession dont tu rêves. C'est trop bien que tu te sois remotivée ensuite et que tu ai trouvé quelque chose qui te plaise. Ça te donne une force pour l'avenir incroyable! Et effectivement si c'est pour travailler avec ce genre de personnes ça refroidit tout de suite. Il me semble que le milieu du tribunal reste encore bien sexiste, il y avait un tumblr qui était sorti il y a quelques années, payetarobe où des avocat.e.s racontent les remarques qu'elles subissent sur leur lieu de travail…
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