On le sait, être une femme dans le monde du travail peut se révéler être un vrai parcours du combattant : inégalités salariales, plafond de verre, discriminations liées à la maternité, harcèlement sexuel ou sexiste… La liste des obstacles à franchir est longue.
Pour savoir s’il faut y ajouter en plus la discrimination à l’embauche, juste parce qu’on est une femme, la Direction de l’Animation, de la Recherche, des Études et des Statistiques (Dares) qui dépend du ministère du Travail en France a mené une campagne de testing de grande ampleur.
Des candidatures fictives envoyées à des offres d’emploi
Des CV fictifs, où seul le prénom différait, ont été envoyés à des milliers d’offres d’emploi, bien réelles elles, pour voir quels individus étaient plus susceptibles d’être rappelés par les employeurs.
Et là, surprise, les femmes et les hommes ont globalement les mêmes chances d’être rappelés : un tiers ont été recontactés, la moitié n’ont pas reçu de réponse, les autres ont été refusés.
Précisons tout de suite qu’il s’agit de candidature avec des prénoms d’origine « française » type Claire et Sébastien, un choix fait par la Dares afin de se concentrer sur les discriminations liées au genre, en excluant les différences de traitement liées à l’origine sociale. Des tests ont aussi été effectués avec des prénoms d’origine maghrébine, mais les résultats seront publiés ultérieurement (et nous ne manquerons pas, bien sûr, de vous tenir au courant).
Si l’on se contente de regarder les chiffres dans leur ensemble, on pourrait donc penser qu’il n’existe pas de discrimination à l’embauche envers les femmes, mais en réalité, c’est plus complexe que cela.
Les candidatures féminines favorisées dans les métiers très qualifiés
Les candidatures féminines pour des postes peu qualifiés sont moins souvent recontactées que les candidatures masculines tandis que pour les postes qualifiés, avec notamment de l’encadrement d’équipe, c’est l’inverse… Les femmes sont plus souvent rappelées que les hommes.
Et cet effet se vérifie encore plus dans le cas des métiers fortement masculinisés, comme l’explique la Dares :
« Si les femmes ne sont pas discriminées en moyenne, elles apparaissent donc favorisées lorsqu’elles sont qualifiées et candidatent à des métiers avec fonction d’encadrement, et défavorisées lorsqu’elles sont peu qualifiées et candidatent à des métiers peu qualifiés.
Il est même possible d’aller plus loin en remarquant que ce contraste entre métiers qualifiés et peu qualifiés est largement tiré par les métiers les plus masculinisés : parmi ces métiers, la discrimination à l’embauche en raison du sexe s’inverse littéralement lorsque le niveau de qualification requis augmente. »
Autrement dit, les candidatures de monteuses-câbleuses, préparatrices de commandes et aides-cuisinières sont boudées, tandis que les profils d’ingénieures et directrices de restaurant ou magasin sont plébiscités.
Discrimination à l’embauche : comment l’expliquer ?
Comment expliquer ce décalage entre métiers peu qualifiés et très qualifiés ? Y a-t-il eu une prise de conscience chez les recruteurs et recruteuses de la nécessité de féminiser les équipes dans des secteurs très masculins ? Mais dans ce cas, pourquoi uniquement sur des postes d’encadrement ? Est-ce parce que les qualités dites « féminines » commencent à être plébiscitées chez les managers ? Ou carrément — soyons cyniques — parce que les femmes coûteront moins cher à l’entreprise ?
Ben ouais, toutes choses égales par ailleurs, les femmes sont en moyenne moins payées que leurs homologues masculins, sauf si… tout le monde est payé au SMIC.
La Dares ne se mouille pas et se borne à demander des « analyses complémentaires pour mieux comprendre ce phénomène » :
« En examinant par exemple plus finement la manière dont la féminisation au sein de chaque entreprise influence ses recrutements. Toutefois, en montrant que certains métiers très peu féminisés recrutant pour des postes d’encadrement favorisent les candidatures féminines, les résultats obtenus montrent déjà que les décisions des recruteurs ne se conforment pas systématiquement aux stéréotypes de genre concernant le recrutement effectué, et que les discriminations ne s’observent pas toujours là où l’on aurait pu les anticiper. »
Indiquer qu’on a des enfants sur son CV ne serait pas discriminant
L’autre surprise de l’étude, c’est qu’a priori les indications dans le CV sur la parentalité ou l’existence de périodes d’inactivité ne semblent pas avoir d’effet sur les chances de rappel des candidats, femmes comme hommes.
Cette bonne nouvelle est toutefois nuancée par la Dares, qui pointe les limites de la méthode du testing utilisée dans cette étude.
« Cette méthode ne mesure que les chances d’être contacté par un employeur ou convié à un entretien d’embauche. Il est possible que les employeurs utilisent ensuite l’entretien d’embauche pour cerner la situation individuelle et la motivation des candidats et leur capacité à s’investir dans leur travail. Il n’est donc pas exclu qu’à l’étape de l’entretien, la situation parentale ou la probabilité (réelle ou supposée) d’avoir des enfants dans un futur proche jouent sur les chances de recrutement, au détriment des candidates. »
Précisons tout de même que cette possible non-discrimination à l’embauche liée à la maternité n’invalide pas le fait que les femmes voient leur carrière ralentir et leur rémunération reculer lorsqu’elles ont des enfants, tandis que la paternité ne semble pas avoir d’impact sur les carrières des hommes.
Enfin, de multiples études ont montré la persistance d’inégalités salariales et le moindre accès des femmes aux promotions et fonctions de direction. Alors, on ne va pas bouder notre plaisir et se réjouir déjà de voir des candidatures féminines externes plébiscitées pour les postes d’encadrement, mais on va aussi espérer que les femmes ne seront pas écartées dans les métiers moins qualifiés et qu’elles seront aussi promues en interne. Et tant qu’à faire, pas harcelées au boulot !
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