La moitié des gens ont beau dire qu’ils n’ont que faire de Kim Kardashian, toujours est-il que chacune de ses apparitions médiatiques se répercute en pics de recherches pour s’acheter les mêmes vêtements et accessoires qu’elle, obtenir la même coiffure ou maquillage, et en centaines de milliers visites sur des articles plus ou moins racoleurs.
À travers sa coverstory pour le magazine Vogue étatsunien du mois de mars 2022, la plus connue du clan Kardashian enchaîne les tenues et poses régaliennes, riches en références culturelles. Il n’en fallait pas plus pour qu’une horde de personnes lui tombe dessus, l’accusant de copier Beyoncé, Nina Simone, ou encore Naomi Campbell…
Kim Kardashian a-t-elle plagié des personnalités noires dans son dernier shooting Vogue ?
Au premier rang des nombreux comptes Twitter et Instagram qui pointent les similarités entre des personnalités noires et Kim Kardashian figure Diet Prada. Suivi par 3 millions de personne sur le réseau social du groupe Meta, @diet_prada se positionne régulièrement comme un lanceur d’alerte en justice sociale dans l’industrie de la mode et de la beauté.
Mais une fois n’est pas coutume, ce chien de garde autoproclamé se garde bien de présenter l’ensemble des informations, caricaturant la situation pour l’accuser de blackfishing (prétendre qu’on est une personne noire alors qu’on ne l’est pas) et gagner en potentielle viralité.
Comprendre comment sont produites les images mode, fruit d’un travail collectif
Or, ce genre de séance photo résulte d’un travail d’équipe, entre la modèle (en l’occurence Kim Kardashian), la photographe (Carlijn Jacobs), et le styliste (Carlos Nazario). Sans compter que pour une séance photo d’une telle importance, il est même possible qu’un ou une directrice de mouvement (pour bien poser) ait été réquisitionnée !
On notera au passage que c’est North West, 8 ans, qui signe le stylisme de ses frères et soeurs, également mis en scène dans l’édito mode de leur mère.
Bref, si les poses, les vêtements, et mise en beauté de Kim Kardashian peuvent évoquer certaines photos et looks de personnalités noires, elle n’en est sûrement pas la seule responsable. Et encore moins coupable, puisque ce n’est pas un crime.
C’est même plutôt logique tant les personnalités noires en question ont pu nourrir l’imaginaire collectif contemporain — surtout dans la mode — y compris celui de l’équipe qui a encadré cette séance photo. Et tant mieux si l’on peut s’y référer : cela conforte leur importance iconographique, donc leur statut d’icône, littéralement. Toutes ressemblances tiendraient davantage d’hommage.
La production d’images mode passe souvent par les clins d’oeil historiques, culturels, plus ou moins lointains et récents. Ce serait dommage de s’en priver tant ce genre de ponts et filiations peuvent s’avérer intéressants, enrichir le patrimoine visuel globale. Et ce serait pire que naïf et illusoire de croire que toutes les images créées puissent et doivent paraître complètement inédites, d’autre part.
D’ailleurs, le styliste noir Carlos Nazario est aussi celui… du photoshoot de Naomi Campbell que Diet Prada présente comme étant aujourd’hui plagié par Kim Kardashian pour Vogue ! Que ces images puissent se ressembler peut donc surtout signifier que ce professionnel a une patte de styliste reconnaissable, ce qui est une qualité dans cette industrie.
Rendre au styliste ce qui appartient au styliste
C’est pourquoi le journaliste culture Shelton Boyd-Griffith s’énerve ainsi sur Twitter le 9 février 2022 face aux raccourcis douteux de Diet Prada qui invisibilise le travail du styliste noir en question :
« Diet Prada continue d’être le parasite de cette industrie. Poster la couverture de Vogue avec ses influences et similarités sans créditer que Carlos — un styliste noir — a fait le stylisme…
D’ailleurs : je souhaite que les gens fassent davantage de recherches, c’est tout. Ces deux couvertures/éditos mode [Kim Kardashian pour le Vogue de mars 2022 et Naomi Campbell pour le numéro de novembre 2020] avaient le même styliste. D’où les esthétiques similaires. Qu’est-ce qui ne tilt pas ?
Je déteste que [Diet Prada] se pose en autorité de la mode alors que ce compte encourage une rhétorique qui reste en surface, digne des pires tabloïds, et influence tant de jeunes esprits intéressés par la mode. Je souhaite que les jeunes fassent des recherches, lisent des livres, etc. N’écoutez pas les publications de Diet Prada ! »
Cette histoire rappelle donc l’importance de chercher à comprendre l’intégralité d’une situation avant de sauter aux conclusions.
Kim Kardashian feint d’ignorer combien elle a pu s’inspirer de femmes noires
En revanche, on peut s’interroger sur le fait que Kim Kardashian feigne tant d’ignorer l’influence de personnalités noires sur sa propre esthétique auprès de Vogue.
Le magazine la présente en effet comme celle qui aurait révolutionné, à elle seule, les standards de beauté. Le média souligne notamment qu’environ 30% des femmes visitant le bureau d’un chirurgien plasticien à Beverly Hills demandent à lui ressembler. Kim s’en étonne ; la Bible de la mode explique alors sa surprise par le fait qu’elle aurait grandi à une époque où seules les femmes filiformes étaient en vogue (jeu de mot volontaire) :
« L’une des raisons pour lesquelles Kim ne peut pas se reconnaître dans sa légion de sosies, peut-être, est qu’elle a grandi habituée à ne pas se voir dans la culture populaire de sa jeunesse.
Kim est arrivée à maturité dans les années 1990, à l’époque du grunge androgyne — des qualificatifs qui n’ont rien à voir avec sa marque de fabrique actuel de sex-appeal tout en courbes. Elle se souvient de ne pas s’être vue dans des icônes de beauté grandissant jusqu’à l’arrivée de Salma Hayek (et peu de temps après, Jennifer Lopez). C’est alors qu’une ampoule s’est allumée.
“D’accord, il y a d’autres formes de corps. Il y a d’autres looks que les gens trouvent beaux”, se souvient-elle. “Ma référence pour le bal de promo était Salma Hayek. Je suis allé au comptoir d’une [boutique de maquillage] MAC et j’ai apporté des photos d’elle. C’était comme si j’avais enfin quelqu’un à admirer.” »
Or, difficile d’ignorer combien récemment Kim Kardashian a, maintes et maintes fois, abusé d’autobronzant, apparaissant toujours plus foncée, mais aussi gonflée des lèvres et des fesses par des injections. Ces caractéristiques physiques ne sont pas réservées aux seules femmes noires, certes, mais cela peut interroger et correspondre au blackfishing.
À cela s’ajoute que Kim Kardashian a déjà reconnu par le passé combien des femmes noires comme Naomi Campbell ont pu l’influencer dans son style vestimentaire.
Ce physique travaillé, augmenté, a pu contribuer à ce que Kim Kardashian vende le fruit de cultures noires. Comme ses fameux tutos pour des coiffures traditionnelles chez des personnes noires, qu’elle s’est bien gardée de créditer, notamment… Là, parce qu’on touchait à une forme de pillage économique, on pouvait parler d’appropriation culturelle.
C’est donc dans cette lignée de fois où Kim Kardashian a déjà capitalisé sur les cultures noires que cet édito mode a pu faire grincer de nombreuses dents promptes à la traiter une énième fois de vautour.
À lire aussi : Cinq ans après, les leçons à tirer du cambriolage de Kim Kardashian et des réactions du grand public
Crédit photo de Une : Kim Kardashian, photographiée par Carlijn Jacobs pour le Vogue étatsunien.
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