Contrairement au kakapo, ce gros perroquet con qui a débarqué dans votre vie sans prévenir, il est fort possible que l’ornithorynque ne vous soit pas inconnu. Mais oui ! L’Ornithorhynchus anatinus, de son petit nom scientifique, c’est ce drôle de castor avec un bec, là, qu’on voit dans les dessins animés ! À moins que ce ne soit un canard avec une grosse queue ?
Ou peut-être pas. Lors de mon passage en Australie, j’ai eu l’immense joie teintée d’une vague hystérie contrôlée d’en voir un POUR DE VRAI (contrôlée, je vous dis). Car oui, cet animal mythique, dont tout le monde parle mais que personne n’a jamais vu, vit sa vie au rythme du balancier de sa queue à l’Est de l’Australie et en Tasmanie.
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Bernard l’ornithorynque approuve cet article.
Alors, est-ce un canard ? Est-ce un castor ? Est-ce un psykokwak ? Enquête (presque) sur le terrain à la découverte de cette créature qui, une chose est certaine, aime qu’on lui gratouille le ventre.
L’ornithorynque, ou lorsqu’un canard à poils bouleversa la Science
Avant d’être assez étrangement mignon pour fasciner la terre entière depuis l’Australie, l’ornithorynque a traumatisé des générations de scientifiques (et de dyslexiques). Présenté pour la première fois en Europe par les colons anglais vers la fin du 18ème siècle, il a commencé par essuyer le déni des biologistes qui, des crevettes louches au ratel sociopathe, pensaient pourtant avoir tout vu.
Puisqu’il vous dit que c’est un platypus.
« Ce n’est pas possible, c’est un foutage de gueule ! », s’exclamèrent-ils, outrés comme des cuistres. « Bien fichu, mais un foutage de gueule ! ». Précisons qu’ils ne voyaient pas l’animal évoluer dans son habitat naturel : les colons leur avaient fait parvenir des représentations et une peau. Peau vers laquelle l’écrivain George Shaw approcha un paire de ciseaux à la recherche de coutures, persuadé qu’un vil farceur doué avait cousu un bec de canard à une peau de castor.
Pour sa défense, il faut dire que les canulars du genre n’étaient pas rare, comme le célèbre cas des fausses sirènes, ces corps de singes cousus à des queues de poissons qui ont longtemps trompé les scientifiques.
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Mais non : cet extraordinaire petit animal – parce qu’il n’est vraiment pas bien grand – est tout ce qu’il y a de plus réel. C’est un mammifère qui a un bec. Et qui, comme les scientifiques ont fini par le découvrir après des années d’études fascinées, pond des oeufs. Une sorte d’anomalie de la nature que les aborigènes, pour la petite histoire, expliquaient par la légende d’une madame canard ayant accepté les avances appuyées d’un rat d’eau.
Ça se tient.
L’ornithorynque, ou « cette loutre n’est pas celle que vous croyez »
Mais l’ornithorynque n’est pas une anomalie ! C’est un original, voilà tout. Il ne méritait donc pas que les premiers explorateurs le qualifient de « taupe aquatique » ou de « canard à pied plat » (et puis tous les canards ont les pieds plats, c’est le propre d’un canard, qu’est-ce que ça veut dire ?). C’est pourtant à partir de cette idée que son nom anglais a fini par donner platypus.
Est-ce que ce n’est pas beaucoup plus mignon que « ornithorynque » ? D’accord, la bestiole se présente comme une loutre, le petit corps long et recouvert de poils bruns, avec un bec plat et des pattes palmées comme un canard, et une queue aplatie comme un castor. Mais, surprise, le résultat donne quelque chose de mignon.
On peut difficilement avoir peur de cette petite bête, qui ne dépasse jamais les 30-40 centimètres de long (en comptant la queue), et qui pèse, allez, maximum 2kg tout mouillé. Et ai-je mentionné le fait que si l’ornithorynque sauvage est bien sûr farouche, celui qui a vécu à proximité de l’homme aime les gratouilles au ventre ? La preuve en images :
À part lui, seules quatre espèces d’échidnés partagent son goût pour la fantaisie en matière de reproduction. Ils forment à eux cinq l’ordre des monotrèmes, des mammifères qui pondent des oeufs à la manière de reptiles. Et en ce qui concerne l’ornithorynque, ce sont des petits bébés à bec, tout fripés et encore dénués de poils, qui sortent de ces oeufs..
Maman ornithorynque doit donc les allaiter, comme de vrais petits mammifères, mais, nouveau « je fais jamais comme tout le monde » : maman ornithorynque n’a pas de mamelles. Elle produit bien du lait, sauf qu’il suinte le long de ses poils, et au lieu de téter les petits doivent lécher les poils de maman. Cette étrange manière de faire s’explique peut-être par le fait que, contrairement aux adultes, les bébés ornithorynques ont des dents…
L’ornithorynque, un amour de castor à bec ?
Hé non, les ornithorynques n’ont pas de dents ! Ce qui, j’avoue, pose la question : mais alors pourquoi est-ce que les bébés en ont ? Est-ce que ce n’est pas un peu superflu si, une fois adultes, ils vont finir par les perdre pour se servir exclusivement de leur bec ? Quelle est cette éducation ? Céder à un caprice de ses gamins en leur fournissant un truc dont ils n’auront plus l’usage au bout de quelques mois ? Bravo l’ornitho.
Parce qu’une fois grande et indépendante, la bestiole nage avec grâce et une rapidité déconcertante jusqu’au fond de l’eau, pour ramasser des petits insectes, des vers, des larves et un peu de gravier au passage, qui lui permet en quelque sorte de mâcher tout ça.
Et ça va tellement vite que ceci est la seule photo potable que j’ai réussi à prendre.
C’est vraiment quelque chose de regarder nager un ornithorynque. Cette petite chose qui monte et qui redescend dans l’eau à toute vitesse, tout en agitant ses pieds palmés et sa queue de castor… On ne fait pas nageur plus mignon que lui – et surtout équipé ! Vous, pour plonger, vous avez besoin d’un masque ? Lui, il peut fermer ses narines, et couvrir ses yeux et ses oreilles avec des replis de peau. Ça vous en bouche un coin, hein ?
Bon, alors par contre, sur la terre, c’est un peu une autre histoire.
Mais ne vous laissez pas berner par cette apparence affable et pataude. Si l’ornithorynque a quelques problèmes avec la gravité, la pollution et ces saloperies de chiens, de chats et compagnie qui s’amusent à le chasser, il n’est pas seulement ce brave pépère à qui vous pouvez faire des guilli-guillis sur le ventrou. C’est un ouf qui dégage un venin de ses pattes arrières, capable de vous faire hurler de douleur.
Et il ferait beau voir que tu le prennes pour un castor une fois de trop.
Pour en savoir plus sur ce canard fascinant :
Platypus fact, sur National Geographic La fiche du Lone Pine Koala Sanctuary, où j’ai pu faire coucou à Barak le platypus Australian Platypus Conservancy « Platypus – the world’s strangest animal » (documentaire)
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